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22/12/2021 | FRANCE | N°459421

France | France, Conseil d'État, 22 décembre 2021, 459421


Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 14 décembre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... A... et l'association Gardez les Caps demandent au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) d'ordonner la suspension de l'exécution de l'arrêté du 9 novembre 2021 du préfet des Côtes-d'Armor instituant les servitudes légales au bénéfice de Réseau transport d'électricité (RTE), gestionnaire du réseau public de transport d'électricité, sur le chem

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Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 14 décembre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... A... et l'association Gardez les Caps demandent au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) d'ordonner la suspension de l'exécution de l'arrêté du 9 novembre 2021 du préfet des Côtes-d'Armor instituant les servitudes légales au bénéfice de Réseau transport d'électricité (RTE), gestionnaire du réseau public de transport d'électricité, sur le chemin des Moineries situé sur le territoire de la commune d'Erquy, pour l'établissement d'une ligne souterraine électrique à deux circuits à 225 000 volts, relatif au raccordement électrique du projet de parc éolien en mer de la baie de Saint-Brieuc ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Ils soutiennent que :

- le Conseil d'Etat est compétent en premier et dernier ressort en vertu du b) du 2° de l'article R. 311-1-1 du code de justice administrative, pour connaître de leur requête ;

- il justifie en sa qualité de propriétaire riverain du chemin, d'une part, et d'entrepreneur agricole individuel, d'autre part, d'un intérêt à agir car le passage de ces câbles présente des inconvénients et dangers et les conditions dans lesquels les travaux sont autorisés vont altérer les conditions de son exploitation agricole ;

- l'association justifie d'un intérêt à agir au regard de son objet social et de son ressort géographique ;

- la condition d'urgence est remplie dès lors, d'une part, que les travaux de câblage qui ont commencé et ne sont pas achevés, rendront irréversible le tracé choisi et que, d'autre part, ces travaux auront un impact sur la gestion de son exploitation en ce qu'ils vont générer une anxiété pour son bétail ayant des conséquences sur la qualité et la quantité de lait produit et des difficultés de déplacement entre les bâtiments ou les parcelles de son exploitation conduisant à limiter l'alimentation en fourrage des vaches en stabulation ainsi que, par voie de conséquence, une diminution de ses ressources financières ;

- la condition d'urgence est également remplie au regard des intérêts que l'association entend défendre ;

- il existe un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée ;

- l'arrêté contesté méconnaît l'article R. 323-9 du code de l'énergie dès lors que le RTE a fourni au préfet un plan parcellaire incomplet et erroné qui ne mentionne pas, en raison d'une falsification, la présence de sa stabulation ;

- cet arrêté qui institue des servitudes légales au droit d'un chemin qui n'est pas d'usage public et n'a pas la nature d'un chemin rural appartenant à la commune mais d'un chemin d'exploitation appartenant aux propriétaires riverains dont il fait partie, est intervenu en méconnaissance de l'article L. 162-1 du code rural et de la pêche maritime ;

- il le prive, en outre, du bénéfice de l'article L. 323-7 du code de l'énergie qui permet d'allouer une indemnité aux propriétaires riverains des parcelles concernées par les travaux de câblage ;

- l'arrêté contesté méconnaît le bien-être animal en ce que, d'une part, il permet la création de courants vagabonds en raison de l'humidité du sol, qui nuisent à la santé des vaches ainsi qu'à la qualité et à la quantité du lait qu'elles produisent et, d'autre part, est intervenu avant la publication du rapport d'expertise en cours sur l'impact du câblage à proximité de sa stabulation ;

- il porte une atteinte disproportionnée à son droit de propriété au regard des articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'énergie ;

- le code rural et de la pêche maritime ;

- le code de justice administrative ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ". En vertu de l'article L. 522-3 du même code, le juge des référés peut, par une ordonnance motivée, rejeter une requête sans instruction ni audience lorsque la condition d'urgence n'est pas remplie ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée.

2. L'urgence justifie que soit prononcée la suspension d'un acte administratif lorsque l'exécution de celui-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. Il appartient au juge des référés d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications apportées par le requérant, si les effets de l'acte litigieux sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement au fond, l'exécution de la décision soit suspendue.

3. M. A... et l'association Gardez les Caps demandent au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution de l'arrêté du 9 novembre 2021 par lequel le préfet des Côtes-d'Armor a institué des servitudes légales au bénéfice de Réseau transport d'électricité (RTE), gestionnaire du réseau public de transport d'électricité, sur le chemin des Moineries situé sur le territoire de la commune d'Erquy (Côtes d'Armor), pour l'établissement d'une ligne souterraine électrique à deux circuits à 225 000 volts, relatif au raccordement électrique du projet de parc éolien en mer de la baie de Saint-Brieuc. Cet arrêté est intervenu à la suite d'un arrêté ministériel du 28 mars 2017 portant déclaration d'utilité publique, en vue de l'institution de servitudes, les travaux de création de la liaison électrique à deux circuits à 225 000 volts sous-marine et souterraine entre le poste de livraison " baie de Saint-Brieuc " de la société Ailes marines SAS et le poste " RTE de la Doberie " sur le territoire des communes d'Erquy, Henansal et Saint-Alban (Côtes d'Armor).

4. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 323-3 du code de l'énergie : " Les travaux nécessaires à l'établissement et à l'entretien des ouvrages de la concession de transport ou de distribution d'électricité peuvent être, sur demande du concédant ou du concessionnaire, déclarés d'utilité publique par l'autorité administrative. " En vertu du 3° de l'article L. 323-4 du même code, la déclaration d'utilité publique confère au concessionnaire, le droit d'établir, notamment, une servitude consistant à établir à demeure des canalisations souterraines sur des terrains privés non bâtis, qui ne sont pas fermés de murs ou autres clôtures équivalente. Si cette servitude s'applique, en vertu de l'article L. 323-5, dès la déclaration d'utilité publique des travaux, elle doit être établie toutefois, en cas de désaccord du ou des propriétaires, suivant les modalités prévues aux articles R. 323-7 et suivants du code de l'énergie qui prévoient notamment l'intervention d'une procédure d'enquête publique. A l'issue de cette procédure et après l'accomplissement des formalités de notification et d'affichage de l'arrêté préfectoral qui les institue, conformément à l'article R. 323-14, le pétitionnaire est autorisé à exercer les servitudes dont il bénéficie, en vertu de l'article R. 323-15. Enfin, l'article L. 323-7 prévoit que l'institution des servitudes prévues à l'article L. 323-4 qui entraîne un préjudice direct, matériel et certain, ouvre droit à une indemnité au profit des propriétaires, des titulaires de droits réels ou de leurs ayants droit dont le montant est fixé, à défaut d'accord amiable, par le juge judiciaire.

5. En premier lieu, pour caractériser l'urgence qu'il y aurait à suspendre l'exécution de l'arrêté contesté qui institue, au droit du chemin des Moineries à Erquy, une servitude de passage d'une canalisation souterraine électrique à deux circuits à 225 000 volts sous un chemin désigné comme chemin rural, M. A... se prévaut, d'une part, de sa qualité de propriétaire d'une partie du chemin ainsi que de propriétaire et de locataire de parcelles situées de part et d'autre du chemin et, d'autre part, de sa qualité d'exploitant agricole d'un troupeau de vaches allaitantes en stabulation à proximité du chemin. Il soutient en particulier, à ce dernier titre, que les travaux de raccordement de la ligne électrique souterraine puis sa mise en fonctionnement seront à l'origine de pertes financières d'exploitation liées à une baisse de la quantité et de la qualité de lait produit par son troupeau. Il fait valoir que cette baisse sera provoquée non seulement par des troubles d'anxiété endurés par les animaux pendant les travaux ainsi que par une réduction de l'approvisionnement en fourrage du fait de difficultés d'accès à ses parcelles mais également de manière plus durable par des phénomènes liés à des courants électriques vagabonds après la mise sous tension des lignes électriques implantées en sol humide. Toutefois, il ne ressort pas des pièces produites, d'une part, que le droit de propriété de M. A... sur une partie du chemin des Moineries serait établi à la date de la présente ordonnance. D'autre part, il ne ressort pas davantage des pièces produites par l'intéressé que les inconvénients et perturbations dont il fait état, résultant des travaux qui ont débuté et vont se poursuivre sur plusieurs semaines ou de la mise sous tension future de la ligne électrique, seraient, à la date de la présente ordonnance, établis, ni, à les supposer en outre établis, qu'indépendamment du versement éventuel d'une indemnité en vertu de l'article L. 323-7 du code de l'énergie, ils révéleraient une atteinte grave et immédiate à son exploitation en raison de l'atteinte au bien-être animal subie par son bétail ou à la pérennité même de la stabulation à proximité de ce chemin, justifiant la suspension de l'arrêté préfectoral contesté.

6. En second lieu, l'association Gardez les Caps ne produit aucun élément de nature à caractériser une atteinte grave et immédiate aux intérêts qu'elle entend défendre compte tenu notamment de son objet social.

7. Il résulte de tout ce qui précède que la condition d'urgence prévue par l'article L. 521-1 du code de justice administrative ne pouvant être regardée comme remplie, la requête de M. A... et de l'association Gardez les Caps doit, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la condition tenant à l'existence d'un doute sérieux sur la légalité de la décision contestée, être rejetée, y compris leurs conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

O R D O N N E :

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Article 1er : La requête de M. A... et de l'association Gardez les Caps est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. B... A... et à l'association Gardez les Caps.

Fait à Paris, le 22 décembre 2021

Signé : Olivier Yeznikian


Synthèse
Numéro d'arrêt : 459421
Date de la décision : 22/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 22 déc. 2021, n° 459421
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Avocat(s) : SCP MARLANGE, DE LA BURGADE ; SCP SEVAUX, MATHONNET

Origine de la décision
Date de l'import : 29/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2021:459421.20211222
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