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19/04/2022 | FRANCE | N°462991

France | France, Conseil d'État, 19 avril 2022, 462991


Vu la procédure suivante :

Le syndicat Union fédérale autonome santé (UFAS) du grand hôpital de l'Est francilien a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Melun, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'une part, de suspendre la mise en œuvre des stipulations de l'accord de méthode conclu le 7 mars 2022 prévoyant que chaque organisation syndicale désigne les personnes habilitées à négocier parmi les agents en position d'activité au sein de l'hôpital, que le nombre de personnes ainsi désignées est au plus é

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Vu la procédure suivante :

Le syndicat Union fédérale autonome santé (UFAS) du grand hôpital de l'Est francilien a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Melun, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'une part, de suspendre la mise en œuvre des stipulations de l'accord de méthode conclu le 7 mars 2022 prévoyant que chaque organisation syndicale désigne les personnes habilitées à négocier parmi les agents en position d'activité au sein de l'hôpital, que le nombre de personnes ainsi désignées est au plus égal à la moitié des membres élus titulaires du comité technique d'établissement et que les parties prenantes s'engagent à ne pas communiquer pendant toute la durée des négociations sur les échanges et propositions faites pendant celles-ci et, d'autre part, d'enjoindre au directeur du grand hôpital de l'Est francilien de modifier ces stipulations. Par une ordonnance n° 2202688 du 23 mars 2022, le juge des référés du tribunal administratif a rejeté sa demande.

Par une requête, enregistrée le 7 avril 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le syndicat UFAS demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) de faire droit à ses conclusions de première instance ;

3°) de mettre à la charge du grand hôpital de l'Est francilien la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative

Il soutient que :

- l'ordonnance attaquée est irrégulière en la forme faute d'avoir été signée par le magistrat qui l'a rendue ;

- la condition d'urgence est satisfaite dès lors que, d'une part, les stipulations litigieuses entravent la liberté syndicale et, d'autre part, il se trouve dans l'impossibilité de disposer d'un représentant dans le cadre des négociations en cours visant à la signature d'un ou plusieurs accords collectifs au plus tard en juillet 2022 ;

- il est porté une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté syndicale ;

- les stipulations litigieuses restreignent illégalement l'habilitation à négocier aux seuls agents en activité au sein de l'établissement, alors que la liberté pour chaque organisation syndicale de désigner ses représentants constitue une composante essentielle de la liberté syndicale ;

- en imposant que le nombre des personnes désignées par chaque organisation syndicale ne soit plus identique, comme c'était le cas auparavant, mais au maximum égal à la moitié des membres élus titulaires du comité technique d'établissement, l'accord de méthode porte atteinte au principe d'égalité entre les organisations syndicales représentatives ;

- l'obligation faite aux parties prenantes aux négociations de ne pas communiquer sur les échanges et les propositions qui y sont faites enfreint la liberté de propagande syndicale.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général de la fonction publique ;

- le code de la santé publique ;

- le décret n° 86-660 du 19 mars 1986 ;

- le décret n° 2021-904 du 7 juillet 2021 ;

- le code de justice administrative ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. (...) " En vertu de l'article L. 522-3 du même code, le juge des référés peut, par une ordonnance motivée, rejeter une requête sans instruction ni audience lorsque la condition d'urgence n'est pas remplie ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée.

Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

2. Aux termes du premier alinéa de l'article R. 742-5 du code de justice administrative : " La minute de l'ordonnance est signée du seul magistrat qui l'a rendue. " Il ressort des pièces du dossier que le moyen tiré de ce que la minute de l'ordonnance attaquée ne serait pas signée du magistrat qui l'a rendue, en méconnaissance de ces dispositions, manque en fait.

