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12/12/2019 | FRANCE | N°436215

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 12 décembre 2019, 436215


Vu la procédure suivante :

M. B... C... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Montreuil, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'ordonner la suspension de l'exécution de l'arrêté du 21 août 2019 portant obligation de quitter le territoire français ainsi que toutes mesures utiles en vue de mettre fin à sa rétention. Par une ordonnance n° 1912525 du 20 novembre 2019, le juge des référés du tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa requête.

Par une requête, enregistrée le 26 novembre 2019 au

secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. C... demande au juge des réfé...

Vu la procédure suivante :

M. B... C... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Montreuil, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'ordonner la suspension de l'exécution de l'arrêté du 21 août 2019 portant obligation de quitter le territoire français ainsi que toutes mesures utiles en vue de mettre fin à sa rétention. Par une ordonnance n° 1912525 du 20 novembre 2019, le juge des référés du tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa requête.

Par une requête, enregistrée le 26 novembre 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. C... demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :

1°) d'annuler l'ordonnance du 20 novembre 2019 ;

2°) d'ordonner la suspension de l'exécution de l'arrêté du 21 août 2019 ainsi que toutes mesures de nature à faire cesser les atteintes à sa liberté d'aller et venir et à sa sûreté ;

3°) en cas d'éloignement, d'ordonner à l'administration de prendre toutes les mesures nécessaires pour organiser dans les meilleurs délais et aux frais de l'Etat son retour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

5°) de mettre à sa disposition un interprète en arabe.

Il soutient que :

- sa requête est recevable dès lors qu'il existe des circonstances de droit ou de fait nouvelles ;

- la condition d'urgence est remplie dès lors que, d'une part, l'urgence est présumée pour une décision d'éloignement et, d'autre part, il est placé en rétention et peut faire à tout moment l'objet de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ;

- il est porté une atteinte grave et manifestement illégale à son droit d'asile en ce qu'il a fait l'objet d'un éloignement vers l'Algérie alors qu'il avait demandé l'asile en Allemagne ;

- c'est à tort que le juge des référés du tribunal administratif de Montreuil a estimé que M. A... C... et lui-même sont une seule et même personne ;

- la décision du préfet du Val-de-Marne porte une atteinte grave et manifestement illégale à sa liberté d'aller et venir et à son droit à la sûreté en mettant à exécution une obligation de quitter le territoire français qui ne le concerne pas personnellement ;

- l'ordonnance contestée est entachée d'une erreur de droit dès lors que l'annulation de la décision du 12 septembre 2019 ne saurait avoir pour effet de " faire revivre " la décision du 21 août 2019.

Par un mémoire en intervention et un nouveau mémoire, enregistrés les 5 et 6 décembre 2019, l'association La Cimade demande au juge des référés du Conseil d'Etat de faire droit aux conclusions de la requête d'appel de M. C....

Par un mémoire et un mémoire en défense, enregistrés le 6 décembre 2019, le ministre de l'intérieur fait savoir que M. C... a été éloigné le 26 novembre 2019 par un vol à destination d'Alger et conclut au rejet de la requête. Il soutient que la condition d'urgence n'est pas remplie et qu'il n'est porté aucune atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale.

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, M. C... et La Cimade et, d'autre part, le ministre de l'intérieur ;

Vu le procès-verbal de l'audience publique du 9 décembre 2019 à 14 heures 30 au cours de laquelle ont été entendus :

- Me Robillot, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de M. C... ;

- les représentantes du ministre de l'intérieur ;

- les représentants de La Cimade ;

et à l'issue de laquelle le juge des référés a clos l'instruction ;

Considérant ce qui suit :

