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04/03/2022 | FRANCE | N°462048

France | France, Conseil d'État, 04 mars 2022, 462048


Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 3 mars 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Ligue des droits de l'Homme, le Mouvement Associatif, la Fédération Nationale de la Libre Pensée, le Comité pour la santé des exilés, le Planning Familial, le Comité pour les relations nationales et internationales des associations de jeunesse et d'éducation populaire (CNAJEP), le Mouvement contre le Racisme et pour l'Amitié entre les Peuples (MRAP), la Fédération des Associations de solidarité avec tout-te-s les Immigré-e-s (FASTI), l'Association p

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Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 3 mars 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Ligue des droits de l'Homme, le Mouvement Associatif, la Fédération Nationale de la Libre Pensée, le Comité pour la santé des exilés, le Planning Familial, le Comité pour les relations nationales et internationales des associations de jeunesse et d'éducation populaire (CNAJEP), le Mouvement contre le Racisme et pour l'Amitié entre les Peuples (MRAP), la Fédération des Associations de solidarité avec tout-te-s les Immigré-e-s (FASTI), l'Association pour la Fondation Copernic, l'association Utopia 56, et l'Association nationale d'assistance aux frontières pour les étrangers (ANAFÉ) demandent au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) de suspendre l'exécution du décret n° 2021-1947 du 31 décembre 2021 pris pour l'application de l'article 10-1 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 et approuvant le contrat d'engagement républicain des associations et fondations bénéficiant de subventions publiques ou d'un agrément de l'Etat ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- elles justifient d'un intérêt à agir au regard de leur objet social et de leur ressort ;

- la condition d'urgence est satisfaite ;

- en effet, le décret contesté, entré en vigueur, porte une atteinte grave et immédiate aux intérêts qu'elles entendent défendre en ce que la soumission au contrat d'engagement républicain a un effet dissuasif sur leurs demandes de subventions de nature à entraîner leur disparition dès lors que ces subventions qui constituent une importante de leurs ressources de fonctionnement sont indispensables à la poursuite de leurs activités d'intérêt général et que leur trésorerie ne leur permet pas de subsister sans un versement immédiat de nouvelles subventions publiques ;

- il existe un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée ;

- les dispositions relatives au contrat d'engagement républicain méconnaissent le principe de la liberté d'association garanti au niveau constitutionnel et du droit international, la liberté d'expression et du droit au recours effectif également protégés en droit interne et en droit international ;

- le dispositif légal et règlementaire du " contrat d'engagement républicain " est inconventionnel en ce qu'il méconnaît les exigences du droit européen et international relatives à la liberté d'association et la liberté d'expression ;

- les dispositions de l'article 5 du décret contesté ainsi que les engagements prévus en annexe du décret méconnaissent les exigences de la liberté d'association et de la liberté d'expression ainsi que le principe de légalité pénale et celui de la responsabilité personnelle ;

- le décret contesté méconnaît les exigences du droit à un recours effectif.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution et notamment son Préambule ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le pacte international relatif aux droits civils et politiques ;

- le code pénal ;

- le code du travail ;

- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

- la loi n° 2021-1109 du 24 août 2021 ;

- le de´cret n° 2021-1947 du 31 de´cembre 2021 ;

- le code de justice administrative ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ". En vertu de l'article L. 522-3 du même code, le juge des référés peut, par une ordonnance motivée, rejeter une requête sans instruction ni audience lorsque la condition d'urgence n'est pas remplie ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée.

2. Il résulte des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative que l'urgence est de nature à justifier la suspension de l'exécution d'un acte administratif lorsque celui-ci porte atteinte de manière suffisamment grave et immédiate à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. Il appartient au juge des référés d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l'acte contesté sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue. L'urgence doit être appréciée objectivement et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'affaire.

3. La Ligue des droits de l'Homme et dix autres associations demandent au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution du décret du 31 décembre 2021 pris pour l'application de l'article 10-1 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 et approuvant le contrat d'engagement républicain des associations et fondations bénéficiant de subventions publiques ou d'un agrément de l'Etat.

4. Les associations requérantes qui rappellent que les subventions publiques représentent 20% du budget cumulé des associations et que 61 % des associations perçoivent au moins un financement public, soutiennent que les dispositions relatives au contrat d'engagement républicain résultant tant de la loi que de son décret d'application contesté, qui s'appliquera, en vertu de l'article 8 du décret, aux demandes de subventions et d'agréments présentées à compter de son entrée en vigueur le 2 janvier 2022, ont un effet dissuasif sur les demandes de subventions créant un risque de disparition rapide compte tenu, d'une part, de l'importance de ces aides pour leur fonctionnement et le financement de leurs activités qui présentent en outre un caractère d'intérêt général et, d'autre part, d'un manque de trésorerie. Toutefois, il ne résulte pas, en premier lieu, des éléments fournis dans le présent recours qu'en dépit des craintes que les associations requérantes expriment, le décret contesté aurait, en tout état de cause, un réel effet dissuasif sur les demandes de subvention et aurait, par ailleurs, induit une augmentation sensible des refus d'octroi de subventions de la part des autorités concernées et, par voie de conséquence, une diminution significative des ressources des associations. Il n'apparaît pas, en second lieu, en dépit des critiques qu'elles adressent aux dispositions relatives au contrat d'engagement républicain, que la souscription de cet engagement emporterait par lui-même une atteinte grave et immédiate aux intérêts qu'elles entendent défendre ni d'ailleurs à l'intérêt public qui s'attache au maintien d'un pluralisme associatif, dès lors notamment que, par sa décision n° 2021-823 DC du 13 août 2021 et après avoir énoncé une réserve d'interprétation qui renforce les garanties déjà prévues par la loi, le Conseil constitutionnel a écarté le grief tiré de la méconnaissance de la liberté d'association.

5. Il résulte de tout ce qui précède que les associations requérantes ne justifient pas de l'urgence qu'il y aurait à suspendre, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, l'exécution du décret contesté.

6. Il s'ensuit que, sans qu'il soit besoin de statuer sur la condition tenant à l'existence d'un doute sérieux quant à la légalité du décret contesté, la requête de la Ligue des droits de l'Homme et autres ne peut qu'être rejetée sur le fondement de l'article L. 522-3 du code de justice administrative, y compris leurs conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du même code.

O R D O N N E :

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Article 1er : La requête de la Ligue des droits de l'Homme et autres est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à la Ligue des droits de l'Homme, première dénommée.

Copie en sera adressée pour information au Premier ministre.

Fait à Paris, le 4 mars 2022

Signé : Olivier Yeznikian


Synthèse
Numéro d'arrêt : 462048
Date de la décision : 04/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 04 mar. 2022, n° 462048
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Avocat(s) : SCP SPINOSI

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2022:462048.20220304
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