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16/06/2021 | FRANCE | N°442405

France | France, Conseil d'État, 8ème chambre, 16 juin 2021, 442405


Vu la procédure suivante :

Par une requête et un nouveau mémoire, enregistrés les 10 novembre et 24 novembre 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, la société à responsabilité limitée (SARL) du Calvaire du Hindré demande au Conseil d'État :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision née du silence gardé par le directeur régional des finances publiques de Bretagne et du département d'Ille-et-Vilaine sur sa demande du 25 mai 2020 tendant à l'abrogation de l'article R. 121-4 du code des procédures civiles d'exécution ;

2°) de pronon

cer la décharge de l'obligation de payer procédant de la mise en demeure émise le 14 janv...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un nouveau mémoire, enregistrés les 10 novembre et 24 novembre 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, la société à responsabilité limitée (SARL) du Calvaire du Hindré demande au Conseil d'État :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision née du silence gardé par le directeur régional des finances publiques de Bretagne et du département d'Ille-et-Vilaine sur sa demande du 25 mai 2020 tendant à l'abrogation de l'article R. 121-4 du code des procédures civiles d'exécution ;

2°) de prononcer la décharge de l'obligation de payer procédant de la mise en demeure émise le 14 janvier 2020 par le comptable du service des impôts des entreprises de Montfort (Ille-et-Vilaine) en vue du recouvrement des taxes foncières établies au titre des années 2016 et 2017, pour un montant total de 105 740 euros.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code des procédures civiles d'exécution ;

- le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Hervé Cassagnabère, conseiller d'Etat,

- les conclusions de Mme Karin Ciavaldini, rapporteure publique ;

Considérant ce qui suit :

1. La société du calvaire du Hindré a fait l'objet le 14 janvier 2020 d'une mise en demeure de payer des cotisations de taxe foncières établies au titre des années 2016 et 2017 pour un montant total de 105 740 euros. Par un courrier du 25 mai 2020, la société du calvaire du Hindré a, d'une part, formé une réclamation contre cette mise en demeure et, d'autre part, demandé l'abrogation de l'article R. 121-4 du code des procédures civiles d'exécution, issu du décret du 30 mai 2012 relatif à la partie réglementaire de ce code. Elle forme un recours contre la décision implicite de rejet de cette réclamation et de cette demande, née du silence gardé par l'administration.

Sur les conclusions tendant à l'annulation du refus d'abroger l'article R. 121-4 du code des procédures civiles d'exécution :

2. D'une part, aux termes de l'article L. 122-1 du code des procédures civiles d'exécution : " Seuls peuvent procéder à l'exécution forcée et aux saisies conservatoires les huissiers de justice chargés de l'exécution. (...) ". Aux termes de l'article L. 122-3 du même code : " La loi détermine les autres personnes habilitées à procéder, dans les domaines qu'elle fixe, à l'exécution forcée et aux saisies conservatoires au même titre que les huissiers de justice ". Aux termes de l'article L. 258 A du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable au litige : " 1. Sous réserve des dispositions de l'article L. 260, les poursuites prévues au 2 des articles L. 257-0 A et L. 257-0 B sont effectuées dans les formes prévues par le code de procédure civile pour le recouvrement des créances. / Elles sont opérées par huissier de justice ou par tout agent de l'administration habilité à exercer des poursuites au nom du comptable (...) 3. Les modalités d'application du présent article sont fixées par décret en Conseil d'Etat ". Enfin, aux termes de l'article R. 122-2 du code des procédures civiles d'exécution : " Outre les huissiers de justice, les personnes chargées des mesures d'exécution forcée et des mesures conservatoires nécessaires au recouvrement des créances de l'Etat, des collectivités territoriales et des établissements publics dotés d'un comptable public sont les agents de la direction générale des finances publiques chargés de procéder aux poursuites nécessaires au recouvrement des créances publiques dans les conditions prévues par l'article L. 258 A du livre des procédures fiscales ".

3. D'autre part, aux termes de l'article R. 121-4 du code des procédures civiles d'exécution : " Les règles de compétence prévues au présent code sont d'ordre public ".