Sur le bien-fondé de l'ordonnance attaquée :

3. Il résulte de l'instruction menée en première instance que, préalablement à l'ouverture de négociations collectives au sein du grand hôpital de l'Est francilien, un accord de méthode a été négocié entre les organisations syndicales et la direction. Le syndicat UFAS a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Melun, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative cité au point 1 ci-dessus, de suspendre la mise en œuvre des stipulations de cet accord prévoyant que chaque organisation syndicale désigne les personnes habilitées à négocier parmi les agents en position d'activité au sein de l'hôpital, que le nombre de personnes ainsi désignées est au plus égal à la moitié des membres élus titulaires du comité technique d'établissement et que les parties prenantes s'engagent à ne pas communiquer pendant toute la durée des négociations sur les échanges et propositions faites pendant celles-ci. Il fait appel de l'ordonnance du 23 mars 2022 par laquelle le juge des référés a rejeté cette demande.

4. Aux termes de l'article L. 222-2 du code général de la fonction publique : " Des accords-cadres engageant les signataires peuvent être conclus, soit en commun pour la fonction publique de l'Etat, la fonction publique territoriale et la fonction publique hospitalière, soit pour l'une des trois fonctions publiques, soit pour un département ministériel ainsi que les établissements publics en relevant, en vue de définir la méthode applicable aux négociations portant sur les domaines mentionnés aux articles L. 222-3 et L. 222-4. / Ils ont pour objet de déterminer les modalités et, le cas échéant, le calendrier de ces négociations. / Des accords de méthode engageant les signataires peuvent être également conclus préalablement à l'engagement d'une négociation portant sur les domaines mentionnés à ces mêmes articles. "

5. En premier lieu, il résulte de l'instruction menée en première instance que, si la stipulation contestée par le syndicat requérant, selon laquelle chaque organisation syndicale doit désigner les personnes habilitées à négocier parmi les agents en position d'activité au sein de l'hôpital, fait obstacle à ce que soit habilité l'actuel secrétaire général du syndicat requérant, qui est à la retraite, elle n'a pas pour effet d'empêcher ce syndicat de participer à la négociation, dès lors notamment qu'il dispose de représentants élus au comité technique, lesquels sont nécessairement en position d'activité au sein de l'établissement, conformément à l'article R. 6144-53 du code de la santé publique. La stipulation litigieuse, qui n'est manifestement contraire à aucune disposition législative ou réglementaire ni à aucun principe général, et qui n'apparaît pas manifestement étrangère aux buts en vue desquels un accord de méthode peut être conclu conformément aux dispositions rappelées au point 4 ci-dessus, ne peut dès lors être regardée comme portant une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté syndicale.

6. En deuxième lieu, la stipulation selon laquelle le nombre de représentants habilités à négocier par chaque organisation syndicale est au plus égal à la moitié des membres élus titulaires du comité technique d'établissement, qui ne contrevient à aucune disposition législative ou réglementaire, ne porte pas davantage une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté syndicale. Le syndicat requérant ne saurait, à cet égard, invoquer utilement la méconnaissance d'un prétendu principe d'égalité de traitement entre organisations syndicales représentatives dans le cadre des négociations, qui n'a pas d'existence juridique.

7. Enfin, il était loisible aux organisations syndicales signataires de l'accord de méthode et à l'établissement, sans porter aucune atteinte grave et manifestement illégale à la liberté syndicale, de s'engager à ne pas communiquer sur les négociations pendant toute la durée de celles-ci, dans le but de contribuer à leur bon déroulement.

8. Il résulte de ce qui précède que le syndicat requérant n'établit pas que les stipulations qu'il conteste porteraient une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté syndicale. Il suit de là que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée en première instance, pas plus que sur la condition d'urgence, sa requête doit être rejetée, y compris les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, selon la procédure prévue à l'article L. 522-3 du même code.

O R D O N N E :

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Article 1er : La requête du syndicat Union fédérale autonome santé (UFAS) est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée au syndicat Union fédérale autonome santé (UFAS) du grand hôpital de l'Est francilien.

Copie en sera adressée au Grand hôpital de l'Est francilien et au ministre des solidarités et de la santé.

Fait à Paris, le 19 avril 2022

Signé : Alain Seban


Synthèse
Numéro d'arrêt : 462991
Date de la décision : 19/04/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 19 avr. 2022, n° 462991
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Avocat(s) : SCP THOUVENIN, COUDRAY, GREVY

Origine de la décision
Date de l'import : 27/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2022:462991.20220419
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