Vu la procédure suivante :
Par une requête et un nouveau mémoire, enregistrés les 30 novembre et 15 décembre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association Solidarité Renouvelables, l'association Enerplan, syndicat des professionnels de l'énergie solaire et le Syndicat des énergies renouvelables demandent au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :
1°) de suspendre l'exécution du décret n° 2021-1385 du 26 octobre 2021 relatif à la révision de certains contrats de soutien à la production d'électricité d'origine photovoltaïque prévue par l'article 225 de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021 ;
2°) de suspendre l'exécution de l'arrêté du 26 octobre 2021 relatif à la révision de certains contrats de soutien à la production d'électricité d'origine photovoltaïque prévue par l'article 225 de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 8 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- la condition d'urgence est satisfaite, dès lors, que, en premier lieu, la mise en œuvre de la réduction tarifaire telle qu'elle résulte du décret et de l'arrêté contestés remet en cause la pérennité économique de l'activité des producteurs et porte gravement atteinte à leurs intérêts financiers et patrimoniaux, en deuxième lieu, la réduction tarifaire est entrée en vigueur le 1er décembre 2021 alors que les textes contestés n'ont été publiés que le 27 octobre 2021, soit avec un laps de temps manifestement insuffisant pour permettre aux producteurs concernés d'engager les démarches rendues nécessaires pour l'application du tarif réduit et, en dernier lieu, la mise en œuvre de la réduction tarifaire résultant de ces deux textes dégrade les conditions de financement de la production d'électricité d'origine renouvelable et porte ainsi une atteinte grave et immédiate à l'intérêt public constitué par le développement des énergies renouvelables et au respect des engagements climatiques de l'Etat ;
- il existe un doute sérieux quant à la légalité des décisions contestées ;
- le décret et l'arrêté contestés méconnaissent le principe de sécurité juridique et l'article L. 221-5 du code des relations entre le public et l'administration en ce qu'ils n'ont pas prévu d'entrée en vigueur différée de la réduction tarifaire alors qu'ils ont été publiés 35 jours avant son entrée en vigueur le 1er décembre 2021 ;
- le décret contesté est entaché de plusieurs incompétences négatives en ce qu'il ne précise pas suffisamment les conditions d'application de l'article 225 de la loi de finances pour 2021, notamment en ce qu'il ne définit pas la notion de rémunération raisonnable, crée un tarif minimal non prévu par la loi sans en définir les modalités de calcul, et ne définit pas plusieurs des critères légaux nécessaires à la mise en œuvre de la clause de sauvegarde prévue par la loi de manière indivisible avec l'ensemble du dispositif de réduction tarifaire ;
- il est entaché d'irrégularité en ce qu'il délègue à la Commission de régulation de l'énergie le soin de déterminer les conditions de fixation du tarif dans le cadre de la clause de sauvegarde alors qu'elle est incompétente pour exercer cette prérogative sans habilitation législative expresse ;
- l'arrêté et le décret contestés méconnaissent l'objectif de valeur constitutionnelle de clarté et d'intelligibilité de la norme en ce que, d'une part, ils comportent une formule de calcul inutilement complexe et qui comporte plusieurs erreurs et omissions et en ce que le décret, d'autre part, est incomplet, obscur et comporte des formulations équivoques et excessivement complexes le rendant difficilement applicable dès lors qu'il prévoit deux mécanismes correctifs sous la forme d'une réduction tarifaire puis d'une procédure de sauvegarde, qu'il n'articule pas le tarif révisé, la mise en œuvre de la clause de sauvegarde et le tarif minimal et que les formulations concernant la notion d'installation performante représentative de sa situation sont équivoques et excessivement complexes ;
- ils sont entachés d'une première illégalité en ce que la réduction tarifaire a une portée rétroactive non prévue par la loi ;
- le décret est entaché ensuite d'illégalité en ce qu'il repose, sans justification, sur une méthode purement normative construite sur la notion d' " installation performante représentative ", qui conduit en pratique à surestimer la rentabilité réelle des exploitations, entraîne une réduction tarifaire disproportionnée et aboutit à fixer un tarif dont le niveau est incompatible avec une rémunération raisonnable des producteurs en méconnaissance de l'article 225 de la loi de finances pour 2021, alors que seule une approche comptable, réalisable en l'espèce à partir des données existantes disponibles, permet de prendre en compte, de manière réelle, les coûts et les charges d'investissement, d'exploitation ou financières ainsi que la marge, permettant de dégager une rentabilité et une rémunération raisonnables ;
