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01/03/2022 | FRANCE | N°461686

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 01 mars 2022, 461686


Vu la procédure suivante :

Par une requête, un nouveau mémoire et un mémoire en réplique, enregistrés les 18, 21 et 23 février 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... G..., M. H... K..., Mme D... A..., M. E... F..., M. L... J..., Mme C... I..., l'Association française des espaces de loisirs indoor (SPACE) et l'association ADELICO demandent au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) à titre principal, de suspendre l'exécution du I de l'article 47-1 du décret nÂ

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Vu la procédure suivante :

Par une requête, un nouveau mémoire et un mémoire en réplique, enregistrés les 18, 21 et 23 février 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... G..., M. H... K..., Mme D... A..., M. E... F..., M. L... J..., Mme C... I..., l'Association française des espaces de loisirs indoor (SPACE) et l'association ADELICO demandent au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) à titre principal, de suspendre l'exécution du I de l'article 47-1 du décret n° 2021-669 du 1er juin 2021 prescrivant les mesures générales nécessaires à la gestion de la sortie de crise sanitaire tel que modifié par le a) du 5° de l'article 1er du décret n° 2022-51 du 22 janvier 2022 ;

2°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au Premier ministre de réexaminer le périmètre matériel et géographique du passe vaccinal au regard de l'évolution de la situation sanitaire.

Ils soutiennent que :

- la condition d'urgence est satisfaite dès lors que l'instauration du passe vaccinal leur cause un préjudice moral et contraint les établissements recevant du public à contrôler le statut vaccinal de leurs clients, alors que la situation sanitaire ne justifie plus l'exigence de ce passe vaccinal ;

- il existe un doute sérieux quant à la légalité de la mesure contestée ;

- le passe vaccinal n'est plus nécessaire et proportionné à la situation sanitaire actuelle, le gouvernement ayant au demeurant décidé un allègement des contraintes ;

- il porte une atteinte non nécessaire à la liberté d'aller et de venir, à la liberté de se réunir et au droit d'expression collective des idées et des opinions eu égard à la situation sanitaire actuelle.

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 février 2022, le ministre des solidarités et de la santé conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

La requête a été communiquée au Premier ministre, qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 2021-689 du 31 mai 2021 ;

- la loi n° 2022-46 du 22 janvier 2022 ;

- le décret n° 2021-669 du 1er juin 2021 ;

- la décision n° 2022-835 DC du 21 janvier 2022 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, M. B... G..., M. H... K..., Mme D... A..., M. E... F..., M. L... J..., Mme C... I..., l'Association française des espaces de loisirs indoor (SPACE) et l'association ADELICO et, d'autre part, le Premier ministre et le ministre des solidarités et de la santé ;

Ont été entendus lors de l'audience publique du 24 février 2022, à 14 heures :

- les représentants de M. B... G..., M. H... K..., Mme D... A..., M. E... F..., M. L... J..., Mme C... I..., l'Association française des espaces de loisirs indoor (SPACE) et l'association ADELICO ;

- les représentants du ministre des solidarités et de la santé ;

à l'issue de laquelle le juge des référés a clôt l'instruction ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ".

2. L'article 1er de la loi du 22 janvier 2022 renforçant les outils de gestion de la crise sanitaire et modifiant le code de la santé publique a modifié le paragraphe II de l'article 1er de la loi du 31 mai 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire afin notamment de permettre au Premier ministre, dans l'intérêt de la santé publique et aux seules fins de lutter contre la propagation de l'épidémie de covid-19, de subordonner l'accès à certains lieux à la présentation d'un justificatif de statut vaccinal concernant la covid-19, dit " passe vaccinal ". Ces dispositions prévoient que le Premier ministre peut subordonner à la présentation d'un justificatif de statut vaccinal l'accès des personnes âgées d'au moins seize ans à certains lieux, établissements, services ou événements où sont exercées des activités de loisir et des activités de restauration ou de débit de boissons ainsi qu'aux foires, séminaires et salons professionnels, aux transports publics interrégionaux pour des déplacements de longue distance et à certains grands magasins et centres commerciaux. Cette règle s'applique également aux déplacements de longue distance par transports publics interrégionaux, sauf motif impérieux d'ordre familial ou de santé ou en cas d'urgence faisant obstacle à l'obtention du justificatif requis, sous réserve de présenter le résultat d'un examen de dépistage virologique ne concluant pas à une contamination par la covid-19. Enfin, Le IV de l'article 1er de la loi 31 mai 2021 dispose que : " Les mesures prescrites en application du présent article sont strictement proportionnées aux risques sanitaires encourus et appropriées aux circonstances de temps et de lieu. Il y est mis fin sans délai lorsqu'elles ne sont plus nécessaires. "