4. Il résulte de la combinaison des dispositions législatives citées au point 2 que l'article R. 122-2 du code des procédures civiles d'exécution a pu légalement prévoir que les agents de la direction générale des finances publiques chargés de procéder aux poursuites nécessaires au recouvrement des créances publiques dans les conditions prévues par l'article L. 258 A du livre des procédures fiscales pouvaient procéder aux poursuites aux fins de recouvrer les créances de l'Etat, des collectivités territoriales et des établissements publics dotés d'un comptable public.

5. Les dispositions précitées de l'article R. 121-4 ont, quant à elles, pour seul objet de prévoir que les règles de compétence du juge de l'exécution sont d'ordre public. Elles n'ont, contrairement à ce que soutient la société requérante, ni pour objet, ni pour effet de déterminer les personnes compétentes pour mettre en oeuvre les procédures de recouvrement forcé des créances de l'Etat, des collectivités territoriales et de leurs établissements publics.

6. Par suite, la société du Calvaire du Hindré ne peut utilement soutenir que ces dernières dispositions, en ce qu'elles auraient pour objet de rendre opposables les règles résultant de l'article R. 122-2 du code des procédures d'exécution, empièteraient sur la compétence que le législateur tient de l'article 34 de la Constitution pour fixer les règles relatives aux modalités de recouvrement des impositions de toute nature et devraient, pour ce motif, être abrogées.

7. Il résulte de ce qui précède que la société du Calvaire du Hindré n'est pas fondée à demander l'annulation pour excès de pouvoir du refus d'abroger l'article R. 121-4 du code des procédures civiles d'exécution.

Sur les conclusions tendant à la décharge de l'obligation de payer :

8. Aux termes de l'article R. 351-5-1 du code de code de justice administrative : " Lorsque le Conseil d'Etat est saisi de conclusions se rapportant à un litige qui ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, il est compétent, nonobstant les règles relatives aux voies de recours et à la répartition des compétences entre les juridictions administratives, pour se prononcer sur ces conclusions et décliner la compétence de la juridiction administrative ".

9. Aux termes de l'article L. 281 du livre des procédures fiscales : " Les contestations relatives au recouvrement des impôts, taxes, redevances et sommes quelconques dont la perception incombe aux comptables publics doivent être adressées à l'administration dont dépend le comptable qui exerce les poursuites. / Les contestations relatives au recouvrement ne peuvent pas remettre en cause le bien-fondé de la créance. Elles peuvent porter : / 1° Soit sur la régularité en la forme de l'acte ; / 2° A l'exclusion des amendes et condamnations pécuniaires, sur l'obligation au paiement, sur le montant de la dette compte tenu des paiements effectués et sur l'exigibilité de la somme réclamée. / Les recours contre les décisions prises par l'administration sur ces contestations sont portés dans le cas prévu au 1° devant le juge de l'exécution. Dans les cas prévus au 2°, ils sont portés : / a) Pour les créances fiscales, devant le juge de l'impôt prévu à l'article L. 199 (...) ".

10. Au soutien de ses conclusions tendant à la décharge de l'obligation de payer procédant de la mise en demeure de payer émise le 14 janvier 2020 à son encontre par le comptable public en vue du recouvrement des taxes foncières dues au titre des années 2016 et 2017, pour un montant total de 105 740 euros, la société requérante soutient que cette mise en demeure a été prise par une autorité incompétente et qu'elle est entachée d'irrégularité faute de citer les textes justifiant l'application des majorations qu'elle mentionne. Ces conclusions ont, ainsi, la nature d'une contestation en la forme d'un acte de poursuite qui ne ressortit pas à la compétence de la juridiction administrative.

11. Il en résulte que ces conclusions doivent être rejetées comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre.

D E C I D E :

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Article 1er : La requête de la société du Calvaire du Hindré est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société à responsabilité limitée du Calvaire du Hindré, au garde des sceaux, ministre de la justice et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.


Synthèse
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 442405
Date de la décision : 16/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 16 jui. 2021, n° 442405
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Hervé Cassagnabère
Rapporteur public ?: Mme Karin Ciavaldini

Origine de la décision
Date de l'import : 22/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2021:442405.20210616
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