La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

28/01/2021 | FRANCE | N°448923

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 28 janvier 2021, 448923


Vu la procédure suivante :

Mme D... C... et M. A... C... ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'une part, d'ordonner la suspension de l'exécution de la décision orale du 4 janvier 2021 portant limitation des traitements prodigués à leur mère, Mme B... C..., par l'hôpital Beaujon AP-HP de Clichy et, d'autre part, d'ordonner une expertise visant à déterminer si les décisions de limitation des traitements de Mme B... C... sont médicalement justifiées af

in d'éviter une " obstination déraisonnable " au sens de l'article L....

Vu la procédure suivante :

Mme D... C... et M. A... C... ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'une part, d'ordonner la suspension de l'exécution de la décision orale du 4 janvier 2021 portant limitation des traitements prodigués à leur mère, Mme B... C..., par l'hôpital Beaujon AP-HP de Clichy et, d'autre part, d'ordonner une expertise visant à déterminer si les décisions de limitation des traitements de Mme B... C... sont médicalement justifiées afin d'éviter une " obstination déraisonnable " au sens de l'article L. 1110-5-1 du code de la santé publique. Par une ordonnance n° 2100309 du 13 janvier 2021, le juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté leur demande.

Par une requête, enregistrée le 20 janvier 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme et M. C... demandent au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) d'ordonner la suspension de l'exécution de la décision du 4 janvier 2021 ;

3°) d'ordonner une expertise visant à déterminer si les décisions de limitation des traitements de Mme B... C... sont médicalement justifiées afin d'éviter une " obstination déraisonnable " au sens de l'article L. 1110-5-1 du code de la santé publique ;

4°) de désigner un expert médical oncologue, lequel pourra s'adjoindre les services d'un sapiteur infectiologue, aux fins de se prononcer sur la reprise d'une thérapeutique active de façon indépendante, après avoir, en présence des membres proches de sa famille, examiné la patiente, effectué tout examen nécessaire, rencontré l'équipe médicale et le personnel soignant en charge de cette dernière et pris connaissance de l'ensemble de son dossier médical afin de donner au juge des référés toutes indications utiles, en l'état de la science, sur les perspectives d'évolution selon les thérapeutiques actives mises ou à mettre en oeuvre qu'il pourrait connaître ;

5°) de mettre à la charge de l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris (AP-HP) la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et le paiement des frais d'expertise.

Ils soutiennent que :

- la condition d'urgence est remplie dès lors que l'exécution de la décision contestée conduira au décès immédiat de Mme B... C... ;

- il est porté une atteinte grave et manifestement illégale au droit à la vie et au droit à la protection de la santé ;

- la décision contestée est entachée d'irrégularité dès lors que, d'une part, la patiente n'a jamais été associée à la décision et, à supposer qu'elle n'était pas en capacité de s'exprimer, les personnes de confiance désignées n'ont pas été sollicitées préalablement à la mise en oeuvre de la procédure collégiale prévue par l'article L. 1110-5-1 du code de la santé publique, d'autre part, cette décision ne leur a pas été notifiée dans des conditions leur permettant d'exercer un recours utile ;

- la poursuite des thérapeutiques actives ne saurait qualifier une obstination déraisonnable dès lors que, d'une part, l'état clinique de Mme B... C... s'améliore, d'autre part, elle ne subit pas de souffrance physique ou morale.

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 janvier 2021, l'AP-HP conclut au rejet de la requête. Elle soutient qu'il n'est porté aucune atteinte grave et manifestement illégale.

Vu, enregistrée le 25 janvier 2021, la pièce relative à l'évolution médicale de Mme C... du 23 au 25 janvier 2021 présentée par l'AP-HP ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de la santé publique ;

- la décision du Conseil constitutionnel n° 2017-632 QPC du 2 juin 2017 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, Me Descorps-Declere, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de Mme et M. C..., et, d'autre part, les représentants de l'AP-HP ;

Ont été entendus lors de l'audience publique du 23 janvier 2021, à 15 heures :

- Me Descorps-Declere, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de M. et Mme C... ;

- Mme et M. C..., requérants ;

- les représentants de l'AP-HP ;

à l'issue de laquelle le juge des référés a reporté la clôture de l'instruction au 25 janvier 2021 à 14h00.