- en particulier, le décret repose sur plusieurs hypothèses contestables, notamment en ce que, d'une part, il postule que les charges d'exploitation vont diminuer à proportion de la baisse de la réduction tarifaire à compter de son application, d'autre part, il sous-estime les charges d'investissement supportées par les producteurs en ne tenant pas compte de leur valorisation dans le temps, et en ce qu'enfin, il omet les charges d'investissement relatives au renouvellement et à l'entretien des équipements en les requalifiant en charges d'exploitation ;
- le décret et l'arrêté sont entachés d'illégalité en ce qu'ils ne prennent pas suffisamment en compte les spécificités des zones non interconnectées (ZNI), notamment, d'une part, en ce que le décret est entaché d'incompétence négative faute d'apporter de précision sur les spécificités de financement liées aux ZNI et, d'autre part, en ce que l'arrêté en retenant une majoration de vingt-cinq pour cent des charges d'investissement et d'exploitation par rapport à une installation située en métropole continentale qui est manifestement insuffisante ;
- ils méconnaissent la directive 2009/28/CE du 23 avril 2009 relative à la promotion de l'utilisation de l'énergie produite à partir de sources renouvelables, le principe de protection de la confiance légitime et de la propriété privée de la Charte européenne des droits fondamentaux et du premier protocole de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et de sauvegarde des droits fondamentaux.
Par un mémoire en défense, enregistré le 9 décembre 2021, la ministre de la transition écologique conclut au rejet de la requête. Elle soutient que la condition d'urgence n'est pas satisfaite, et que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Par un mémoire en intervention, enregistré le 14 décembre 2021, la société Bee Les Mées, la société Centrale photovoltaïque de Valderoure, la société Ecosun, la société ES1, la société Ferme PV1, la société N3D, la société Sersolair, la société Westorange 77, la société Westorange 131, la société Westorange 351, la société Westorange 352, la société Westorange 831, la société Villebourg et la société Parc solaire de Montmayon demandent qu'il soit fait droit aux conclusions de la requête. Elles soutiennent que leur intervention est recevable et s'associent aux moyens de la requête.
Par un mémoire en intervention, enregistré le 16 décembre 2021, la société CE Solaire demande qu'il soit fait droit aux conclusions de la requête. Elle soutient que son intervention est recevable et s'associe aux moyens de la requête.
La requête a été communiquée au Premier ministre et au ministre de l'économie, des finances et de la relance qui n'ont pas produit d'observations.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la directive 2009/28/CE du 23 avril 2009 ;
- le code de l'énergie ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021, et notamment son article 225 ;
- le décret n° 2010-1050 du 9 décembre 2010 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, l'association Solidarité Renouvelables, l'association Enerplan, syndicat des professionnels de l'énergie solaire et le Syndicat des énergies renouvelables, et d'autre part, le Premier ministre, la ministre de la transition écologique et le ministre de l'économie, des finances et de la relance ;
Ont été entendus lors de l'audience publique du 16 décembre 2021, à 14 heures 30 :
- Me Piwnica, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de l'association Solidarité Renouvelables, l'association Enerplan, syndicat des professionnels de l'énergie solaire et du Syndicat des énergies renouvelables ;
- les représentants de l'association Solidarité Renouvelables, l'association Enerplan, syndicat des professionnels de l'énergie solaire et du Syndicat des énergies renouvelables ;
- les représentants de la ministre de la transition écologique ;
- la représentante du ministre de l'économie, des finances et de la relance ;
à l'issue de laquelle le juge des référés a clos l'instruction.
Vu la note en délibéré, enregistrée le 17 décembre 2021, présentée par l'association Solidarité Renouvelables et autres ;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ".
