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21/07/2020 | FRANCE | N°441955

France | France, Conseil d'État, 21 juillet 2020, 441955


Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 17 juillet 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'Association des utilisateurs et distributeurs de l'agrochimie européenne (AUDACE), la Coordination rurale Union nationale (CRUN), le GAEC La Sapinière et le GAEC de Kerguissec demandent au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) de suspendre l'exécution de la décision du 25 mai 2020 par laquelle le directeur général de l'alimentation a refusé d'abroger l'inst

ruction technique n° DGAL/SDSPA/2019-642 du 30 octobre 2019 et, en particu...

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 17 juillet 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'Association des utilisateurs et distributeurs de l'agrochimie européenne (AUDACE), la Coordination rurale Union nationale (CRUN), le GAEC La Sapinière et le GAEC de Kerguissec demandent au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) de suspendre l'exécution de la décision du 25 mai 2020 par laquelle le directeur général de l'alimentation a refusé d'abroger l'instruction technique n° DGAL/SDSPA/2019-642 du 30 octobre 2019 et, en particulier, l'article 6 du modèle de convention-cadre figurant en annexe n° 2 de cette instruction ;

2°) d'enjoindre au directeur général de l'alimentation de réexaminer, à la lumière des motifs de l'ordonnance à intervenir, la demande de l'association AUDACE tendant à l'abrogation de l'instruction technique n° DGAL/SDSPA/2019-642 du 30 octobre 2019, en particulier de l'article 6 du modèle de convention-cadre figurant en annexe n° 2 de cette instruction, dans un délai de 15 jours à compter de l'ordonnance à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- leur requête relève de la compétence du Conseil d'Etat en premier et dernier ressort ;

- elle est recevable dès lors que l'instruction technique litigieuse présente un caractère impératif, en particulier ses annexes n° 2 et n° 3 qui définissent des modèles de convention dont le contenu est obligatoire pour les acteurs concernés ;

- la condition d'urgence est satisfaite dès lors que le refus d'abroger l'instruction technique litigieuse, en particulier l'article 6 du modèle de convention-cadre de son annexe n° 2, préjudicie de manière grave et immédiate aux intérêts des éleveurs, défendus par l'association AUDACE, puisque, sur ce modèle, des conventions-cadres ont été conclues dans la région Provence-Alpes-Côte-D'azur et en Bretagne, respectivement en décembre 2019 et janvier 2020, avec pour effet de permettre aux groupements de défense sanitaire (GDS) de prendre des décisions de rétention des attestations sanitaires à délivrance anticipée (ASDA) ou des laisser-passer sanitaires (LPS) empêchant les éleveurs de faire circuler et de commercialiser les animaux dépourvus de documents sanitaires, ce qui entraîne pour eux des pertes et aggrave la situation conflictuelle née en Bretagne entre les GDS et les éleveurs ;

- il existe un doute sérieux sur la légalité de la décision attaquée ;

- en investissant les organismes délégataires du pouvoir de refuser la délivrance des ASDA ou LPS en cas de non-paiement des redevances, l'instruction technique du 30 octobre 2019 délègue à des personnes privées, non pas la réalisation d'une simple opération matérielle, mais une compétence normative de police administrative leur permettant de prendre des décisions individuelles défavorables, en méconnaissance des articles 31 et 138 du règlement (UE) 2017/625 du 15 mars 2017 et de l'article L. 201-13 du code rural et de la pêche maritime ;

- elle méconnaît les dispositions des articles 80 et 85 du règlement (UE) 2017/625 du 15 mars 2017 en ce qu'elle ne prévoit aucune procédure de consultation des acteurs concernés par les redevances dues en contrepartie de l'édiction, de l'impression et de la mise à disposition des documents sanitaires et d'autres documents de prophylaxie sur les modalités de calcul de ces dernières.

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- le règlement (UE) 2017/625 du 15 mars 2017 ;

- le code rural et de la pêche maritime ;

- le code de justice administrative ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ". En vertu de l'article L. 522-3 du même code, le juge des référés peut, par une ordonnance motivée, rejeter une requête sans instruction ni audience lorsque la condition d'urgence n'est pas remplie ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée.

