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28/12/2020 | FRANCE | N°447331

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 28 décembre 2020, 447331


Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 7 décembre 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association Réseau sortir du nucléaire, l'association Greenpeace France, l'association Comité de réflexion d'information et lutte anti-nucléaire et l'association STOP EPR, ni à Penly ni ailleurs, demandent au juge des référés, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) d'ordonner la suspension de l'exécution de la décision n° 2020-DC-0693 de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) du 8 octobr

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Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 7 décembre 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association Réseau sortir du nucléaire, l'association Greenpeace France, l'association Comité de réflexion d'information et lutte anti-nucléaire et l'association STOP EPR, ni à Penly ni ailleurs, demandent au juge des référés, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) d'ordonner la suspension de l'exécution de la décision n° 2020-DC-0693 de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) du 8 octobre 2020 autorisant la mise en service partielle de l'installation nucléaire de base n° 167 (Flamanville 3) pour l'arrivée de combustible nucléaire dans le périmètre du réacteur d'essais particuliers de fonctionnement de l'installation nécessitant l'introduction de substances radioactives dans celle-ci ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- la condition d'urgence est satisfaite dès lors que la décision contestée, en tant qu'elle a pour effet d'autoriser la manutention et l'entreposage sur le site de Flamanville de matières radioactives sensibles, ainsi que la réalisation d'essais utilisant des tracteurs radioactifs, en premier lieu, expose les travailleurs et les populations riveraines à de graves risques pour leur sécurité et leur santé, en deuxième lieu, crée un déchet nucléaire potentiel et un risque de rejet intempestif de gaz traceur radioactif dans l'atmosphère, qu'en troisième lieu, il existe de fortes incertitudes autour de la mise en service effective de l'installation nucléaire de base (INB) et qu'aucune urgence ne commandait de ne pas attendre la levée de ces incertitudes ;

- il existe un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée ;

- elle méconnaît l'article 4 du décret n° 2007-1557 du 2 novembre 2007 en ce que l'ASN n'était plus compétente, dès lors qu'était née, du fait des délais écoulés, une décision tacite de rejet de la demande d'autorisation de mise en service partielle présentée par Electricité de France (EDF) de la lui accorder ;

- elle est entachée d'irrégularité en ce que, d'une part, elle n'a pas été précédée d'une actualisation de l'étude d'impact accompagnant la demande de création de l'INB ou, à tout le moins, d'une saisine pour avis de l'autorité environnementale, ainsi que le confirmera la Cour de justice de l'Union européenne qu'il y a lieu de saisir de la portée de cette obligation ;

- elle est également irrégulière dès lors que le dossier de demande d'autorisation ne comporte pas les avis des comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail des INB sur les modifications apportées au plan d'urgence interne ;

- elle est entachée d'illégalité dès lors enfin qu'elle porte une atteinte excessive aux intérêts protégés par l'article L. 593-1 du code de l'environnement eu égard, d'une part, à l'autorisation litigieuse qui s'accompagne de risques graves pour la protection de la nature et de l'environnement ainsi que la sécurité, la santé et la salubrité publique et, d'autre part, à l'existante de forte incertitudes quant à la mise en service du réacteur pressurisé européen (EPR).

Par un mémoire en défense, enregistré le 17 décembre 2020, l'Autorité de sûreté nucléaire conclut au rejet de la requête. Elle soutient que la condition d'urgence n'est pas satisfaite et qu'aucun des moyens de la requête n'est de nature à faire naître un doute sérieux sur la légalité de la décision contestée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 17 décembre 2020, la société Electricité de France conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge des associations requérantes la somme de 6 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que la condition d'urgence n'est pas satisfaite et qu'aucun des moyens de la requête n'est de nature à faire naître un doute sérieux sur la légalité de la décision contestée.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le décret n° 2007-1557 du 2 novembre 2007 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique l'association Réseau sortir du nucléaire, l'association Greenpeace France, l'association Comité de réflexion d'information et lutte anti-nucléaire et l'association STOP EPR, ni à Penly ni ailleurs, ainsi que l'Autorité de sureté nucléaire et la société EDF ;

Ont été entendus lors de l'audience publique du 23 décembre 2020 à 11 heures :

- Me A..., avocate au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocate des associations requérantes ;

- la représentante de l'association Réseau sortir du nucléaire ;

- Me Molinié, avocat au Conseil d'Etat et à la cour de cassation, avocat de la société Electricité de France ;

- les représentants de la société Electricité de France ;

- les représentants de l'Autorité de sûreté nucléaire ;

à l'issue de laquelle le juge des référés a clos l'instruction

Considérant que :

