La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

21/07/2021 | FRANCE | N°454332

France | France, Conseil d'État, 21 juillet 2021, 454332


Vu la procédure suivante :

M. A... B... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Toulon, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, en premier lieu, de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire, en deuxième lieu, de suspendre l'exécution de l'arrêté du 5 mars 2021 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a décidé son transfert aux autorités espagnoles responsables de l'examen de sa demande d'asile, en troisième lieu, d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de réexaminer sa demande d'admi

ssion au séjour au titre de l'asile dans un délai de huit jours à compter...

Vu la procédure suivante :

M. A... B... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Toulon, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, en premier lieu, de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire, en deuxième lieu, de suspendre l'exécution de l'arrêté du 5 mars 2021 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a décidé son transfert aux autorités espagnoles responsables de l'examen de sa demande d'asile, en troisième lieu, d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de réexaminer sa demande d'admission au séjour au titre de l'asile dans un délai de huit jours à compter de la notification de l'ordonnance à intervenir et, en dernier lieu, de mettre en œuvre les dispositions de l'article R. 522-13 du code de justice administrative en jugeant que l'ordonnance à venir sera exécutoire aussitôt qu'elle aura été rendue. Par une ordonnance n° 2101569 du 12 juin 2021, le juge des référés du tribunal administratif de Toulon a rejeté sa requête.

Par une requête et un nouveau mémoire, enregistrés les 6 juillet et 19 juillet 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) de faire droit à ses conclusions de première instance ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à la SCP Gatineau, Fattaccini, Rebeyrol, son avocat, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

- l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Toulon est insuffisamment motivée en ce qu'elle ne répond pas à l'ensemble de son argumentation par laquelle il établissait qu'il n'avait plus d'attaches en Guinée ;

- le juge des référés a commis une erreur de droit en se fondant, pour écarter sa demande fondée sur l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, sur le motif inopérant tiré de ce que la circonstance que son père soit de nationalité française et réside en France avec ses demi-frères et sœurs ne constituait pas un critère pour déterminer l'Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile ;

- le juge des référés a dénaturé les faits et les pièces du dossier en estimant que la mesure de transfert litigieuse n'était pas susceptible de porter une atteinte grave et manifestement illégale à son droit au respect de sa vie familiale, alors qu'il a retrouvé son père en France ;

- l'arrêté du 5 mars 2021 méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- il est un tout jeune majeur qui n'a plus d'autre attache familiale que son père, de nationalité française et qui vit en France et se trouvera totalement isolé s'il est reconduit en Espagne.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de justice administrative ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 521-2 du même code : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. (...) ". En vertu de l'article L. 522-3 du même code, le juge des référés peut, par une ordonnance motivée, rejeter une requête sans instruction ni audience lorsque la condition d'urgence n'est pas remplie ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée.

2. Il résulte de l'instruction que M. B..., ressortissant guinéen né le 24 juin 2002, a demandé au préfet des Alpes-Maritimes son admission au séjour au titre de l'asile le 25 janvier 2021. Il a été identifié par le système Eurodac comme ayant franchi la frontière espagnole le 18 avril 2020. L'Espagne a accepté de le prendre en charge le 8 février 2021. Par un arrêté du 5 mars 2021, le préfet des Bouches-du-Rhône a décidé de transférer M. B... aux autorités espagnoles responsables de l'examen de sa demande d'asile. Par un jugement du 29 mars 2021, le magistrat désigné par président du tribunal de Toulon, saisi sur le fondement de l'article L. 742-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a rejeté la demande de l'intéressé tendant à l'annulation de l'arrêté du 5 mars 2021. M. B... relève appel de l'ordonnance du 12 juin 2021 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Toulon a rejeté la demande, formée sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, tendant à la suspension de l'exécution de ce même arrêté.

