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25/11/2021 | FRANCE | N°458441

France | France, Conseil d'État, 25 novembre 2021, 458441


Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistré le 15 novembre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le syndicat Alliance Plasturgie et Composites du Futur (Plastalliance) demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) d'ordonner la suspension de l'exécution du décret n° 2021-1318 du 8 octobre 2021 relatif à l'obligation de présentation à la vente des fruits et légumes frais non transformés sans conditionnement composé pour tout ou partie de matière pla

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2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 500 euros au titr...

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistré le 15 novembre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le syndicat Alliance Plasturgie et Composites du Futur (Plastalliance) demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) d'ordonner la suspension de l'exécution du décret n° 2021-1318 du 8 octobre 2021 relatif à l'obligation de présentation à la vente des fruits et légumes frais non transformés sans conditionnement composé pour tout ou partie de matière plastique ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la condition d'urgence est satisfaite dès lors, d'une part, que la décision litigieuse produira ses effets à compter du 1er janvier 2022, soit avant que le juge de l'excès de pouvoir ne soit en mesure de se prononcer sur le bien-fondé de sa requête en annulation, et donc préjudicie de manière suffisamment immédiate aux intérêts des entreprise de la plasturgie qu'il représente, d'autre part, que ce préjudice, découlant de la confirmation et de l'extension de l'interdiction législative d'exposer à la vente les fruits et légumes frais non transformés conditionnés sous emballages composés pour tout ou partie de matière plastique, est suffisamment grave en privant, à compter de cette date, les entreprises fabriquant de tels emballages de tout un pan de leur activité, sans avoir le temps de réorganiser ou de réorienter leur activité industrielle et, enfin, que les fruits et légumes temporairement exemptés de l'obligation contestée ne constituent qu'une infime partie de ceux jusque-là conditionnés sous emballage plastique alors que la possibilité d'écouler les stocks pendant quelques mois n'autorise pas la production de nouveaux emballages plastiques durant cette période ;

- il existe un doute sérieux quant à la légalité du décret contesté ;

- ce décret est entaché d'un vice de procédure en raison de la méconnaissance des obligations liées à la procédure de consultation du public conduite en application des dispositions de l'article L. 123-19-1 du code de l'environnement, notamment en l'absence de la note de présentation requise et de publication des motifs de la décision ;

- il méconnaît les dispositions du seizième alinéa du III de l'article L. 541-15-10 du code de l'environnement, dans sa rédaction issue de la loi n° 2020-105 du 10 février 2020, en ce qu'il limite dans le temps la dérogation prévue pour les fruits et légumes présentant un risque de détérioration lors de leur vente en vrac ;

- il est entaché d'erreur de droit en ce qu'il a été pris sur le fondement de dispositions législatives qui, en prescrivant une interdiction générale et absolue des emballages en matière plastique, sont incompatibles avec les dispositions des directives 94/62/CE du 20 décembre 1994 relatives aux emballages et aux déchets d'emballages et 2019/904 du 5 juin 2019 relative à la réduction de l'incidence de certains produits en plastique sur l'environnement ;

- le Premier ministre a commis une erreur manifeste d'appréciation.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'environnement ;

- la loi n° 2020-105 du 10 février 2020 ;

- le code de justice administrative ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ". En vertu de l'article L. 522-3 du même code, le juge des référés peut, par une ordonnance motivée, rejeter une requête sans instruction ni audience lorsque la condition d'urgence n'est pas remplie ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée.

2. L'urgence justifie que soit prononcée la suspension d'un acte administratif lorsque l'exécution de celui-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. Il appartient au juge des référés d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l'acte litigieux sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue. L'urgence doit être appréciée objectivement et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce.

3. Aux termes du III de l'article L. 541-15-10 du code de l'environnement, dans sa rédaction issue de l'article 77 de la loi du 20 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire : " Il est mis fin à la mise à disposition des produits en plastique à usage unique suivants : / (...) A compter du 1er janvier 2022, tout commerce de détail exposant à la vente des fruits et légumes frais non transformés est tenu de les exposer sans conditionnement composé pour tout ou partie de matière plastique. Cette obligation n'est pas applicable aux fruits et légumes conditionnés par lots de 1,5 kilogramme ou plus ainsi qu'aux fruits et légumes présentant un risque de détérioration lors de leur vente en vrac dont la liste est fixée par décret (...) ". Le décret n° 2021-1318 du 8 octobre 2021 relatif à l'obligation de présentation à la vente des fruits et légumes frais non transformés sans conditionnement composé pour tout ou partie de matière plastique a été pris pour l'application de ces dispositions et établit notamment la liste des fruits et frais non soumis à l'obligation législative en raison du risque de détérioration lors de la vente en vrac et définit le calendrier de mise en œuvre du dispositif.

4. Le syndicat Alliance Plasturgie et Composites du Futur (Plastalliance) a demandé l'annulation pour excès de pouvoir de ce décret. Sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, il en demande la suspension de l'exécution.

5. Pour justifier de la condition d'urgence, l'organisation requérante fait valoir, de façon générale, le préjudice découlant de l'interdiction d'exposer à la vente, à compter du 1er janvier 2022, les fruits et légumes frais non transformés conditionnés sous emballages composés pour tout ou partie de matière plastique, en ce que les entreprises fabriquant de tels emballages seraient privées de tout un pan de leur activité dans des conditions nuisant à leur situation financière et menaçant leur pérennité. Toutefois, elle n'apporte aucun élément permettant d'apprécier l'impact pour les entreprises qu'elle représente de l'application du décret contesté, au-delà de ce qui résulte directement de la loi elle-même, ni, en tout état de cause, de la gravité des atteintes invoquées pour ce secteur d'activité. Par ailleurs, outre l'exemption prévue par la loi pour les fruits et légumes conditionnés par lots de 1,5 kilogramme et autres, le II de l'article D. 541-334 du code de l'environnement, issu du décret attaqué, fixe une liste de plusieurs fruits et légumes, y compris de consommation courante, pour lesquels, en raison d'un risque de détérioration à la vente en vrac, une exemption est prévue jusqu'à des dates s'étalant entre le 30 juin 2023 et le 30 juin 2026. Enfin, le III de ce même article prévoit des dispositions transitoires sur plusieurs mois pour permettre l'écoulement des stocks d'emballage. Dans ces conditions, les éléments avancés par l'organisation requérante ne permettent pas de caractériser une atteinte suffisamment grave et immédiate aux intérêts des entreprises qu'elle représente.

6. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner l'existence d'un doute sérieux quant à la légalité du décret attaqué, que la condition d'urgence ne peut être regardée comme remplie. Il y a lieu, par suite, de rejeter la requête du syndicat Alliance Plasturgie et Composites du Futur (Plastalliance), y compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, selon la procédure prévue à l'article L. 522-3 du code de justice administrative.

O R D O N N E :

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Article 1er : La requête du syndicat Alliance Plasturgie et Composites du Futur (Plastalliance) est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée au Syndicat Alliance Plasturgie et Composites du Futur (Plastalliance).

Copie en sera adressée au Premier ministre et à la ministre de la transition écologique.

Fait à Paris, le 25 novembre 2021

Signé : Anne Courrèges


Synthèse
Numéro d'arrêt : 458441
Date de la décision : 25/11/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 25 nov. 2021, n° 458441
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Avocat(s) : SCP GATINEAU, FATTACCINI, REBEYROL

Origine de la décision
Date de l'import : 01/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2021:458441.20211125
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