Vu la procédure suivante :
Mme B... A... et le syndicat départemental Confédération française des travailleurs chrétiens Santé-Sociaux du Haut-Rhin ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'ordonner à l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) Résidence Le Castel Blanc, dans un délai de quinze jours, de prendre une décision sur la demande de décharge syndicale de Mme A..., sous astreinte de 100 euros par jour de retard. Par une ordonnance n° 2102796 du 23 avril 2021, le juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg a enjoint au directeur de l'EHPAD Résidence Le Castel Blanc d'accorder une dispense totale de service pour motif syndical à Mme A..., dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'ordonnance, sous astreinte de 200 euros par jour de retard.
Par une requête, enregistrée le 10 mai 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'EHPAD Résidence Le Castel Blanc demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :
1°) d'annuler cette ordonnance ;
2°) de rejeter la demande de première instance ;
3°) de mettre à la charge du syndicat départemental Confédération française des travailleurs chrétiens Santé-Sociaux du Haut-Rhin la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'ordonnance contestée est entachée d'irrégularité dès lors que le juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg a statué ultra petita en enjoignant au directeur de l'EHPAD d'accorder une dispense totale de service pour motif syndical à Mme A... alors que l'intéressée et le syndicat départemental Confédération française des travailleurs chrétiens Santé-Sociaux du Haut-Rhin se bornaient a` demander à ce qu'il soit enjoint a` l'EHPAD de " prendre une décision " sur la demande dont il avait été saisi ;
- la condition d'urgence particulière au référé liberté n'est pas satisfaite dès lors que les requérants n'ont saisi le juge des référés que le 20 avril 2021, alors qu'une décision implicite de refus était nécessairement née, soit fin septembre 2020, c'est-à-dire deux mois après la notification du jugement du 21 juillet 2020, soit le 19 mars 2021, c'est-à-dire deux mois après que la commission départementale a rendu un avis de départage ;
- il n'est porté aucune atteinte grave et manifestement illégale à la liberté syndicale en ce que, d'une part, le refus d'accorder une décharge complète d'activité à Mme Schuh est justifiée par les nécessités du service, d'autre part, elle ne prive pas les requérants de la possibilité de poursuivre leurs activités syndicales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 18 mai 2021, Mme Schuh et le syndicat départemental Confédération française des travailleurs chrétiens Santé-Sociaux du Haut-Rhin concluent au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ils soutiennent que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution, et notamment son Préambule ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière ;
- le décret n° 86-660 du 19 mars 1986 ;
- le décret n° 2003-655 du 23 juillet 2003 ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ont été informées, sur le fondement de l'article 3 de l'ordonnance n° 2020-1402 du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables aux juridictions administratives, de ce qu'aucune audience ne se tiendrait et de ce que la clôture de l'instruction serait fixée le 21 mai à 18 heures.
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article L. 521-2 du même code : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. (...) ".
2. Il résulte de l'instruction que par deux décisions des 8 et 21 janvier 2019, le directeur de l'EHPAD résidence Le Castel Blanc a refusé d'accorder à Mme Schuh, employée par cet établissement et désignée par le syndicat départemental CFTC Santé Sociaux du Haut-Rhin pour bénéficier du crédit de temps syndical dont il dispose, la décharge d'activité à hauteur de 100 % qu'elle sollicitait, en raison de son incompatibilité avec les nécessités du service. Par un jugement du 21 juillet 2020, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé ces décisions au motif que la première avait été prise sans consultation préalable de la commission administrative paritaire et que la commission administrative paritaire qui s'était prononcée préalablement à la seconde n'était pas régulièrement composée. Le syndicat CFTC et Mme Schuh ont réitéré leur demande, avant et après que la commission administrative paritaire départementale a rendu un avis le 19 janvier 2021, sans obtenir de réponse. Mme Schuh et le syndicat départemental CFTC Santé Sociaux du Haut-Rhin ont demandé au juge du référé du tribunal administratif de Strasbourg, sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'enjoindre à l'EHPAD résidence Le Castel Blanc, dans un délai de 15 jours, de prendre une décision sur la demande de décharge syndicale de Mme Schuh. Par l'ordonnance attaquée du 23 avril 2021, le juge du référé du tribunal administratif de Strasbourg a enjoint au directeur de l'EHPAD résidence Le Castel Blanc d'accorder une dispense totale de service pour motif syndical à Mme Schuh, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'ordonnance, sous astreinte de 200 euros par jour de retard.