3. Aux termes de l'article L. 742-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'étranger qui a fait l'objet d'une décision de transfert mentionnée à l'article L. 742-3 peut, dans le délai de quinze jours à compter de la notification de cette décision, en demander l'annulation au président du tribunal administratif. Le président ou le magistrat qu'il désigne à cette fin parmi les membres de sa juridiction ou les magistrats honoraires inscrits sur la liste mentionnée à l'article L. 222-2-1 du code de justice administrative statue dans un délai de quinze jours à compter de sa saisine. Aucun autre recours ne peut être introduit contre la décision de transfert. L'étranger peut demander au président du tribunal ou au magistrat désigné par lui le concours d'un interprète. L'étranger est assisté de son conseil, s'il en a un. Il peut demander au président du tribunal administratif ou au magistrat désigné à cette fin qu'il lui en soit désigné un d'office. L'audience est publique. Elle se déroule sans conclusions du rapporteur public, en présence de l'intéressé, sauf si celui-ci, dûment convoqué, ne se présente pas. Toutefois, si, en cours d'instance, l'étranger est placé en rétention en application de l'article L. 551-1 du présent code ou assigné à résidence en application de l'article L. 561-2, il est statué selon la procédure et dans le délai prévu au II du présent article (...) ".

4. Il résulte des dispositions de l'article L. 742-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile devenues depuis le 1er mai 2021 l'article L. 572-4 et suivants, que le législateur a entendu organiser une procédure spéciale applicable au cas où un étranger fait l'objet d'une décision de transfert vers un autre État responsable de l'examen de sa demande d'asile. Il résulte des pouvoirs confiés au juge par ces dispositions, des délais qui lui sont impartis pour se prononcer, et des conditions de son intervention, que la procédure spéciale prévue par le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile présente des garanties au moins équivalentes à celles des procédures régies par le livre V du code de justice administrative. Elle est dès lors exclusive de ces procédures. Il n'en va autrement que dans le cas où les modalités selon lesquelles il est procédé à l'exécution d'une décision de transfert emportent des effets qui, en raison de changements dans les circonstances de droit ou de fait survenus depuis l'intervention de cette mesure et après que le juge, saisi sur le fondement de l'article L. 742-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, devenues L. 572-4 et suivants, a statué ou que le délai prévu pour le saisir a expiré, excèdent ceux qui s'attachent normalement à l'exécution d'une telle décision.

5. M. B... soutient que la circonstance qu'il a retrouvé son père, de nationalité française, à Toulon au mois d'avril 2021, soit postérieurement au rejet de la demande qu'il avait formée sur le fondement de l'article L. 742-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, constitue un changement dans les circonstances de fait ayant pour conséquence que l'exécution de la décision de transfert du 5 mars 2021 emporterait des effets excédant ceux qui s'attachent normalement la mise en œuvre d'une telle décision.

6. Il résulte cependant de l'instruction que les relations entre M. B... et son père sont très récentes puisqu'ils ne se sont, selon les dires de l'intéressés, retrouvés qu'en avril 2021 sans qu'il soit allégué qu'ils auraient entretenu des relations avant la venue en France de l'intéressé. Dans ces conditions, et alors même que les dispositions de l'article 17 du règlement du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 prévoient la faculté pour les Etats membres d'examiner une demande d'asile relevant normalement de la compétence d'un autre Etat, M. B..., qui est célibataire et majeur, n'est pas fondé à soutenir que la mise en œuvre de la décision du 5 mars 2021 porterait une atteinte grave et manifestement illégale à son droit au respect de sa vie familiale.

7. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est manifestement pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement qu'il attaque, lequel est suffisamment motivé, le juge des référés du tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande. Sa requête doit, par suite, être rejetée par application des dispositions de l'article L. 522-3 du code de justice administrative, y compris ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

O R D O N N E :

------------------

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. A... B....

Copie en sera adressée au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 454332
Date de la décision : 21/07/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 21 jui. 2021, n° 454332
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Avocat(s) : SCP GATINEAU, FATTACCINI, REBEYROL

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2021:454332.20210721
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award