2. L'article 225 de la loi du 29 décembre 2020 de finances pour 2021 dispose : " Le tarif d'achat de l'électricité produite par les installations d'une puissance crête de plus de 250 kilowatts utilisant l'énergie radiative du soleil moyennant des technologies photovoltaïques ou thermodynamiques est réduit, pour les contrats conclus en application des arrêtés du 10 juillet 2006, du 12 janvier 2010 et du 31 août 2010 fixant les conditions d'achat de l'électricité produite par les installations utilisant l'énergie radiative du soleil telles que mentionnées au 3° de l'article 2 du décret n° 2000-1196 du 6 décembre 2000 fixant par catégorie d'installations les limites de puissance des installations pouvant bénéficier de l'obligation d'achat d'électricité, à un niveau et à compter d'une date fixés par arrêté des ministres chargés de l'énergie et du budget de telle sorte que la rémunération totale des capitaux immobilisés, résultant du cumul de toutes les recettes de l'installation et des aides financières ou fiscales octroyées au titre de celle-ci, n'excède pas une rémunération raisonnable des capitaux, compte tenu des risques inhérents à son exploitation. Le projet d'arrêté est soumis pour avis à la Commission de régulation de l'énergie. Cet avis est rendu public. La réduction du tarif tient compte de l'arrêté tarifaire au titre duquel le contrat est conclu, des caractéristiques techniques de l'installation, de sa localisation, de sa date de mise en service et de ses conditions de fonctionnement. / Sur demande motivée d'un producteur, les ministres chargés de l'énergie et du budget peuvent, sur proposition de la Commission de régulation de l'énergie, fixer par arrêté conjoint un niveau de tarif ou une date différents de ceux résultant de l'application du premier alinéa du présent article, si ceux-ci sont de nature à compromettre la viabilité économique du producteur, notamment en tenant compte des spécificités de financement liées aux zones non interconnectées, sous réserve que celui-ci ait pris toutes les mesures de redressement à sa disposition et que les personnes qui le détiennent directement ou indirectement aient mis en œuvre toutes les mesures de soutien à leur disposition, et dans la stricte mesure nécessaire à la préservation de cette viabilité. Dans ce cas, les ministres chargés de l'énergie et du budget peuvent également allonger la durée du contrat d'achat, sous réserve que la somme des aides financières résultant de l'ensemble des modifications soit inférieure à la somme des aides financières qui auraient été versées dans les conditions initiales. Ne peuvent se prévaloir du présent alinéa les producteurs ayant procédé à des évolutions dans la structure de leur capital ou dans leurs modalités de financement après le 7 novembre 2020, à l'exception des mesures de redressement et de soutien susmentionnées. / Un décret en Conseil d'Etat, pris après avis de la Commission de régulation de l'énergie, précise les modalités d'application du présent article. "
3. En vertu du premier alinéa de l'article 225 de la loi de finances pour 2021 citée au point précédent, un nouveau tarif d'achat de l'électricité produite par les installations d'une puissance crête de plus de 250 kilowatts utilisant l'énergie radiative du soleil, remplaçant celui résultant des contrats conclus en application des arrêtés du 10 juillet 2006 dit " S06 ", du 12 janvier 2010 dit " S10 " et du 31 août 2010 dit " S10B ", est fixé pour chaque producteur concerné. Ce nouveau tarif est réduit à un niveau et à compter d'une date fixée par un arrêté pris par les ministres chargés de l'énergie et du budget, lequel est intervenu le 26 octobre 2021. Le nouveau tarif est fixé de telle sorte que la rémunération totale des capitaux immobilisés, résultant du cumul de toutes les recettes de l'installation et des aides financières ou fiscales octroyées au titre de celle-ci, n'excède pas une rémunération raisonnable des capitaux, compte tenu des risques inhérents à son exploitation. En vertu du deuxième alinéa de l'article 225 précité, lorsque ce nouveau tarif ou la date fixés en application du premier alinéa sont toutefois de nature à compromettre la viabilité économique du producteur, ce dernier, après avoir pris toutes les mesures de redressement à sa disposition, et après que les personnes qui le détiennent directement ou indirectement, aient mis en œuvre toutes les mesures de soutien à leur disposition, peut solliciter un réexamen dénommé " clause de sauvegarde ", qui permet, dans la stricte mesure nécessaire à la préservation de cette viabilité, d'obtenir un niveau de tarif et de date différents de ceux résultant du premier alinéa ainsi que l'allongement de la durée du contrat d'achat. La décision est prise par un arrêté conjoint des ministres chargés de l'énergie et du budget sur proposition de la Commission de régulation de l'énergie (CRE). Enfin, le décret mentionné au dernier alinéa de l'article 225 est intervenu le 26 octobre 2021.
