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15/06/2020 | FRANCE | N°440850

France | France, Conseil d'État, 15 juin 2020, 440850


Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés le 26 mai et le 11 juin 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Fédération syndicaliste Force Ouvrière de la communication demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) de suspendre l'exécution de la décision du 29 avril 2020 relative aux modalités d'organisation à la distribution, livraison en ACP, PPDC, PDC à compter du 11 mai 2020 dans le cadre de l'épidémie de covid-19 ;<

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Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés le 26 mai et le 11 juin 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Fédération syndicaliste Force Ouvrière de la communication demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) de suspendre l'exécution de la décision du 29 avril 2020 relative aux modalités d'organisation à la distribution, livraison en ACP, PPDC, PDC à compter du 11 mai 2020 dans le cadre de l'épidémie de covid-19 ;

2°) d'enjoindre à La Poste de remettre en place toutes les organisations du travail qui découlaient des accords collectifs applicables antérieurement à l'intervention de la décision attaquée, dans un délai de 3 semaines et sous astreinte de 500 euros par jour de retard pour chaque service concerné.

Elle soutient que :

- le Conseil d'Etat est compétent, dès lors notamment que la décision attaquée, prise par une autorité nationale, est de nature réglementaire et à portée nationale ;

- la condition d'urgence est remplie en ce que, d'une part, la décision attaquée remettant en cause l'accord national du 7 février 2017 et les accords collectifs locaux de la branche Service-Courrier-Colis de La Poste, la suspension doit intervenir avant le 7 février 2021 pour ne pas être dépourvue d'effet utile et, d'autre part, en s'affranchissant de ses obligations contractuelles vis-à-vis des organisations syndicales signataires, la Poste a porté un trouble à l'ordre public qu'il importe de faire cesser le plus tôt possible ;

- il existe un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée ;

- la décision attaquée est entachée d'incompétence et d'un vice de forme dès lors qu'elle méconnaît les dispositions des articles 5 et 6 du décret n° 2010-191 du 26 février 2010 en ce que, en premier lieu, l'absence de signature empêche toute évaluation de la compétence de son auteur, voire frappe la décision d'inexistence, en deuxième lieu, la décision n'a pas été publiée et, en dernier lieu, La Poste ne pouvait prendre, en l'absence d'une négociation collective, une décision relative à l'organisation du temps de travail et aux conditions de travail, même pour les fonctionnaires, sans méconnaître les dispositions de l'article 31-2 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 ;

- elle est entachée d'un vice de procédure dès lors que ni le comité technique national ni la commission du dialogue social de La Poste n'ont été préalablement consultés sur le projet de décision ;

- elle méconnaît l'accord national du 7 février 2020 et les accords collectifs locaux de la branche Service-Courrier-Colis de La Poste, non dépourvus de caractère contraignant, dès lors qu'elle permet aux directeurs locaux de réorganiser les services, et notamment en ce qui concerne les tournées des facteurs ;

- elle ne peut être justifiée par la situation sanitaire dès lors que, d'une part, les mesures qu'elle prévoit ne répondent pas à la situation sanitaire et n'apportent pas de protections particulières concernant l'épidémie et, d'autre part, les ordonnances prises dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire prévoient uniquement la possibilité de repousser la fin des accords renouvelables arrivant à terme pendant la période, et non la faculté de ne pas respecter les conventions signées, la protection des clauses contractuelles revêtant le caractère d'un principe de valeur constitutionnelle ;

- elle n'est pas complètement exécutée et continuera, en particulier, de produire des effets juridiques jusqu'à la fin de l'accord national du 7 février 2017.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 juin 2020, La Poste conclut au rejet de la requête. Elle soutient que la requête n'est pas recevable, faute d'être dirigée contre une décision, qu'à supposer que la note du 29 avril 2020 soit qualifiée de décision, il s'agit d'un acte préparatoire, et que le signataire de la requête ne justifie en tout état de cause d'aucune qualité pour agir. Elle soutient également que la condition d'urgence n'est pas remplie et qu'aucun des moyens soulevés n'est de nature à créer un doute sérieux sur la légalité de la note du 29 avril 2020.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution ;

- le code de la santé publique ;

- la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 ;

- la loi n°2020-290 du 23 mars 2020 ;

- la loi n°2020-546 du 11 mai 2020 ;

- décret n° 2010-191 du 26 février 2010 ;

- le décret n°2020-260 du 16 mars 2020 ;

- le décret n°2020-293 du 23 mars 2020 ;

- le décret n°2020-545 du 11 mai 2020

- le code de justice administrative ;

Les parties ont été informées, sur le fondement de l'article 9 de l'ordonnance du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif, de ce qu'aucune audience ne se tiendrait et de ce que la clôture de l'instruction serait fixée le 12 juin 2020 à 19 heures.

Considérant ce qui suit :

1. L'article L. 511-1 du code de justice administrative dispose que : " Le juge des référés statue par des mesures qui présentent un caractère provisoire. Il n'est pas saisi du principal et se prononce dans les meilleurs délais Aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : "Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ".