1. Aux termes des dispositions de l'article L 593-11 du code de l'environnement, l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) est chargée d'autoriser la mise en service des installations nucléaires de base et de prononcer les décisions individuelles prévues par la réglementation des équipements sous pression spécialement conçus pour ces installations. Les dispositions du VI de l'article 20 du décret n° 2007-1557 du 2 novembre 2007 relatif aux installations nucléaires de base et au contrôle, en matière de sureté nucléaire, du transport de substances radioactives applicables aux demandes d'autorisation, applicables aux demandes d'autorisation de mise en service d'une installation nucléaire de base déposées avant le 1er avril 2019, prévoyaient qu'avant l'achèvement de la procédure de mise en service l'ASN peut " autoriser une mise en service partielle de l'installation correspondant à l'une des catégories d'opérations suivantes :1° réalisation d'essais particuliers de fonctionnement de l'installation nécessitant l'introduction de substances radioactives dans celles-ci ; 2° arrivée de combustible nucléaire dans le périmètre d'un réacteur à l'exclusion de tout chargement en combustible de ce réacteur. L'autorisation est accordée au vu d'un dossier établi par l'exploitant et comprenant les éléments pertinents des documents mentionnés au 1° et au 2° du II. L'autorisation définit les opérations autorisées. Elle peut être accordée pour une durée limitée. L'Autorité de sureté nucléaire peut demander que le dossier soit complété par une version du plan d'urgence interne correspondant à la situation de l'installation. (...) ".

2. La société EDF a déposé le 16 mars 2015, sur le fondement des dispositions précitées, une demande d'autorisation de mise en service de l'installation nucléaire de base (INB) Flamanville 3 ainsi qu'une demande d'autorisation de mise en service partielle de cette INB, pour l'arrivée de combustible nucléaire dans le périmètre de l'installation et la réalisation d'essais utilisant des gaz traceurs radioactifs. Les associations Réseau sortir du nucléaire, Greenpeace France, Comité de réflexion d'information et lutte anti-nucléaire et STOP EPR, ni à Penly ni ailleurs, demandent au juge des référés, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative de suspendre l'exécution de la décision n° 2020DC-0693 du 8 octobre 2020, par laquelle l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) a accordé à la société EDF les autorisations sollicitées.

3. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ".

4. Les associations requérantes soutiennent, en premier lieu, que l'ASN ne pouvait légalement retirer la décision tacite de refus qui serait née du délai écoulé entre la demande d'autorisation et son octroi, en deuxième lieu, que cette autorisation a été accordée à la suite d'une procédure irrégulière, en raison tant de l'absence de mise à jour de l'étude d'impact du projet ou d'un avis de l'autorité environnementale, que de l'absence, dans le dossier de demande d'autorisation, des avis des comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail des INB sur les modifications apportées au plan d'urgence interne, en troisième lieu, que l'autorisation litigieuse porte une atteinte excessive aux intérêts protégés par l'article L. 593-1 du code de l'environnement, alors même que la mise en service effective du réacteur pressurisé européen n'est pas certaine.

5. Aucun de ces moyens n'est, en l'état de l'instruction à laquelle il a été procédé, notamment des échanges qui ont eu lieu lors de l'audience tenue le 23 décembre 2020, propre à créer un doute sérieux sur la légalité de la décision du 8 octobre 2020 de l'Autorité de sûreté nucléaire. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la condition de l'urgence à suspendre l'exécution de la décision contestée et sans qu'il soit nécessaire d'examiner le bien-fondé de la question préjudicielle qu'elles demandent d'adresser à la Cour de justice de l'Union européenne, la requête des associations Réseau sortir du nucléaire, Greenpeace France, Comité de réflexion d'information et lutte anti-nucléaire et STOP EPR, ni à Penly ni ailleurs, doit être rejetée, y compris les conclusions qu'elles présentent au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées au titre des mêmes dispositions par la société EDF.

O R D O N N E :

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Article 1er : La requête des associations Réseau sortir du nucléaire, Greenpeace France, Comité de réflexion d'information et lutte anti-nucléaire et STOP EPR, ni à Penly ni ailleurs est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la société Electricité de France au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente ordonnance est notifiée à l'association Réseau sortir du nucléaire, première dénommée, à l'Autorité de sureté nucléaire et à la société Electricité de France.

Copie en sera adressée à la ministre de la transition écologique et solidaire.


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 447331
Date de la décision : 28/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 28 déc. 2020, n° 447331
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Avocat(s) : SCP PIWNICA, MOLINIE ; SCP WAQUET, FARGE, HAZAN

Origine de la décision
Date de l'import : 16/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2020:447331.20201228
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