4. L'association Solidarité Renouvelables et autres demandent au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution du décret du 26 octobre 2021 relatif à la révision de certains contrats de soutien à la production d'électricité d'origine photovoltaïque prévue par l'article 225 de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021 et de l'arrêté du 26 octobre 2021 relatif à la révision de certains contrats de soutien à la production d'électricité d'origine photovoltaïque prévue par l'article 225 de la même loi de finances pour 2021. Il résulte en outre des déclarations à l'audience que si les associations et syndicats représentants les producteurs de la filière n'entendent pas remettre en cause le principe d'une révision tarifaire, ils en contestent les modalités.
5. La société Bee Les Mées et autres et la société CE Solaire ont intérêt à la suspension de l'exécution du décret et de l'arrêté du 26 octobre 2021 mentionnés au point précédent. Leurs interventions sont, par suite, recevables.
6. Il résulte de l'instruction qui s'est poursuivie à l'audience, que, sur les quelque 500 000 installations photovoltaïques actuellement raccordées en France, 235 000 contrats ont été signés entre 2006 et 2010 avant la révision tarifaire du 4 mars 2011, intervenue à l'issue du moratoire mis en œuvre par le décret du 9 décembre 2010 suspendant l'obligation d'achat de l'électricité produite par certaines installations utilisant l'énergie radiative du soleil. Les contrats de cette période représentent une capacité de production de 3,6 Gigawatts (GW) pour un soutien public moyen de 480 euros par mégawatheure (MWh), soit 30 % des charges de service public liées au développement des énergies renouvelables en 2020 et seulement 5 % de leur production. Signés alors que dans le même temps, les coûts d'installation des centrales ont été divisés par quatre, ces contrats conclus en général pour une durée de 20 ans reposent sur des tarifs de rachat générant pour les distributeurs d'électricité, acheteurs obligés, des surcoûts intégralement compensés par l'Etat au titre des charges imputables aux missions de service public de l'énergie dont 25 milliards restent à payer ainsi que, pour " certains producteurs ", des " effets d'aubaine " " au détriment du bon usage des deniers publics et des intérêts financiers de l'Etat ", ainsi que l'a relevé le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2020-813 DC du 28 décembre 2020 par laquelle il a déclaré l'article 225 de la loi de finances pour 2021 conforme à la Constitution. Sur l'ensemble du parc, seules toutefois 1 075 installations, représentant environ 9,3 milliards d'euros de charges budgétaires, bénéficiant d'un contrat signé au cours de la période 2006-2010, sont potentiellement concernées par une réduction tarifaire et seules 436 installations ont effectivement fait l'objet d'une telle révision de leur tarif, laquelle pourrait représenter 3,7 milliards d'euros d'économies sur les dix prochaines années. A la date du 16 décembre dernier, 320 producteurs sur les 436 concernés ont demandé à bénéficier de la clause de sauvegarde prévue à l'alinéa 2 de l'article 225 de la loi de finances pour 2021 et à l'article 7 du décret contesté, en se prévalant d'une atteinte à la viabilité économique de leur installation. Selon les statistiques disponibles qui diffèrent selon les sources, les baisses tarifaires seraient de l'ordre de 47 à 59 % en moyenne par rapport au tarif initial, celles-ci pouvant aller jusqu'à 95 % du tarif initial pour environ 4 % des installations entrant dans le champ de la réduction tarifaire. Il résulte de l'instruction que les tarifs d'achat, pour les installations non intégrées au bâti, en métropole continentale, peuvent passer de 570 à 30 euros le MWh et que le tarif minimal qui pourrait être compris dans une fourchette comprise entre 18 et 50 MWh, se situe en moyenne autour de 30 euros le MWh.
