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27/09/2019 | FRANCE | N°434330

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 27 septembre 2019, 434330


Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 6 septembre 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le conseil départemental des Bouches-du-Rhône de l'ordre des médecins demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) de suspendre l'exécution de la décision du 11 juin 2019 par laquelle la formation restreinte du Conseil national de l'ordre des médecins a, d'une part, annulé les décisions du 5 novembre 2018 et du 7 février 2019 par lesquelles le conseil

départemental des Bouches-du-Rhône de l'ordre des médecins et le conseil rég...

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 6 septembre 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le conseil départemental des Bouches-du-Rhône de l'ordre des médecins demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) de suspendre l'exécution de la décision du 11 juin 2019 par laquelle la formation restreinte du Conseil national de l'ordre des médecins a, d'une part, annulé les décisions du 5 novembre 2018 et du 7 février 2019 par lesquelles le conseil départemental des Bouches-du-Rhône de l'ordre des médecins et le conseil régional de Provence-Alpes-Côte d'Azur de l'ordre des médecins ont rejeté la demande d'inscription de M. A... B... au tableau de l'ordre des médecins des Bouches-du-Rhône et, d'autre part, prononcé l'inscription de M. A... B... au tableau de l'ordre des médecins des Bouches-du-Rhône ;

2°) de mettre à la charge de M. A... B... le versement d'une somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la condition d'urgence est remplie dès lors que l'exécution de la décision du 11 juin 2019 de la formation restreinte du Conseil national de l'ordre des médecins, en ce qu'elle inscrit le docteur El B... au tableau du conseil départemental des Bouches-du-Rhône, en médecine générale, préjudicie de manière grave et immédiate à l'intérêt général qui s'attache au respect des exigences de la santé publique et à la sauvegarde des intérêts des patients, au regard de l'insuffisance professionnelle du docteur El B... ;

- il existe un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée ;

- elle a été prise au terme d'une procédure irrégulière dès lors qu'il ne ressort pas de l'instruction que l'ensemble des membres de la formation restreinte a été convoqué à la séance du 11 juin 2019 dans un délai suffisant et qu'ils ont tous été informé de l'ordre du jour ;

- la formation restreinte du Conseil national de l'ordre des médecins a entaché sa décision d'une erreur de droit et d'une erreur d'appréciation en estimant que l'existence d'une insuffisance professionnelle rendant dangereux l'exercice de la médecine de la part du docteur El B... ne pouvait être établie, au motif que les experts mettaient en cause moins ses compétences proprement dites qu'un certain défaut d'assurance dans les démarches ;

- la formation restreinte du Conseil national de l'ordre des médecins a dénaturé les pièces du dossier en estimant à tort qu'aucune des pièces du dossier ne permettait d'établir l'existence d'une insuffisance professionnelle, alors que le rapport d'expertise réalisé le 12 février 2019 conclut à un défaut partiel des compétences nécessaires à l'exercice de la médecine générale en France en 2019 de la part du docteur El B....

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 septembre 2019, M. A... B... conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge du conseil départemental de l'ordre des médecins des Bouches-du-Rhône la somme de 3 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que la condition d'urgence n'est pas remplie et qu'aucun des moyens soulevés n'est propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 septembre 2019, le Conseil national de l'ordre des médecins conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge du conseil départemental de l'ordre des médecins des Bouches-du-Rhône la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient qu'aucun des moyens soulevés n'est propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée.

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, le conseil départemental des Bouches-du-Rhône de l'ordre des médecins, d'autre part, le Conseil national de l'ordre des médecins et M. A... B... ;

Vu le procès-verbal de l'audience publique du 24 septembre 2019 à 10 heures au cours de laquelle ont été entendus :

- Me Thiriez, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat du conseil départemental des Bouches-du-Rhône de l'ordre des médecins ;

- la représentante du conseil départemental des Bouches-du-Rhône de l'ordre des médecins ;

- Me Richard, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de M. A... B... ;

- M. A... B... ;

- Me Poupot, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat du Conseil national de l'ordre des médecins ;

- les représentants du Conseil national de l'ordre des médecins ;

et à l'issue de laquelle le juge des référés a clos l'instruction ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ".

2. Le docteur Gabriel El B..., a sollicité, en janvier 2018, son inscription au tableau de l'Ordre des médecins des Bouches-du-Rhône en qualité de médecin généraliste. Le 5 février 2018, le conseil départemental des Bouches-du-Rhône de l'ordre des médecins a décidé de saisir la formation restreinte du conseil régional de Provence-Alpes-Côte d'Azur de l'ordre des médecins afin qu'elle diligente une expertise relative au contrôle de sa compétence professionnelle. Au terme de cette procédure, le 5 novembre 2018, le conseil départemental des Bouches-du-Rhône a refusé l'inscription sollicitée par M. A... B... et, par une décision du 7 février 2019, le conseil régional de Provence-Alpes-Côte d'Azur a confirmé ce refus. Par une décision du 11 juin 2019, la formation restreinte du Conseil national de l'ordre des médecins a annulé ces deux décisions et autorisé l'inscription de M. A... B... au tableau de l'ordre des médecins des Bouches-du-Rhône, en médecine générale. Par la présente requête, le conseil départemental des Bouches-du-Rhône de l'ordre des médecins demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution de la décision du 11 juin 2019.

