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06/11/2020 | FRANCE | N°433940

France | France, Conseil d'État, 7ème - 2ème chambres réunies, 06 novembre 2020, 433940


Vu la procédure suivante :

La Mutuelle des architectes français et M. C... A... ont demandé au tribunal administratif de Toulouse de fixer définitivement le montant de la dette de ce dernier à l'égard de la communauté de communes Axe Sud, devenue la communauté d'agglomération du Muretain, à la suite du marché de construction d'une école de musique, de locaux administratifs et d'une cuisine centrale, et de condamner la communauté de communes à leur rembourser les sommes respectives de 28 350,29 euros à la Mutuelle des architectes français et de 907,79 euros à M. A..., as

sorties des intérêts légaux capitalisés. Par un jugement n° 1100971 du...

Vu la procédure suivante :

La Mutuelle des architectes français et M. C... A... ont demandé au tribunal administratif de Toulouse de fixer définitivement le montant de la dette de ce dernier à l'égard de la communauté de communes Axe Sud, devenue la communauté d'agglomération du Muretain, à la suite du marché de construction d'une école de musique, de locaux administratifs et d'une cuisine centrale, et de condamner la communauté de communes à leur rembourser les sommes respectives de 28 350,29 euros à la Mutuelle des architectes français et de 907,79 euros à M. A..., assorties des intérêts légaux capitalisés. Par un jugement n° 1100971 du 10 décembre 2015, le tribunal administratif de Toulouse a fixé le montant définitif des dettes respectives de M. A... et de la société Ingénierie Studio à l'égard de la communauté de communes Axe Sud à la somme de 7 950 euros TTC chacun et a rejeté le surplus des demandes des parties.

Par un arrêt n° 16BX00572 du 28 juin 2019, la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté l'appel formé par la communauté d'agglomération du Muretain contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 27 août et 6 novembre 2019 et 9 juin 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la communauté d'agglomération du Muretain demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge solidaire des défendeurs la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code des marchés publics ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Alexis Goin, auditeur,

- les conclusions de M. Marc Pichon de Vendeuil, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP L. Poulet, Odent, avocat de la communauté d'agglomération du Muretain, à la SCP Boulloche, avocat de la Mutuelle des architectes français, de M. A..., et de la société Ingénierie Studio, à la SCP Baraduc, Duhamel, Rameix, avocat de M. E... et de la société Allianz Iard, et à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la société Dekra Industrial ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la communauté de communes Axe Sud a entrepris en 2006 des travaux de construction d'une école de musique, de locaux administratifs et d'une cuisine centrale à Roques-sur-Garonne (Haute-Garonne). La maîtrise d'oeuvre a été confiée à un groupement conjoint composé de MM. A... et E..., architectes, et de la société Ingénierie Studio, le lot n° 1 " terrassement-gros oeuvre " a été attribué à la société Pailhé Frères et les travaux de voiries et réseaux divers ont été attribués, dans le cadre d'un marché distinct, à la société Sesen. Le contrôle technique de l'opération a été confié à la société Norisko Construction, aux droits de laquelle est venue la société Dekra Inspection, puis la société Dekra Industrial. A la suite de l'apparition de fissures sur les murs porteurs des trois bâtiments en juin 2007, la communauté de communes Axe Sud a engagé devant le tribunal administratif de Toulouse une procédure de référé tendant à l'allocation d'une provision au titre des désordres affectant les bâtiments. Par une ordonnance du 5 janvier 2011, confirmée par le juge des référés de la cour administrative d'appel de Bordeaux le 8 juin 2011, le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse a condamné solidairement MM. A... et E... et les sociétés Ingénierie Studio, Pailhé Frères, Norisko et Sesen à verser à la communauté de communes une provision de 158 000 euros. M. A... et la Mutuelle des architectes français ont alors demandé au tribunal administratif de Toulouse, sur le fondement de l'article R. 541-4 du code de justice administrative, de fixer le montant définitif de la dette de M. A.... M. E... et la compagnie Allianz, la société Ingénierie Studio et la société Dekra Inspection ont également demandé au tribunal de fixer le montant définitif de leurs dettes respectives et la communauté de communes Axe Sud a demandé, à titre reconventionnel, de condamner solidairement MM. A... et E... et les sociétés Ingénierie Studio, Pailhé Frères, Dekra Inspection et Sesen au paiement d'une indemnité complémentaire de 878 390 euros correspondant au coût de travaux de reprise complète des bâtiments en sous oeuvre. Par un jugement du 10 décembre 2015, le tribunal administratif de Toulouse a fixé le montant définitif des dettes respectives de M. A... et de la société Ingénierie Studio à l'égard de la communauté de communes Axe Sud à la somme de 7 950 euros TTC chacun, et rejeté le surplus des demandes des parties. Par l'arrêt attaqué du 28 juin 2019, la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté l'appel formé par la communauté de communes Axe Sud, devenue communauté d'agglomération du Muretain, contre ce jugement.

2. Aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Il peut, même d'office, subordonner le versement de la provision à la constitution d'une garantie ". L'article R. 541-4 du même code dispose : " Si le créancier n'a pas introduit de demande au fond dans les conditions de droit commun, la personne condamnée au paiement d'une provision peut saisir le juge du fond d'une requête tendant à la fixation définitive du montant de sa dette, dans un délai de deux mois à partir de la notification de la décision de provision rendue en première instance ou en appel ".