Vu la note en délibéré, enregistrée le 25 janvier 2021, présentée par M. et Mme C... ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures ". Ces dispositions législatives confèrent au juge des référés, qui statue, en vertu de l'article L. 511-1 du code de justice administrative, par des mesures qui présentent un caractère provisoire le pouvoir de prendre, dans les délais les plus brefs et au regard de critères d'évidence, les mesures de sauvegarde nécessaires à la protection des libertés fondamentales.

2. Toutefois, il appartient au juge des référés d'exercer ses pouvoirs de manière particulière, lorsqu'il est saisi, comme en l'espèce, sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'une décision, prise par un médecin, dans le cadre défini par le code de la santé publique, et conduisant à arrêter ou ne pas mettre en oeuvre, au titre du refus de l'obstination déraisonnable, un traitement qui apparaît inutile ou disproportionné ou sans autre effet que le seul maintien artificiel de la vie, dans la mesure où l'exécution de cette décision porterait de manière irréversible une atteinte à la vie. Il doit alors prendre les mesures de sauvegarde nécessaires pour faire obstacle à son exécution lorsque cette décision pourrait ne pas relever des hypothèses prévues par la loi, en procédant à la conciliation des libertés fondamentales en cause, que sont le droit au respect de la vie et le droit du patient de consentir à un traitement médical et de ne pas subir un traitement qui serait le résultat d'une obstination déraisonnable.

Sur le cadre juridique applicable au litige :

3. Aux termes de l'article L. 1110-1 du code la santé publique : " Le droit fondamental à la protection de la santé doit être mis en oeuvre par tous moyens disponibles au bénéfice de toute personne. (...) ". L'article L. 1110-2 de ce code dispose que : " La personne malade a droit au respect de sa dignité ".

4. Aux termes de l'article L. 1110-5 du même code : " Toute personne a, compte tenu de son état de santé et de l'urgence des interventions que celui-ci requiert, le droit de recevoir, sur l'ensemble du territoire, les traitements et les soins les plus appropriés et de bénéficier des thérapeutiques dont l'efficacité est reconnue et qui garantissent la meilleure sécurité sanitaire et le meilleur apaisement possible de la souffrance au regard des connaissances médicales avérées. Les actes de prévention, d'investigation ou de traitements et de soins ne doivent pas, en l'état des connaissances médicales, lui faire courir de risques disproportionnés par rapport au bénéfice escompté (...) ". Aux termes de l'article L. 1110-5-1 du même code : " Les actes mentionnés à l'article L. 1110-5 ne doivent pas être mis en oeuvre ou poursuivis lorsqu'ils résultent d'une obstination déraisonnable. Lorsqu'ils apparaissent inutiles, disproportionnés ou lorsqu'ils n'ont d'autre effet que le seul maintien artificiel de la vie, ils peuvent être suspendus ou ne pas être entrepris, conformément à la volonté du patient et, si ce dernier est hors d'état d'exprimer sa volonté, à l'issue d'une procédure collégiale définie par voie réglementaire (...) ". Aux termes de l'article L. 1111-4 du même code : " Toute personne prend, avec le professionnel de santé et compte tenu des informations et des préconisations qu'il lui fournit, les décisions concernant sa santé. Toute personne a le droit de refuser ou de ne pas recevoir un traitement (...) Le médecin a l'obligation de respecter la volonté de la personne après l'avoir informée des conséquences de ses choix et de leur gravité. Si, par sa volonté de refuser ou d'interrompre tout traitement, la personne met sa vie en danger, elle doit réitérer sa décision dans un délai raisonnable. (...) Aucun acte médical ni aucun traitement ne peut être pratiqué sans le consentement libre et éclairé de la personne et ce consentement peut être retiré à tout moment. (...) Lorsque la personne est hors d'état d'exprimer sa volonté, la limitation ou l'arrêt de traitement susceptible d'entraîner son décès ne peut être réalisé sans avoir respecté la procédure collégiale mentionnée à l'article L. 1110-5-1 et les directives anticipées ou, à défaut, sans que la personne de confiance prévue à l'article L. 1111-6 ou, à défaut la famille ou les proches, aient été consultés. La décision motivée de limitation ou d'arrêt de traitement est inscrite dans le dossier médical (...) ". L'article R. 4127-37-2 du même code précise que : " (...) II. - Le médecin en charge du patient peut engager la procédure collégiale de sa propre initiative. (...) La personne de confiance ou, à défaut, la famille ou l'un des proches est informé, dès qu'elle a été prise, de la décision de mettre en oeuvre la procédure collégiale. / III. - La décision de limitation ou d'arrêt de traitement est prise par le médecin en charge du patient à l'issue de la procédure collégiale. Cette procédure collégiale prend la forme d'une concertation avec les membres présents de l'équipe de soins, si elle existe, et de l'avis motivé d'au moins un médecin, appelé en qualité de consultant. Il ne doit exister aucun lien de nature hiérarchique entre le médecin en charge du patient et le consultant. L'avis motivé d'un deuxième consultant est recueilli par ces médecins si l'un d'eux l'estime utile. / (...) / IV. - La décision de limitation ou d'arrêt de traitement est motivée. La personne de confiance, ou, à défaut, la famille, ou l'un des proches du patient est informé de la nature et des motifs de la décision de limitation ou d'arrêt de traitement. La volonté de limitation ou d'arrêt de traitement exprimée dans les directives anticipées ou, à défaut, le témoignage de la personne de confiance, ou de la famille ou de l'un des proches de la volonté exprimée par le patient, les avis recueillis et les motifs de la décision sont inscrits dans le dossier du patient ".

