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05/07/2019 | FRANCE | N°431911

France | France, Conseil d'État, 05 juillet 2019, 431911


Vu la procédure suivante :

La SARL Ette a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Grenoble, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, à titre principal, de suspendre l'exécution de la décision du préfet de l'Isère du 27 mai 2019 prononçant la fermeture administrative du débit de boissons " Bistrot Colette " pour une durée de deux mois, et, à titre subsidiaire, de réduire la durée de fermeture de deux mois à de plus justes proportions. Par une ordonnance n° 1903827 du 14 juin 2019, le juge des référés du tribu

nal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Par une requête, enreg...

Vu la procédure suivante :

La SARL Ette a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Grenoble, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, à titre principal, de suspendre l'exécution de la décision du préfet de l'Isère du 27 mai 2019 prononçant la fermeture administrative du débit de boissons " Bistrot Colette " pour une durée de deux mois, et, à titre subsidiaire, de réduire la durée de fermeture de deux mois à de plus justes proportions. Par une ordonnance n° 1903827 du 14 juin 2019, le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Par une requête, enregistrée le 24 juin 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la SARL Ette demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) de faire droit à sa demande de première instance tendant à ce qu'il soit enjoint de suspendre l'exécution de la décision du préfet de l'Isère du 27 mai 2019 prononçant la fermeture administrative du débit de boissons " Bistrot Colette " pour une durée de deux mois ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la condition d'urgence est remplie dès lors que la fermeture de l'établissement pour une durée de deux mois est susceptible d'avoir des conséquences extrêmement graves sur la situation économique et financière de la SARL Ette et de ses salariés ;

- le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble n'a pas tiré les conséquences de ses constatations relatives à l'absence de signe d'ivresse manifeste du client en cause ;

- l'ordonnance contestée porte une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté du commerce et de l'industrie ;

- elle est fondée sur des faits dont la matérialité n'est pas établie ;

- la fermeture administrative de son établissement pour une durée de deux mois est disproportionnée eu égard à la nature de l'établissement en cause qui accueille essentiellement une clientèle familiale et dont le fonctionnement n'a jamais provoqué aucun trouble à l'ordre public.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures. ". En vertu de l'article L. 522-3 du même code, le juge des référés peut, par une ordonnance motivée, rejeter une requête sans instruction ni audience lorsque la condition d'urgence n'est pas remplie ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée. A cet égard, il appartient au juge d'appel de prendre en considération les éléments recueillis par le juge du premier degré dans le cadre de la procédure écrite et orale qu'il a diligentée.

2. Aux termes de l'article L. 3332-15 du code de la santé publique : " 1. La fermeture des débits de boissons et des restaurants peut être ordonnée par le représentant de l'Etat dans le département pour une durée n'excédant pas six mois, à la suite d'infractions aux lois et règlements relatifs à ces établissements... ". Aux termes de l'article R. 3353-2 du même code : " Le fait pour les débitants de boissons de donner à boire à des gens manifestement ivres ou de les recevoir dans leurs établissements est puni de l'amende prévue pour les contraventions de la 4e classe. ".

3. Par un arrêté du 27 mai 2019, le préfet de l'Isère a prononcé, sur le fondement des dispositions du premier alinéa de l'article L. 3332-15, la fermeture administrative pour une durée de deux mois de l'établissement dénommé " Bistrot Colette " que la SARL Ette exploite à Villefontaine, au motif qu'un client qui avait consommé d'importantes quantités d'alcool dans l'établissement avait, quelques minutes après son départ, été à l'origine d'un très grave accident de la route occasionnant la mort du couple dont il avait percuté le véhicule, que le taux d'alcool relevé sur l'intéressé après l'accident était de 2,54 grammes par litre de sang, que le gérant ne contestait pas que la consommation d'alcool avait eu lieu au sein de son établissement et que, dès lors qu'il lui avait servi trois litres de bière, l'établissement ne pouvait ignorer que ce client était en état d'ivresse manifeste. La SARL Ette a alors demandé au juge des référés du tribunal administratif de Grenoble, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution de cet arrêté ou, à titre subsidiaire, de réduire la durée de fermeture imposée. Par une ordonnance du 14 juin 2019, le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa requête. La SARL Ette relève appel de cette ordonnance.

4. Pour rejeter la demande de suspension dont il était saisi, le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble a relevé que, s'il ne ressortait pas des fiches de recherche de l'état alcoolique de l'auteur de l'accident que ce dernier aurait présenté les signes de l'ivresse manifeste, il résultait de l'instruction que la prise de sang avait révélé un taux d'alcoolémie de 2,4 grammes d'alcool par litre de sang et qu'au cours des six heures que le client avait passé dans l'établissement, il avait consommé de fortes quantités d'alcool ayant admis, avant de se rétracter, avoir consommé six pintes de bière. Il a estimé que ces seuls faits révélaient, quelle qu'ait pu être l'apparence du comportement de ce client, une excessive consommation de boissons alcoolisées servies dans l'établissement. Il en a déduit qu'aucune atteinte grave et manifestement illégale à la liberté du commerce n'était démontrée. La SARL Ette n'apporte en appel aucun élément nouveau de nature à infirmer l'appréciation ainsi portée par le juge des référés de première instance.

5. Il résulte de ce qui précède qu'il est manifeste que l'appel de la SARL Ette ne peut être accueilli. Il y a donc lieu de rejeter sa requête, y compris les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, selon la procédure prévue par l'article L. 522-3 de ce code.

O R D O N N E :

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Article 1er : La requête de la SARL Ette est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à la SARL Ette.

Copie en sera adressée à la ministre des solidarités et de la santé.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 431911
Date de la décision : 05/07/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 05 jui. 2019, n° 431911
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Avocat(s) : SCP NICOLAY, DE LANOUVELLE, HANNOTIN

Origine de la décision
Date de l'import : 16/07/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2019:431911.20190705
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