3. Les dispositions de l'article R. 541-4 du code de justice administrative citées au point précédent ouvrent à la personne condamnée par le juge des référés au paiement d'une provision la faculté de saisir, dans les conditions qu'elles fixent, le juge du fond d'une demande de fixation définitive du montant de sa dette. Il lui est loisible à cette occasion de demander tant une limitation de la condamnation mise à sa charge que d'être totalement déchargée de la condamnation mise à sa charge. Ces dispositions ne font pas obstacle à ce que, à l'occasion de la même instance, le juge du fond puisse être saisi par le créancier de conclusions reconventionnelles, sous réserve qu'elles ne soulèvent pas un litige distinct de celui au titre duquel le débiteur a été condamné, aucune disposition ni aucun principe n'imposant que le juge du fond saisi sur le fondement de l'article R. 541-4 du code de justice administrative ne puisse fixer définitivement le montant de la dette que dans les limites du litige qui a donné lieu à la demande de versement d'une provision.

4. Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que, pour rejeter comme irrecevables les conclusions reconventionnelles présentées par la communauté de communes Axe Sud, devenue communauté d'agglomération du Muretain, à l'encontre de M. A... et des autres intervenants à la construction des trois bâtiments situés à Roques-sur-Garonne, la cour administrative d'appel de Bordeaux a relevé que la fixation définitive du montant de la dette par le juge du fond ne pouvait se faire que dans les limites du litige qui avait donné lieu à la demande de versement d'une provision et que faute pour l'indemnité complémentaire demandée par la communauté d'agglomération par la voie de conclusions reconventionnelles d'avoir été soumise au juge des référés du tribunal administratif de Toulouse, cette demande ne pouvait être accueillie dans le cadre de l'instance ouverte par l'un des débiteurs de la provision sur le fondement de l'article R. 541-4 du code de justice administrative. Il résulte de ce qui a été dit au point précédent qu'en rejetant comme irrecevables, pour un tel motif, ces conclusions, alors qu'il lui appartenait seulement de vérifier si celles-ci, présentées au titre de désordres nés de l'exécution des mêmes travaux de construction, se rattachaient au même litige que celui soumis au juge des référés du tribunal administratif de Toulouse, la cour a commis une erreur de droit.

5. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen du pourvoi, que la communauté d'agglomération du Muretain est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque.

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de MM. A... et E..., de la Mutuelle des architectes français, de la société Allianz Iard, des sociétés Dekra Industrial, Ingénierie Studio et Seesen, et de Me D..., mandataire liquidateur de la société Pailhé Frères, la somme de 500 euros chacun à verser à la communauté d'agglomération du Muretain au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la communauté d'agglomération du Muretain qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt du 28 juin 2019 de la cour administrative d'appel de Bordeaux est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Bordeaux.

Article 3 : MM. A... et E..., la Mutuelle des architectes français, la société Allianz Iard, les sociétés Dekra Industrial, Ingénierie Studio et Sesen, et Me D..., mandataire liquidateur de la société Pailhé Frères, verseront chacun à la communauté d'agglomération du Muretain une somme de 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions présentées d'une part par la société Dekra Industrial, d'autre part par M. E... et la société Allianz Iard, enfin par M. A..., la Mutuelle des architectes français et la société Ingénierie Studio sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la communauté d'agglomération du Muretain, à M. C... A..., à M. B... E..., à la Mutuelle des architectes français, à la société Allianz Iard, à la société Dekra Industrial venant aux droits de la société Noriski Construction, à la société Ingénierie Studio et à Me D....

Copie en sera adressée à la société Sesen.


Synthèse
Formation : 7ème - 2ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 433940
Date de la décision : 06/11/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

54-03-015 PROCÉDURE. PROCÉDURES DE RÉFÉRÉ AUTRES QUE CELLES INSTITUÉES PAR LA LOI DU 30 JUIN 2000. RÉFÉRÉ-PROVISION. - PROCÉDURE DE FIXATION DÉFINITIVE DU MONTANT DE LA DETTE PAR LE JUGE DU FOND (ART. R. 541-4 DU CJA) - POSSIBILITÉ POUR LE CRÉANCIER DE FORMER À CETTE OCCASION DES CONCLUSIONS RECONVENTIONNELLES - EXISTENCE, À CONDITION DE NE PAS SOULEVER UN LITIGE DISTINCT.

54-03-015 L'article R. 541-4 du code de justice administrative (CJA) ouvre à la personne condamnée par le juge des référés au paiement d'une provision la faculté de saisir, dans les conditions qu'il fixe, le juge du fond d'une demande de fixation définitive du montant de sa dette. Il lui est loisible à cette occasion de demander tant une limitation de la condamnation mise à sa charge que d'être totalement déchargée de la condamnation mise à sa charge. Ces dispositions ne font pas obstacle à ce que, à l'occasion de la même instance, le juge du fond puisse être saisi par le créancier de conclusions reconventionnelles, sous réserve qu'elles ne soulèvent pas un litige distinct de celui au titre duquel le débiteur a été condamné, aucune disposition ni aucun principe n'imposant que le juge du fond saisi sur le fondement de l'article R. 541-4 du CJA ne puisse fixer définitivement le montant de la dette que dans les limites du litige qui a donné lieu à la demande de versement d'une provision.


Publications
Proposition de citation : CE, 06 nov. 2020, n° 433940
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Alexis Goin
Rapporteur public ?: M. Marc Pichon de Vendeuil
Avocat(s) : SCP L. POULET-ODENT ; SCP PIWNICA, MOLINIE ; SCP BARADUC, DUHAMEL, RAMEIX ; SCP BOULLOCHE

Origine de la décision
Date de l'import : 21/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2020:433940.20201106
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