7. En premier lieu, pour l'application des dispositions du premier alinéa de l'article 225 de la loi de finances pour 2021 et du deuxième alinéa de l'article 3 du décret du 26 octobre 2021, la date d'entrée en vigueur des nouveaux tarifs a été fixée au 1er décembre 2021 par l'article 2 de l'arrêté contesté. Il ne résulte pas de l'instruction que les producteurs qui, d'une part, notamment à travers leur filière, ont été associés à la préparation de la réforme et qui, d'autre part, disposent d'une période de huit mois pour compléter leur dossier de réexamen au cours de laquelle ils peuvent communiquer notamment les informations relatives aux mesures de redressement et de soutien imposées par le 3° de l'article 6 du décret contesté, ont disposé d'un temps insuffisant pour tirer les conséquences du tarif révisé qui leur a été notifié et saisir la CRE d'une demande de réexamen de celui-ci. En outre, une telle saisine a pour effet, en vertu de l'article 7 du décret contesté, de suspendre la mise en œuvre du tarif réduit et de rétablir temporairement l'ancien tarif. Cette suspension prend effet à compter du premier jour du mois au cours duquel la CRE a accusé réception de leur demande de réexamen, - en l'occurrence dès le 1er décembre 2021, c'est-à-dire sans perte immédiate de revenus, pour les producteurs qui l'ont saisie au cours du mois de décembre - et prend fin au terme d'une période qui ne peut excéder seize mois à compter de la saisine de la CRE ou dès l'intervention de l'arrêté conjoint des ministres chargés de l'énergie et du budget pris à titre individuel sur proposition de la CRE. Dans ces conditions, et alors même que les producteurs sont conduits à provisionner les montants perçus au titre des anciens tarifs maintenus, qu'ils seront susceptibles de devoir reverser après fixation du tarif résultant de leur demande de réexamen, le moyen tiré de ce que le décret et l'arrêté contestés méconnaissent le principe de sécurité juridique et l'article L. 221-5 du code des relations entre le public et l'administration, en ce qu'ils n'ont prévu une entrée en vigueur différée que de trente-cinq jours, n'est pas, en l'état de l'instruction, de nature à faire naître un doute sérieux quant à leur légalité.
8. En deuxième lieu, il ne résulte pas de l'instruction que les auteurs du décret contesté auraient entaché celui-ci d'incompétence négative en s'abstenant, d'une part, de préciser la notion de " cible " dont il n'est pas sérieusement contesté qu'elle renvoie à l'exigence de la loi consistant en ce que le nouveau tarif assure une rémunération totale des capitaux immobilisés qui n'excède pas une rémunération raisonnable, compte tenu des risques inhérents à l'exploitation. D'autre part, contrairement à ce qui est soutenu, la fixation d'un tarif minimal n'est pas contraire à l'article 225 dès lors qu'il contribue à garantir la rentabilité de l'installation. La circonstance, en outre, que l'annexe 2 de l'arrêté du 26 octobre 2021 utilise la notion de " charges d'exploitation " au lieu de la formule de " coûts de fonctionnement " mentionnée dans le décret et prévoit que le montant des charges soit majoré d'un coefficient de 10 %, n'est pas de nature à caractériser une incompétence négative des auteurs du décret. Par ailleurs, si le décret ne prévoit pas explicitement l'existence de deux valeurs minimales que l'arrêté contesté a dégagé selon que les installations sont situées en métropole continentale ou en zones non interconnectées (ZNI), une telle circonstance ne révèle pas un vice d'incompétence négative des auteurs du décret dès lors que l'arrêté n'a fait que tirer les conséquences des dispositions du décret, notamment de son article 3, qui prévoient de tenir compte de la localisation géographique des installations pour la fixation des tarifs. Si les requérants soutiennent enfin que le décret contesté serait entaché d'incompétence négative en ce qu'il ne définit pas certains des critères légaux destinés à la mise en œuvre de la clause de sauvegarde, ils ne mettent pas le juge des référés du Conseil d'Etat à même d'apprécier le bien fondé de cette partie de leur moyen. Il résulte de ce qui précède que les moyens tirés des vices d'incompétence négative entachant le décret contesté ne sont pas, en l'état de l'instruction, de nature à faire naître un doute sérieux quant à sa légalité.