2. Aux termes de l'article L. 201-13 du code rural et de la pêche maritime : " L'autorité administrative peut déléguer à des organismes à vocation sanitaire, à des organismes vétérinaires à vocation technique ou à des organismes ou catégories d'organismes présentant des garanties de compétence, d'indépendance et d'impartialité dont la liste est fixée par décret certaines tâches de contrôle officiel ou liées aux autres activités officielles conformément aux articles 28, 29 et 31 du règlement (UE) 2017/625 du Parlement européen et du Conseil du 15 mars 2017 concernant les contrôles officiels et les autres activités officielles servant à assurer le respect de la législation alimentaire et de la législation relative aux aliments pour animaux, ainsi que des règles relatives à la santé et au bien-être des animaux, à la santé des végétaux et aux produits phytopharmaceutiques, à l'exclusion de la recherche et de la constatation des infractions et du prononcé des décisions individuelles défavorables à leur destinataire. / Peuvent notamment être déléguées les tâches consistant à réaliser ou faire réaliser des prélèvements et consigner des produits ou des animaux, des végétaux, des produits végétaux et autres objets susceptibles de présenter un danger sanitaire ou de ne pas être conformes aux normes en vigueur, dans l'attente de l'intervention de l'autorité administrative (...) / L'acte de délégation indique si le délégataire peut facturer aux personnes soumises aux contrôles et autres activités déléguées le montant des prestations effectuées à leur bénéfice. / Un décret en Conseil d'Etat définit les conditions auxquelles doivent satisfaire les organismes délégataires, détermine la liste des actes qui peuvent être délégués et précise les conditions dans lesquelles les représentants des organismes délégataires exercent leurs missions. Il définit les modalités de ces délégations et de leur contrôle ".

3. Par une instruction technique n° DGAL/SDSPA/2019-642 du 30 octobre 2019, le directeur général de l'alimentation du ministère de l'agriculture a rappelé les règles régissant les délégations consenties en application de ces dispositions et défini, notamment, un modèle de convention-cadre relative à l'exécution de tâches déléguées pour les espèces animales de rente pour la période 2020-2024, à conclure entre les services de l'Etat et les organismes à vocation sanitaire.

4. Les requérants demandent au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, d'une part, de suspendre l'exécution de la décision du 25 mai 2020 par laquelle le directeur général de l'alimentation a refusé d'abroger cette instruction technique du 30 octobre 2019 et, en particulier, l'article 6 du modèle de convention-cadre figurant à son annexe n° 2, et, d'autre part, d'enjoindre au directeur général de l'alimentation de réexaminer la demande d'abrogation de cette instruction.

5. L'urgence justifie la suspension de l'exécution d'un acte administratif lorsque celui-ci porte atteinte de manière suffisamment grave et immédiate à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. Il appartient au juge des référés d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l'acte contesté sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue. L'urgence doit être appréciée objectivement et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'affaire.

6. Pour justifier de l'urgence à ordonner la suspension demandée, les requérants soutiennent que l'article 6 du modèle de convention-cadre figurant en annexe n° 2 de l'instruction technique du 30 octobre 2019, en ce qu'il prévoit l'insertion dans les conventions-cadres d'une clause en vertu de laquelle l'organisme à vocation sanitaire délégataire est autorisé, lorsque les détenteurs d'animaux n'ont pas acquitté les redevances qu'ils lui doivent, à ne pas leur transmettre les certificats et attestations sanitaires, porte aux intérêts, notamment financiers, des éleveurs un préjudice grave et immédiat.

7. Toutefois, les décisions de rétention des attestations sanitaires à délivrance anticipée (ASDA) ou des laisser-passer sanitaires (LPS) dont font état les requérants au soutien de leur argumentation, qui ont pour effet d'empêcher la circulation et la commercialisation des animaux concernés et entraînent des pertes pour les éleveurs, ne trouvent pas directement leur fondement dans les clauses du modèle de convention-cadre défini par l'instruction technique contestée mais procèdent de la mise en oeuvre des conventions de délégation qui ont été conclues conformément à ce modèle, notamment pour ce qui concerne la région Provence-Alpes-Côte-D'azur en décembre 2019 et la Bretagne en janvier 2020. L'abrogation de cette instruction n'aurait, par elle-même, pas pour effet de remettre en cause la mise en oeuvre des conventions déjà conclues. Par ailleurs et en tout état de cause, il n'est pas fait état par les requérants de la conclusion imminente d'autres conventions conformes au modèle-type prévu par l'instruction. Dans ces conditions, la condition d'urgence requise par l'article L. 521-1 du code de justice administrative ne peut être regardée comme satisfaite.

8. Il résulte de tout ce qui précède qu'il y a lieu de rejeter la requête de l'association AUDACE et autres, selon la procédure prévue par l'article L. 522-3 du code de justice administrative, y compris les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du même code.

O R D O N N E :

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Article 1er : La requête de l'association AUDACE et autres est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à l'Association des utilisateurs et distributeurs de l'agrochimie européenne, premier requérant dénommé.

Copie en sera adressée au ministre de l'agriculture et de l'alimentation.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 441955
Date de la décision : 21/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 21 jui. 2020, n° 441955
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Avocat(s) : SCP CELICE, TEXIDOR, PERIER

Origine de la décision
Date de l'import : 30/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2020:441955.20200721
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