1. La Cimade justifie d'un intérêt suffisant à l'annulation de l'ordonnance. Son intervention est, par suite, admise.

2. Aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures ".

3. Le requérant qui se présente comme étant M. B... C..., ressortissant algérien né le 12 décembre 1994, a fait l'objet, le 12 septembre 2019, à la suite d'un contrôle d'identité, d'une obligation de quitter le territoire français sans délai assortie d'une interdiction de retour de douze mois ainsi que d'un arrêté fixant le pays de destination adoptés par le préfet de police. Le même jour, il a été placé en rétention administrative au centre de rétention de Vincennes. Par un jugement du tribunal administratif de Paris du 23 septembre 2019, l'obligation de quitter le territoire et l'interdiction de retour du 12 septembre 2019 ont été annulées et M. B... C... a été remis en liberté. Le 3 novembre 2019, M. C... a été de nouveau placé en retenue pour vérifier son droit au séjour. Le jour même, le préfet du Val-de-Marne lui a notifié un arrêté le plaçant en rétention administrative en vue de son éloignement sur le fondement d'une obligation de quitter le territoire français du 21 août 2019 notifiée le 23 août 2019. Cette mesure de placement en rétention a été prolongée par une ordonnance du juge des libertés et de la détention du 5 novembre 2019 confirmée par la Cour d'appel de Paris le 7 novembre 2019. M. C... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Montreuil, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'ordonner la suspension de l'exécution de l'arrêté du 21 août 2019 ainsi que toutes mesures utiles en vue de mettre fin à sa rétention. Par une ordonnance n° 1912525 du 20 novembre 2019, le juge des référés du tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa requête. M. C... relève appel de cette ordonnance.

4. D'une part, il résulte de l'instruction que l'individu qui a fait l'objet de l'obligation de quitter le territoire français du 21 août 2019 a été placé en rétention administrative le 26 août suivant au centre du Mesnil-Amelot où il est resté jusqu'à son éloignement vers l'Algérie le 27 septembre 2019. Il en résulte que cette personne ne peut matériellement pas être la même que le requérant qui a fait l'objet de l'obligation de quitter le territoire français du 12 septembre 2019 dans les circonstances exposées au point 2, ainsi que le ministre de l'intérieur en a convenu lors de l'audience publique.

5. D'autre part, l'annulation par le jugement devenu définitif du tribunal administratif de Paris du 23 septembre 2019 de l'obligation de quitter le territoire français du 12 septembre 2019 et de l'interdiction de retour dont le requérant a fait l'objet est motivée par la circonstance que l'intéressé a déposé une demande d'asile en Allemagne le 18 mai 2019. Dans ces conditions et alors même que la décision annulée du 12 septembre 2019 portant obligation de quitter le territoire comporte la mention manuscrite suivante " S'étant : C... Aïssa né le 30/09/1990 à Oran ", la décision du préfet du Val-de-Marne du 3 novembre 2019 de placer le requérant en rétention et son éloignement vers l'Algérie auquel il a été procédé le 26 novembre 2019, juste après que l'intéressé ait formé le présent appel, sur le fondement d'une mesure qui ne pouvait pas matériellement le concerner porte à l'intéressé une atteinte grave et manifestement illégale à son droit d'asile explicitement invoquée lors de l'audience publique. En outre, cette situation révèle une urgence de la nature de celle qui justifie la mise en oeuvre des pouvoirs du juge des référés statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative.

6. Il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le juge des référés du tribunal administratif de Montreuil a rejeté la requête de M. C... et qu'il y a lieu d'ordonner à l'administration de prendre toutes les mesures nécessaires à son retour d'Algérie.

7. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

O R D O N N E :

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Article 1er : L'intervention de La Cimade est admise.

Article 2 : L'ordonnance n° 1912525 du 20 novembre 2019 est annulée.

Article 3 : Il est ordonné au ministre de l'intérieur de prendre toutes mesures nécessaires au retour en France de M. C....

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête présenté au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative est rejeté.

Article 5 : La présente ordonnance sera notifiée à M. B... C... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée à La Cimade.


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 436215
Date de la décision : 12/12/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 12 déc. 2019, n° 436215
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Avocat(s) : SCP POTIER DE LA VARDE, BUK LAMENT, ROBILLOT

Origine de la décision
Date de l'import : 28/01/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2019:436215.20191212
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