9. En troisième lieu, le décret contesté prévoit que les nouvelles décisions fixant le niveau de tarif destiné à assurer la viabilité économique d'un producteur et, le cas échéant, l'allongement de la durée de son contrat d'achat, sont prises par arrêté conjoint des ministres chargés de l'énergie et du budget sur proposition de la CRE. En confiant à cette commission le soin de procéder à un examen concret de la situation de chaque producteur en vue de proposer au cas par cas une modification des conditions tarifaires initialement notifiées, le pouvoir réglementaire n'a, contrairement à ce qui est soutenu et alors même que cette clause de sauvegarde serait très largement sollicitée, conféré à cette autorité administrative indépendante aucune délégation illégale pour fixer les nouvelles conditions tarifaires applicables aux producteurs concernés. Par suite, le moyen tiré de l'existence d'une telle délégation n'est pas, en l'état de l'instruction, de nature à faire naître un doute sérieux quant à la légalité du décret du 26 octobre 2021.
10. En quatrième lieu, il ne résulte pas de l'instruction que la formule de calcul figurant à l'annexe 1 de l'arrêté contesté qui traduit une analyse financière comportant plusieurs paramètres, serait inutilement complexe. Il résulte par ailleurs de l'instruction que la circonstance que les données prises en compte pour la Guyane ne font pas état d'installations intégrées au bâti est restée sans conséquence sur le bien-fondé de la formule de calcul. Il ne résulte pas, par ailleurs, de l'instruction que la prise en compte de la perte de rendement reposerait sur des données erronées. La circonstance enfin que la " calculatrice " accompagnant les différents projets de textes ait connu plusieurs versions est sans incidence sur la légalité de l'arrêté contesté. En outre, il ne résulte pas davantage de l'instruction que le décret contesté serait incomplet, obscur ou comporterait des formulations équivoques et excessivement complexes le rendant difficilement applicable, notamment s'agissant de l'articulation entre le tarif réduit et le mécanisme de la clause de sauvegarde, dont l'origine se trouve dans l'article 225 de la loi de finances pour 2021 ou s'agissant de la notion d'installation performante représentative retenue en lien avec la méthode normative que les requérants critiquent par ailleurs. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'objectif de valeur constitutionnelle de clarté et d'intelligibilité de la norme n'est pas, en l'état de l'instruction, de nature à faire naître un doute sérieux quant à la légalité des deux actes contestés.
11. En cinquième lieu, l'article 225 de la loi de finances pour 2021 a prévu, conformément à l'exposé des motifs de l'amendement présenté par le gouvernement, que, pour la fixation du nouveau tarif de rachat, " la rémunération totale des capitaux immobilisés, résultant du cumul de toutes les recettes de l'installation et des aides financières ou fiscales octroyées au titre de celle-ci n'excède pas une rémunération raisonnable des capitaux, compte tenu des risques inhérents à l'exploitation ". Le premier alinéa de l'article 2 du décret du 26 octobre 2021 contesté dispose que : " Pour l'application du premier alinéa de l'article 225 de la loi du 29 décembre 2020 susvisée, la rémunération totale des capitaux immobilisés est appréciée au regard, d'une part, des recettes ainsi que d'éventuelles aides financières ou fiscales octroyées et, d'autre part, des coûts d'investissement et d'exploitation supportés par une installation performante représentative de sa situation, sur toute la durée de son contrat d'achat. " Il résulte du rapprochement de ces dispositions et notamment de ce que la loi prend en compte la rémunération totale résultant du cumul de toutes les recettes et aides octroyées au titre de chaque installation, que le moyen tiré de ce qu'en prenant en compte, pour la fixation de la révision tarifaire, la durée totale du contrat d'achat et non seulement sa durée restant à courir, le pouvoir réglementaire aurait entaché le décret contesté de rétroactivité illégale, n'est pas, en l'état de l'instruction, de nature à faire naître un doute sérieux quant à sa légalité.
