Vu la procédure suivante :
M. A... C... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'une part, d'enjoindre, sans délai, au département du Val-d'Oise de cesser toute atteinte à sa liberté de travailler, d'aller et venir, ainsi qu'à son droit de ne pas être harcelé, sous astreinte de 500 euros par jour de retard et, d'autre part, d'enjoindre, sans délai, au département du Val-d'Oise de le rétablir de manière effective sur son emploi de directeur général des services, sous astreinte de 500 euros par jour de retard. Par une ordonnance n° 2106478 du 19 mai 2021, le juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a, d'une part, enjoint au département du Val-d'Oise de le rétablir dans ses fonctions dans un délai de huit jours à compter de la notification de la présente ordonnance et, d'autre part, rejeté le surplus de ses conclusions.
Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 3 et 11 juin 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le département du Val d'Oise demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :
1°) d'annuler cette ordonnance ;
2°) de rejeter les conclusions présentées par M. C... en première instance ;
3°) de mettre à la charge de M. C... la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la condition d'urgence n'est pas satisfaite dès lors que, en premier lieu, M. C... a bien fait l'objet d'une suspension provisoire, en deuxième lieu, s'il est effectivement privé de l'exercice de ses fonctions, il s'est lui-même placé dans la situation d'urgence qu'il invoque en sollicitant auprès de son administration d'origine la fin de son détachement, dont le terme était fixé au 31 août 2021, dès le 9 mars 2021 et en annonçant au différents organes du département la fin de ses fonctions avant de remettre brutalement et tardivement en cause sa décision, alors même que le département en avait pris acte et s'était organisé de manière à assurer la bonne marche de la direction générale des services à compter du mois de mai 2021 et alors qu'il ne ressort d'aucune pièce du dossier que l'Etat entendait s'opposer à la réintégration de M. C..., en troisième lieu, il continue d'être rémunéré par le département, en quatrième lieu, sa qualité de fonctionnaire lui donne la possibilité de demander sa réintégration dans son administration d'origine et, en dernier lieu, son retour porterait atteinte à l'intérêt du service ;
- aucune atteinte grave et manifestement illégale n'a été portée à la liberté du travail dès lors que, d'une part, M. C... n'est pas empêché d'exercer les fonctions qui l'attendaient au sein de la collectivité européenne d'Alsace ou alternativement réintégrer son administration d'origine et, d'autre part, en demandant lui-même la fin de son détachement, il a renoncé à exécuter les derniers mois qui lui restaient au sein du département de telle sorte qu'il n'avait plus vocation à exercer ses fonctions à la date du 1er mai 2021.
Par deux mémoires en défense, enregistrés les 10 et 13 juin 2021, M. A... C... conclut au rejet de la requête, à la suspension de l'exécution de la décision du 28 mai 2021 portant suspension conservatoire, en deuxième lieu, et à ce que soit mise à la charge du département la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que la condition d'urgence est satisfaite et qu'il est portée une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté de travailler, à la liberté d'aller et venir et au droit à ne pas être harcelé.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution, et notamment son Préambule ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, le département du Val d'Oise, et d'autre part, M. C... ;
Ont été entendus lors de l'audience publique du 14 juin 2021, à 11 heures :
- Me Sebagh, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat du département du Val-d'Oise ;
- Me B..., avocate au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocate de M. C... ;
- les représentants du département du Val-d'Oise ;
- le représentant de M. C... ;
- M. C... ;
à l'issue de laquelle le juge des référés a prononcé la clôture de l'instruction.
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article L. 521-2 du même code : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures ". L'usage par le juge des référés des pouvoirs qu'il tient de ces dispositions est subordonné à la condition qu'une urgence particulière rende nécessaire l'intervention dans les quarante-huit heures d'une décision destinée à la sauvegarde d'une liberté fondamentale.
2. Il résulte de l'instruction qu'après que M. C..., fonctionnaire titulaire du grade d'ingénieur général des ponts, des eaux et des forêts, détaché depuis 2011 auprès du département du Val d'Oise pour y occuper l'emploi fonctionnel de directeur général des services, l'eut informée de son intention de quitter ses fonctions pour diriger les services de la collectivité européenne d'Alsace, la présidente du conseil départemental a, avec l'accord de M. C..., annoncé ce départ aux élus et agents du département le 2 mars 2021. Le 20 avril 2021, M. C... a informé la présidente du conseil départemental qu'il renonçait à son départ. Par un courrier du 2 mai 2021, celle-ci lui a indiqué qu'elle considérait qu'il avait volontairement mis fin à son détachement avant son terme normal, le 31 août 2021, qu'il ne pourrait reprendre ses fonctions, lesquelles seraient assurées provisoirement par le directeur général des services adjoint et que sa rémunération serait maintenue le temps qu'il trouve un autre emploi ou qu'il soit réintégré dans son corps d'origine. Par une ordonnance du 19 mai 2021, le juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise, saisi par M. C... sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, a enjoint au département du Val-d'Oise de rétablir M. C... dans ses fonctions dans un délai de huit jours. Le département du Val-d'Oise relève appel de cette ordonnance.
Sur les conclusions d'appel du département du Val d'Oise :
3. Pour estimer qu'il existait une situation d'urgence à enjoindre au département de rétablir M. C... dans l'exercice de ses fonctions de directeur général des services, l'auteur de l'ordonnance attaquée a relevé qu'il n'avait fait l'objet d'aucune mesure de suspension conservatoire ni de décharge de fonctions en application de l'article 53 de la loi du 26 janvier 1984 et que sa mise à l'écart, décidée en dehors de toute procédure disciplinaire, avait pour conséquence de le priver de la possibilité effective d'exercer ses fonctions et d'une partie de sa rémunération. Il résulte toutefois de l'instruction que si la décision de la présidente du conseil général prive effectivement M. C... de l'exercice de ses fonctions et de l'accès aux moyens matériels mis à sa disposition pour ce faire, il conserve l'essentiel de son traitement pendant une période qui n'était appelée à durer au plus, à la date à laquelle cette décision a été prise, que les quatre mois qui restaient à courir jusqu'au terme de son détachement. Dans ces conditions, le département du Val d'Oise est fondé à soutenir que le refus opposé à M. C... de poursuivre l'exercice de ses fonctions à partir du 2 mai 2021 n'était pas de nature à créer une situation d'urgence caractérisée rendant nécessaire que le juge des référés intervienne dans un délai de quarante-huit heures et fasse usage des pouvoirs qu'il tient de l'article L. 521-2 du code de justice administrative. L'urgence n'est pas davantage caractérisée à la date de la présente ordonnance. Par suite, c'est à tort que le juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a retenu que la condition d'urgence particulière était remplie.
4. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les moyens tirés de l'atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale, que le département du Val d'Oise est fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise lui a, sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, enjoint de rétablir M. C... dans ses fonctions.
Sur les conclusions de M. C... tendant à la suspension de l'exécution de la décision du 28 mai 2021 prononçant sa suspension à titre conservatoire :
5. Ces conclusions, présentées pour la première fois en appel, sont par suite irrecevables.
Sur les frais irrépétibles :
6. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par le département du Val d'Oise sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge du département du Val d'Oise qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.
O R D O N N E :
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Article 1er : L'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 19 mai 2021 est annulée.
Article 2 : Les conclusions présentées par M. C... devant le juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise et devant le Conseil d'Etat ainsi que celles présentées par le département du Val d'Oise au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée au département du Val-d'Oise et à M. A... C....