5. Il résulte de ces dispositions législatives, ainsi que de l'interprétation que le Conseil constitutionnel en a donnée dans sa décision n° 2017-632 QPC du 2 juin 2017, qu'il appartient au médecin en charge d'un patient, lorsque celui-ci est hors d'état d'exprimer sa volonté d'arrêter ou de ne pas mettre en oeuvre, au titre du refus de l'obstination déraisonnable, les traitements qui apparaissent inutiles, disproportionnés ou sans autre effet que le seul maintien artificiel de la vie. En pareille hypothèse, le médecin ne peut prendre une telle décision qu'à l'issue d'une procédure collégiale, destinée à l'éclairer sur le respect des conditions légales et médicales d'un arrêt du traitement et, sauf dans les cas mentionnés au troisième alinéa de l'article L. 1111-11 du code de la santé publique, dans le respect des directives anticipées du patient ou, à défaut de telles directives, après consultation de la personne de confiance désignée par le patient ou, à défaut, de sa famille ou de ses proches, ainsi que, le cas échéant, de son ou ses tuteurs.

6. Il résulte de ces mêmes dispositions que la procédure collégiale ne peut être engagée ou doit être interrompue et que la décision prise le cas échéant à son issue ne peut être mise en oeuvre, lorsque le patient devenu en état d'exprimer sa volonté, s'oppose à cette décision.

Sur les circonstances du litige :