Sur les circonstances :

2. L'émergence d'un nouveau coronavirus, de caractère pathogène et particulièrement contagieux, et sa propagation sur le territoire français a conduit le ministre des solidarités et de la santé à prendre, par plusieurs arrêtés à compter du 4 mars 2020, des mesures sur le fondement des dispositions de l'article L. 3131-1 du code de la santé publique. En particulier, par un arrêté du 14 mars 2020, un grand nombre d'établissements recevant du public ont été fermés au public, les rassemblements de plus de 100 personnes ont été interdits et l'accueil des enfants dans les établissements les recevant et les établissements scolaires et universitaires a été suspendu. Puis, par un décret du 16 mars 2020 motivé par les circonstances exceptionnelles découlant de l'épidémie de covid-19, modifié par décret du 19 mars, le Premier ministre a interdit le déplacement de toute personne hors de son domicile, sous réserve d'exceptions limitativement énumérées et devant être dûment justifiées, à compter du 17 mars à 12h, sans préjudice de mesures plus strictes susceptibles d'être ordonnées par le représentant de l'Etat dans le département. Le ministre des solidarités et de la santé a pris des mesures complémentaires par des arrêtés des 17, 19, 20, 21 mars 2020.

3. Par l'article 4 de la loi du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19, a été déclaré l'état d'urgence sanitaire pour une durée de deux mois sur l'ensemble du territoire national. Par un nouveau décret du 23 mars 2020 pris sur le fondement de l'article L. 3131-15 du code de la santé publique issu de la loi du 23 mars 2020, plusieurs fois modifié et complété depuis lors, le Premier ministre a réitéré les mesures précédemment ordonnées tout en leur apportant des précisions ou restrictions complémentaires. Leurs effets ont été prolongés par décret du 14 avril 2020. Par un décret n° 2020-545 du 11 mai 2020, pris sur le fondement de l'article L. 3131-15 du code de la santé publique issu de la loi du 23 mars 2020, applicable les 11 et 12 mai 2020, le Premier ministre a abrogé en grande partie le décret du 23 mars 2020 et édicté de nouvelles mesures générales pour faire face à l'épidémie de covid-19 dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire. Par le I de l'article 1er de la loi du 11 mai 2020 prorogeant l'état d'urgence sanitaire et complétant ses dispositions, l'état d'urgence sanitaire a été prorogé jusqu'au 10 juillet 2020 inclus. Par un décret n° 2020-548 du 11 mai 2020, le Premier ministre, a abrogé le décret n° 2020-545 du même jour, et prescrit, sur le fondement de la loi du 11 mai 2020 prorogeant l'état d'urgence sanitaire et complétant ses dispositions, les mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de covid-19 dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire.

Sur la demande en référé :

4. Pour faire face à l'épidémie de covid-19, La Poste a modifié les modalités de distribution et de livraison par une note du 29 avril 2020 relative aux modalités d'organisation à la distribution, livraison en ACP, PPDC, PDC à compter du 11 mai 2020 dans le cadre de l'épidémie de covid-19. La Fédération syndicaliste Force Ouvrière de la communication demande au juge des référés du Conseil d'Etat, sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution de cette note et d'enjoindre à La Poste de remettre en place toutes les organisations du travail telles qu'elles découlaient des accords collectifs applicables au moment où l'application de la décision attaquée les a modifiées, dans un délai de 3 semaines et sous astreinte de 500 euros par jour de retard pour chaque service concerné. Au soutien de sa requête, la fédération soutient notamment que la décision attaquée méconnaît les stipulations de l'accord collectif national du 7 février 2017, d'une durée de 4 ans non renouvelable, adopté par La Poste et les organisations syndicales en application de l'article 31-2 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990.

5. Pour établir l'urgence à suspendre la note contestée, la fédération requérante se borne uniquement à faire valoir qu'elle remet en cause l'accord national du 7 février 2017 et les accords collectifs locaux établis sur son fondement, que l'annulation de cette note par le juge du fond à une date postérieure au 7 février 2021 ne permettra pas à l'accord de revivre et que La Poste a méconnu ses obligations contractuelles vis-à-vis des organisations syndicales signataires et causé ce faisant un trouble à l'ordre public. Toutefois, l'illégalité invoquée de l'acte dont la suspension est demandée ne saurait par elle-même être de nature à caractériser une situation d'urgence. La fédération requérante ne fait état d'aucune circonstance particulière de nature à établir l'existence d'une situation d'urgence.

6. La requête de la Fédération syndicaliste Force Ouvrière de la communication doit par suite être rejetée.

O R D O N N E :

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Article 1er : La requête de la Fédération syndicaliste Force Ouvrière de la communication est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à la Fédération syndicaliste Force Ouvrière de la communication et à La Poste.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 440850
Date de la décision : 15/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 15 jui. 2020, n° 440850
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Avocat(s) : SCP SPINOSI, SUREAU

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2020:440850.20200615
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