12. En sixième lieu, s'il est soutenu que la méthode normative adoptée par le pouvoir réglementaire serait contraire à l'article 225 de la loi de finances pour 2021 en ce qu'elle ne permettrait pas d'assurer une rémunération raisonnable des capitaux immobilisés contrairement, ainsi qu'il est soutenu, à une méthode purement comptable, il résulte de l'instruction que la méthode normative vise à intégrer de manière pertinente la notion de risques inhérents à l'exploitation prévue par le premier aliéna de l'article 225. Il ne résulte pas en outre de l'instruction que cette méthode normative dont il est seulement allégué qu'elle serait contraire aux principes régissant dans le code de l'énergie, les méthodes de calcul des tarifs et la définition des coûts, rendrait impossible la détermination d'une rémunération raisonnable des capitaux immobilisés construite à partir de la définition d'une installation performante représentative et de la formule de calcul définie à l'annexe 1 de l'arrêté ainsi que des différents éléments entrant dans sa composition. Enfin, il ne résulte pas de l'instruction que la méthode suivie n'aurait d'autre but que d'amplifier la réduction tarifaire ou ne pourrait conduire qu'à une réduction tarifaire disproportionnée par la sous-estimation des coûts d'investissement et d'exploitation des installations ou la surestimation de leur rentabilité réelle. En outre, le décret a prévu l'adoption d'un tarif minimal ainsi qu'en tout état de cause, la mise en œuvre d'une clause de sauvegarde pour assurer au cas par cas la viabilité économique du producteur. Par suite, le moyen tiré de l'illégalité de la méthode normative n'est pas, en l'état de l'instruction, de nature à faire naître un doute sérieux quant à la légalité du décret et de l'arrêté contestés.
13. En septième lieu, contrairement à ce qui est allégué, il ne ressort pas des termes du décret ou de l'arrêté contestés qu'ils n'auraient pas suffisamment pris en compte les zones non interconnectées. Par suite, un tel moyen n'est pas, en l'état de l'instruction, de nature à faire un doute sérieux quant à leur légalité.
14. En huitième et dernier lieu, il résulte de l'instruction que la baisse tarifaire n'était pas imprévisible pour un opérateur économique prudent et avisé, notamment pour des producteurs professionnels tels que ceux concernés par la réforme qui vise les installations d'une puissance crête supérieure à 250 kilowatts. Dans les circonstances de l'espèce et compte tenu notamment des caractéristiques des contrats en cause qui ont fait l'objet de la révision des tarifs d'achat de l'électricité d'origine photovoltaïque, les moyens tirés de la méconnaissance de la directive 2009/28/CE du 23 avril 2009 relative à la promotion de l'utilisation de l'énergie produite à partir de sources renouvelables, ainsi que du principe de protection de la confiance légitime et de la propriété privée protégés par la Charte européenne des droits fondamentaux ou par l'article 1er du premier protocole à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et de sauvegarde des droits fondamentaux ne sont pas, en l'état de l'instruction, et à la lumière de ce qu'a jugé le Conseil constitutionnel aux paragraphes 38 à 42 dans sa décision du 28 décembre 2020 citée au point 6 et de ce qu'a jugé la Cour de justice de l'Union européenne dans ses arrêts C-798/18 et C-799/18 du 15 avril 2021 Anie ea et Athésia Energy Srl ea, de nature à faire naître un doute sérieux quant à la légalité du décret et de l'arrêté contestés.
15. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la condition d'urgence, que la requête de l'association Solidarité Renouvelables et autres doit être rejetée, y compris les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
O R D O N N E :
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Article 1er : Les interventions de la société Bee Les Mées et autres et de la société CE Solaire sont admises.
Article 2 : La requête de l'association Solidarité Renouvelables, de l'association Enerplan, syndicat des professionnels de l'énergie solaire et du Syndicat des énergies renouvelables est rejetée.
Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à l'association Solidarité Renouvelables, premier requérant dénommé, à la société Bee Les Mées, première intervenante dénommée, à la société CE Solaire et à la ministre de la transition écologique.
Copie en sera adressée au Premier ministre et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Fait à Paris, le 23 décembre 2021
Signé : Olivier Yeznikian