7. Il résulte de l'instruction que Mme B... C..., âgée de 76 ans, est atteinte d'un cancer colique en stade terminal avec métastases au foie, pour laquelle elle est suivie à l'hôpital Beaujon depuis décembre 2017. Elle a fait l'objet dans cet hôpital, le 24 juin 2020, d'un traitement par électroporation pour deux lésions récidivantes métastasiques au foie. Le 11 juillet 2020, elle a été transférée au sein de l'unité de réanimation de l'hôpital Beaujon à la suite d'un saignement secondaire à un anévrisme de l'artère du foie, traité par embolisation dans un contexte de nécrose infectée. Deux jours plus tard, elle a présenté une insuffisance respiratoire aiguë qui a rendu nécessaire sa mise sous ventilation mécanique. Une insuffisance rénale aiguë sévère a, en outre, imposé le recours à une dialyse. Ces défaillances associées à une infection grave liée à des abcès hépatiques ont conduit à l'administration de catécholamines pour soutenir la tension et d'une antibiothérapie pendant quatre semaines. Le 3 août 2020, une trachéotomie a été réalisée à la suite de plusieurs échecs de sevrage ventilatoire. L'état général de Mme C... a fait obstacle à ce que lui soit administrée la chimiothérapie qui aurait dû être faite au mois d'août pour compléter le traitement par électroporation effectué le 24 juin 2020. Le 27 août 2020, un cathéter de dialyse spécifique a été mis en place. Un nouvel épisode infectieux s'est déclenché à partir du 29 août et l'état de santé de l'intéressée a connu une très forte et rapide dégradation au plan respiratoire et septique. Un scanner a mis en évidence une récidive du cancer et un aspect de métastase pulmonaire du lobe supérieur gauche, ainsi qu'une pneumonie acquise sous ventilation mécanique. Mme C... a reçu un nouveau traitement antibiotique. Mais, dans la nuit du 31 août 2020, son état respiratoire s'est brutalement dégradé et a rendu nécessaire une sédation et une ventilation artificielle apportant 90 % d'oxygène

8. Le 1er septembre 2020, une décision de limitation des traitements a été prise au vu de l'état de santé de la patiente, se fondant sur l'impasse thérapeutique quant au traitement de l'affection cancéreuse et sur la totale dépendance à la dialyse et au respirateur et retenant que la poursuite des traitements traduirait une obstination déraisonnable. Le 8 septembre 2020, pour répondre à la demande des enfants de Mme C... de pouvoir communiquer avec leur mère, la sédation a été interrompue mais la sédation a dû rapidement être reprise en raison de l'inconfort respiratoire de l'intéressée.

9. Le 21 septembre 2020, les enfants de Mme C..., laquelle n'a laissé aucune directive anticipée, ont été informés de la mise en oeuvre de la procédure collégiale prévue par les dispositions du code de la santé publique et ont été entendus dans ce cadre. Le 22 septembre 2020, l'équipe de réanimation s'est réunie en présence d'un médecin extérieur. Au cours de cette réunion collégiale, au vu de l'état de santé de la patiente, il a été estimé que la poursuite des traitements relèverait de l'obstination déraisonnable. Une limitation des traitements susceptibles d'être administrés à Mme C... a en conséquence été décidée. Les requérants ont alors introduit devant le juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise un référé présenté sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, tendant à la suspension de cette décision, lequel a été rejeté par une ordonnance du 30 septembre 2020. Saisis d'un appel contre cette ordonnance, les juges des référés du Conseil d'Etat, statuant au regard de l'évolution de l'état de santé de Mme C... tel qu'il pouvait être apprécié au jour de l'audience tenue le 21 octobre ont, par ordonnance du 26 octobre 2020, confirmé l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise. Mme D... C... et M. A... C... ont alors saisi la Cour européenne des droits de l'homme par un recours du 30 octobre 2020 actuellement pendant. Par courrier du 12 novembre 2020, l'hôpital Beaujon a informé les requérants de la suspension de la décision de limitation des traitements du 22 septembre 2020 à la suite de la saisine de la Cour, tout en maintenant son application en cas d'apparition de nouvelles défaillances.

10. Estimant l'état de santé de Mme C... encore dégradé depuis la décision de limitation de soins du 22 septembre 2020, ses médecins traitants ont, le 31 décembre 2020, informé sa fille Liliane, du lancement d'une nouvelle procédure collégiale. Le 4 janvier 2021, l'équipe de réanimation, composée de cinq médecins de l'unité, d'une infirmière, d'un cadre de santé et d'un radiologue, s'est réunie en présence d'un médecin extérieur, et estimé, au vu de l'état de santé de Mme B... C..., en phase terminale de son cancer avec persistance de la dépendance à la ventilation sans aucun espoir de rémission, que la poursuite des traitements s'apparenterait à une obstination déraisonnable. Le 4 janvier 2021, les médecins de Mme B... C... ont oralement informés ses enfants de leur décision de limiter ses traitements, selon des modalités similaires à celles décidées le 22 septembre 2020.