3. Aux termes de l'article L. 4112-1 du code de la santé publique : " Les médecins (...) qui exercent dans un département sont inscrits sur un tableau établi et tenu à jour par le conseil départemental de l'ordre dont ils relèvent. (...) / Nul ne peut être inscrit sur ce tableau s'il ne remplit pas les conditions requises par le présent titre et notamment les conditions nécessaires de moralité, d'indépendance et de compétence ". Aux termes de l'article L. 4112-3 du même code : " Le conseil départemental de l'ordre statue sur la demande d'inscription au tableau dans un délai maximum de trois mois à compter de la réception de la demande, accompagnée d'un dossier complet. / Les modalités selon lesquelles le conseil départemental vérifie que l'intéressé ne présente pas d'insuffisance professionnelle, d'infirmité ou d'état pathologique rendant dangereux l'exercice de la profession sont prévues par décret en Conseil d'Etat ". Aux termes de l'article R. 4112-2 du même code : " I. A la réception de la demande, le président du conseil départemental désigne un rapporteur parmi les membres du conseil. Ce rapporteur procède à l'instruction de la demande et fait un rapport écrit. Le conseil vérifie les titres du candidat et demande communication du bulletin n° 2 du casier judiciaire de l'intéressé. Il refuse l'inscription si le demandeur est dans l'un des trois cas suivants : [...] /2° Il est établi, dans les conditions fixées au II, qu'il ne remplit pas les conditions nécessaires de compétence ; [...] II. En cas de doute sérieux sur la compétence professionnelle du demandeur, le conseil départemental saisit, par une décision non susceptible de recours, le conseil régional ou interrégional qui diligente une expertise. Le rapport d'expertise est établi dans les conditions prévues aux II, III, IV, VI et VII de l'article R. 4124-3-5 et il est transmis au conseil départemental. S'il est constaté, au vu du rapport d'expertise, une insuffisance professionnelle rendant dangereux l'exercice de la profession, le conseil départemental refuse l'inscription et précise les obligations de formation du praticien. La notification de cette décision mentionne qu'une nouvelle demande d'inscription ne pourra être acceptée sans que le praticien ait au préalable justifié avoir rempli les obligations de formation fixées par la décision du conseil départemental. ".

4. Pour justifier l'existence d'une situation d'urgence impliquant la suspension de l'exécution de la décision du 11 juin 2019 du Conseil national de l'ordre des médecins, le conseil départemental des Bouches-du-Rhône de l'ordre des médecins fait valoir que l'exercice de la médecine générale par M. A... B..., permise par cette décision, présente un danger pour ses patients en raison de l'insuffisance professionnelle révélée notamment par les rapports d'expertise diligentés à l'occasion de l'instruction de sa demande d'inscription. Toutefois, il résulte de l'instruction que M. A... B..., qui dispose d'une autorisation de plein exercice de son art en France depuis le 20 mars 2000, a exercé la médecine générale jusqu'en 2012. Après avoir suspendu son activité en France entre 2012 et 2016 pour exercer en qualité de médecin biologiste en Algérie, il a repris une activité de médecine générale en France à compter de février 2016, au bénéfice de son inscription au tableau de l'ordre des médecins d'Yvelines du 14 février 2007, mise à jour le 9 juin 2016. Il n'est pas contesté que M. A... B... a, pendant cette dernière période, assuré 99 jours de remplacement en 2016, 65 jours en 2017 et 7 jours en 2018, soit selon son décompte près de 3700 consultations, sans qu'aucune plainte n'ait été formulée à son encontre à l'occasion de cette activité. Dès lors, et compte tenu des éléments en cause relatifs à la question de la compétence professionnelle de l'intéressé, qui ne révèlent pas un danger immédiat pour les patients, la condition d'urgence exigée par l'article L. 521-1 du code de justice administrative n'est pas remplie. Il y a lieu, par suite, de rejeter la requête du conseil départemental des Bouches-du-Rhône, y compris les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

5. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge du conseil départemental des Bouches-du-Rhône de l'ordre des médecins la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

O R D O N N E :

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Article 1er : La requête du conseil départemental des Bouches-du-Rhône de l'ordre des médecins est rejetée.

Article 2 : Le conseil départemental des Bouches-du-Rhône de l'ordre des médecins versera au Conseil national de l'ordre des médecins et à M. A... B... la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée au conseil départemental des Bouches-du-Rhône de l'ordre des médecins, au Conseil national de l'ordre des médecins et à M. C... A... B....


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 434330
Date de la décision : 27/09/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 27 sep. 2019, n° 434330
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Avocat(s) : SCP LYON-CAEN, THIRIEZ ; SCP MATUCHANSKY, POUPOT, VALDELIEVRE ; SCP RICHARD

Origine de la décision
Date de l'import : 15/10/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2019:434330.20190927
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