3. Aux termes de l'article 16 du décret susvisé du 19 mars 1986 : " I. Un crédit global de temps syndical est déterminé, au sein de chaque établissement à l'issue du renouvellement général des instances de concertation de la fonction publique hospitalière. Il est exprimé en effectifs décomptés en équivalent temps plein. (...) / V. Les organisations syndicales désignent les bénéficiaires des crédits de temps syndical parmi leurs représentants en activité dans l'établissement. Elles en communiquent la liste nominative au directeur de l'établissement ou à son représentant. Dans cette liste, sont précisés les volumes de crédit de temps syndical répartis sous forme de décharges d'activité de service et sous forme de crédits d'heures. / Les décharges de service sont exprimées sous forme d'une quotité annuelle de temps de travail. / Les crédits d'heures sont exprimés sous forme d'autorisations d'absence exprimées en heures, réparties mensuellement. / Si la désignation d'un agent est incompatible avec la bonne marche du service, l'autorité administrative, après avis de la commission administrative paritaire, invite l'organisation syndicale à porter son choix sur un autre agent. " Il ressort des motifs non contestés de l'ordonnance attaquée qu'à l'issue des élections professionnelles du mois de décembre 2018, le syndicat départemental CFTC Santé Sociaux du Haut-Rhin était en droit de désigner la personne de son choix au sein de l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) résidence Le Castel Blanc pour qu'elle bénéficie d'une dispense de service à 100 % afin d'assurer des responsabilités d'ordre syndical.
4. Il ressort des écritures de Mme Schuh et du syndicat départemental CFTC Santé Sociaux du Haut-Rhin devant le juge des référés du tribunal administratif qu'ils ne demandaient pas au juge d'enjoindre à l'établissement d'accorder la décharge d'activité de service que Mme Schuh demandait mais de prendre une décision sur sa demande. Ainsi, en enjoignant à l'EHPAD résidence Le Castel Blanc d'accorder à Mme Schuh une décharge d'activité de 100 %, le juge du référé a entaché son ordonnance d'irrégularité. Il y a lieu, par suite, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête d'appel, d'annuler l'ordonnance attaquée et de statuer sur la demande présentée par Mme Schuh et le syndicat départemental CFTC Santé Sociaux du Haut-Rhin au juge du référé du tribunal administratif de Strasbourg par la voie de l'évocation.
5. Il n'y a urgence à ordonner la suspension d'une décision administrative que s'il est établi qu'elle préjudicie de manière suffisamment grave et immédiate à un intérêt public, à la situation du demandeur ou aux intérêts qu'il entend défendre. En outre, lorsque le requérant fonde son intervention non sur la procédure de suspension régie par l'article L. 521-1 du code de justice administrative, mais sur la procédure de protection particulière instituée par l'article L. 521-2 de ce code, il lui appartient de justifier de circonstances caractérisant une situation d'urgence qui implique, sous réserve que les autres conditions posées par l'article L. 521-2 soient remplies, qu'une mesure visant à sauvegarder une liberté fondamentale doive être prise dans les quarante-huit heures.
6. L'absence de réponse expresse de l'EHPAD résidence Le Castel Blanc à la demande de décharge syndicale dont il restait saisi après l'annulation des décisions de refus qu'il avait prises et qui avait en outre été réitérée à plusieurs reprises, pour regrettable qu'elle soit, a fait naître une décision implicite de refus dont Mme Schuh et le syndicat départemental CFTC Santé Sociaux du Haut-Rhin pouvaient, s'ils s'y croyaient fondés, demander l'annulation au tribunal administratif ainsi que la suspension de son exécution en application des dispositions de l'article L. 522-1 du code de justice administrative. Il résulte par ailleurs de l'instruction que l'établissement justifie ce refus par les nécessités du service de buanderie auquel est affecté Mme Schuh, qui doit faire face à une charge de travail accrue avec un effectif réduit. Dans ces circonstances, les requérants n'apportent aucun élément de nature à établir l'existence d'une situation d'urgence caractérisée rendant nécessaire l'intervention du juge des référés dans les brefs délais prévus par l'article L. 521-2 du code de justice administrative pour enjoindre à l'EHPAD résidence Le Castel Blanc de prendre une décision sur la demande de décharge de service de Mme Schuh ou, comme ils le demandent à présent, d'accorder cette décharge.
7. Il résulte de ce qui précède que la demande présentée par Mme Schuh et le syndicat départemental CFTC Santé Sociaux du Haut-Rhin au juge du référé du tribunal administratif de Strasbourg doit être rejetée.
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à sa charge de l'EHPAD résidence Le Castel Blanc, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que Mme Schuh et le syndicat départemental CFTC Santé Sociaux du Haut-Rhin demandent sur ce fondement. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de ces derniers la somme que demande l'EHPAD résidence Le Castel Blanc au titre des mêmes dispositions.
O R D O N N E :
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Article 1er : L'ordonnance du 23 avril 2021 du juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg est annulée.
Article 2 : La demande présentée par Mme Schuh et le syndicat départemental CFTC Santé Sociaux du Haut-Rhin au juge du référé du tribunal administratif de Strasbourg est rejetée.
Article 3 : Les conclusions de l'ensemble des parties au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à l'EHPAD Résidence Le Castel Blanc, à Mme Mireille Schuh et au syndicat départemental Confédération française des travailleurs chrétiens Santé-Sociaux du Haut-Rhin.