11. Le 11 janvier 2021, Mme D... C... et M. A... C... ont saisi le juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'une demande de suspension de la décision de limitation des traitements du 4 janvier 2021 et à ce qu'une expertise médicale soit ordonnée. Par la présente requête, ils relèvent appel de l'ordonnance du 13 janvier 2021 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté leurs demandes.

Sur les conclusions relatives à la décision de limitation des traitements du 4 janvier 2021 :

12. Les requérants produisent devant le juge des référés du Conseil d'Etat une lettre manuscrite signée de Mme B... C... en date du 18 janvier 2021, postérieure à l'ordonnance attaquée, aux termes de laquelle elle veut " avoir tous les traitements " et " ne veux pas avoir de limitation de traitement ".

13. Il est constant qu'en raison de l'opposition de sa famille et avec l'avis en ce sens du comité d'éthique consulté par les médecins responsables, Mme C... n'a pas été informée de la totale étendue de la gravité de son état et notamment pas de son pronostic médical. Il ressort par ailleurs de l'instruction, d'une part, que son état cognitif demeure fluctuant, d'autre part, qu'elle a plusieurs fois protesté auprès des soignants de la réitération des examens et des soins lourds et douloureux qui lui sont prodigués. Toutefois, le document produit par l'hôpital Beaujon rapportant l'évaluation médicale journalière de Mme C... fait état de ce que celle-ci a pu à diverses reprises depuis la décision de limitation des traitements du 4 janvier dernier échanger ou se faire comprendre des soignants. Le docteur Janny, membre de l'équipe de réanimation ayant participé à la procédure collégiale mentionnée au point 10, y relate notamment le 18 janvier à 17h29, date de la lettre produite par les requérants et quelques instants avant sa rédaction, avoir pu exposer à la patiente les traitements qui lui ont été dispensés durant les six derniers mois, les complications diverses de son état et notamment les multiples infections subies et leurs conséquences, ainsi que la progression de son cancer dans le foie, le poumon et la plèvre. Le docteur Janny précise que Mme C... a été, par ailleurs, informée du désaccord entre ses enfants et le service de réanimation sur l'intensité et l'utilité des traitements à lui dispenser. Elle fait mention de ce que Mme C..., " bien consciente et attentive " a " très bien compris ces informations ", ce que la patiente a au demeurant confirmé, lors d'un entretien mentionné dans le même document, tenu le 20 janvier avec les Docteurs Janny, Logre et Thibaut-Sogorb.

14. Il résulte de ces circonstances et de ce qui est dit au point 6 que dès lors que Mme C... a pu le 18 janvier, après avoir été informée de son état, exprimer clairement, par la lettre mentionnée au point 12, sa volonté du maintien de l'intégralité des traitements qui lui sont dispensés, la décision de les limiter, bien que régulièrement prise le 4 janvier ainsi que l'a jugé le juge des référés du tribunal administratif de Cergy- Pontoise, ne peut plus être mise en oeuvre. Il y a lieu par suite et sans qu'il soit besoin d'ordonner l'expertise sollicitée, d'ordonner la suspension de la décision du 4 janvier 2021.

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

15. Il y a lieu, dans les circonstances particulières de l'espèce, de mettre à la charge de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris une somme de 1500 euros à verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative à chacun des deux requérants.

O R D O N N E :

------------------

Article 1er : L'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Cergy- Pontoise n° 2100309 du 13 janvier 2021 est annulée.

Article 2 : L'exécution de la décision du 4 janvier 2021 est suspendue.

Article 3 : L'Assistance publique-Hôpitaux de Paris versera à chacun des requérants une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme D... C..., à M. A... C... et à l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris.


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 448923
Date de la décision : 28/01/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 28 jan. 2021, n° 448923
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Avocat(s) : DESCORPS-DECLÈRE

Origine de la décision
Date de l'import : 06/02/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2021:448923.20210128
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award