3. Sur le fondement de l'article 1er de la loi du 31 mai 2021, le décret du 22 janvier 2022 a modifié le décret du 1er juin 2021 prescrivant les mesures générales nécessaires à la gestion de la sortie de la crise sanitaire pour fixer les conditions d'application de ce dispositif. Notamment, le 5° de son article 1er a modifié le I de l'article 47-1 du décret du 1er juin 2021 pour prévoir que les personnes âgées d'au moins 16 ans doivent, pour être accueillies dans les établissements, lieux, services et événements mentionnés aux II et III de l'article, présenter un justificatif de leur statut vaccinal attestant d'un schéma vaccinal complet dans les conditions définies au 2° de l'article 2-2 du même décret. A défaut de présentation d'un tel justificatif, l'accès à l'établissement, au lieu, au service ou à l'évènement est refusé, sauf pour les personnes bénéficiant d'un certificat de rétablissement délivré dans les conditions mentionnées au 3° de l'article 2-2 ou justifiant d'une contre-indication médicale à la vaccination dans les conditions prévues à l'article 2-4. Par dérogation, les personnes justifiant de l'injection depuis au plus quatre semaines d'une première dose de l'un des vaccins mentionnés au troisième alinéa du a du 2° de l'article 2-2 du même décret peuvent accéder aux établissements, lieux, services et évènements concernés sur présentation du justificatif de l'administration de leur première dose et du résultat d'un test ou d'un examen de dépistage réalisé dans certaines conditions.

4. M. G... et autres demandent la suspension de l'exécution des dispositions citées au point précédent. Ils soutiennent que ces dernières ne sont plus nécessaires et proportionnées au regard de la situation sanitaire actuelle, qu'il s'agisse du niveau de circulation virale ou de ses conséquences sur le système de santé. Selon eux, les niveaux des principaux indicateurs, comme le taux de vaccination de la population, le taux de positivité des tests de dépistage, le taux d'incidence ou le taux de saturation des lits en hospitalisation ou en réanimation, sont tels qu'ils ne permettent plus de justifier, au regard des exigences du IV de l'article 1er de la loi du 31 mai 2021, le maintien d'un " passe vaccinal ", alors qu'en outre le variant omicron, désormais dominant, provoque des formes moins graves de maladie.

5. Il résulte de l'instruction, notamment des éléments produits lors de l'audience publique, que si le variant omicron provoque des formes moins graves que les variants précédents, il présente une transmissibilité plus élevée. Au 20 février 2022, le taux d'incidence était de 832, 80 000 nouveaux cas ayant été en moyenne relevés par jour pour la semaine du 14 au 20 février 2022. Par ailleurs, 69% des admissions à l'hôpital sont dues au covid-19 ainsi que 79% des admissions en soins critiques à l'hôpital, l'admission en hospitalisation conventionnelle approchant le nombre de patients atteint lors des pics des trois premières vagues épidémiques et dépassant ceux de la quatrième vague. Au niveau national, plus de la moitié de la capacité hospitalière est dédiée au traitement de patients atteints du covid-19, l'activité hospitalière hors traitement épidémique étant de 20% inférieure à la moyenne d'avant la crise sanitaire. Dans certaines régions, comme la Provence-Alpes-Côte d'Azur ou l'Ile-de-France, les taux d'occupation des services de soins critiques sont toujours proches de la saturation. Ainsi, malgré un net ralentissement de l'épidémie, la circulation du covid-19 reste toujours à un niveau élevé et les conséquences sur le système de sante demeurent fortes. Enfin, même s'il existe des disparités régionales, la situation touche tout le territoire national et les établissements, lieux, services et événements visés par les dispositions attaquées.

6. Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, il ne résulte pas de l'instruction que, à la date de la présente ordonnance, ne soient plus justifiées ou proportionnées les dispositions citées au point 3 au regard de l'intérêt de la santé publique et de la lutte contre la propagation de l'épidémie de covid-19, critères au regard desquels le Premier ministre est habilité à intervenir par l'article 1er de la loi du 31 mai 2021. Par suite, en l'état de l'instruction, les moyens tirés de ce que le maintien par le pouvoir réglementaire de ces dispositions méconnaîtrait les exigences du IV de ce même article ne sont pas de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité des dispositions contestées.

7. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de prononcer sur la condition d'urgence, les conclusions de la requête doivent être rejetées.

O R D O N N E :

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Article 1er : La requête de M. G... et autres est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. B... G..., premier dénommé pour l'ensemble des requérants, au ministre des solidarités et de la santé et au Premier ministre.

Fait à Paris, le 1er mars 2022

Signé : Damien Botteghi


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 461686
Date de la décision : 01/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 01 mar. 2022, n° 461686
Inédit au recueil Lebon

Origine de la décision
Date de l'import : 08/03/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2022:461686.20220301
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