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24/04/2019 | FRANCE | N°405793

France | France, Conseil d'État, 6ème et 5ème chambres réunies, 24 avril 2019, 405793


Vu les procédures suivantes :

1° Sous le n° 405793, par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés le 7 décembre 2016 et le 9 mars 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Confédération générale du travail demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'article 3 du décret n° 2016-1359 du 11 octobre 2016 relatif à la désignation des conseillers prud'hommes ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Sous le n° 405919, par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en répli...

Vu les procédures suivantes :

1° Sous le n° 405793, par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés le 7 décembre 2016 et le 9 mars 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Confédération générale du travail demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'article 3 du décret n° 2016-1359 du 11 octobre 2016 relatif à la désignation des conseillers prud'hommes ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

2° Sous le n° 405919, par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 13 décembre 2016, 13 mars 2017 et 9 mars 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'Union syndicale Solidaires demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2016-1359 du 11 octobre 2016 relatif à la désignation des conseillers prud'hommes ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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3° Sous le n° 410459, par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 11 mai et 23 février 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Confédération des petites et moyennes entreprises demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 5 mai 2017 portant attribution des sièges de conseillers prud'hommes et calendrier de dépôt des candidatures à la fonction de conseiller prud'homme pour le mandat prud'homal 2018-2021 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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4° Sous le n° 410773, par une requête, un nouveau mémoire et deux mémoires en réplique, enregistrés les 22 mai, 7 août, 27 septembre et 20 novembre 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'Union générale des travailleurs de Guadeloupe (UGTG) demande au Conseil d'Etat :

1°) à titre principal, d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 5 mai 2017 portant attribution des sièges de conseillers prud'hommes et calendrier de dépôt des candidatures à la fonction de conseiller prud'homme pour le mandat prud'homal 2018-2021 ;

2°) à titre subsidiaire, d'annuler le courrier du 18 juillet 2017 du directeur général du travail portant diminution du nombre de sièges attribués à l'UGTG aux conseils de prud'hommes de Guadeloupe ;

3°) à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise aux fins de revoir les calculs de répartition des sièges dans les conseils de prud'hommes de Basse-Terre et de Pointe-à-Pitre et d'ordonner de surseoir au processus de désignation des conseillers de ces conseils de prud'hommes ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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5° Sous le n° 410841, par une requête, un mémoire rectificatif et deux mémoires en réplique, enregistrés les 24 mai, 31 mai, et 15 décembre 2017 et le 23 février 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Chambre nationale des professions libérales (CNPL) demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 5 mai 2017 portant attribution des sièges de conseillers prud'hommes et calendrier de dépôt des candidatures à la fonction de conseiller prud'homme pour le mandat prud'homal 2018-2021 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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6° Sous le n° 410878, par une requête sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 25 mai et 25 août 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Coordination nationale des indépendants (CNDI) demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 5 mai 2017 portant attribution des sièges de conseillers prud'hommes et calendrier de dépôt des candidatures à la fonction de conseiller prud'homme pour le mandat prud'homal 2018-2021 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

....................................................................................

7° Sous le n° 410879, par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 24 mai et 8 juin 2017 et le 16 janvier 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le Syndicat des travailleurs corses et l'Union syndicale Langile Abertzaleen Batzordeak demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 5 mai 2017 portant attribution des sièges de conseillers prud'hommes et calendrier de dépôt des candidatures à la fonction de conseiller prud'homme pour le mandat prud'homal 2018-2021 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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8° Sous le n° 410881, par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et deux mémoires en réplique, enregistrés les 24 mai et 8 juin 2017, le 9 mars 2018 et le 18 février 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'Union syndicale Solidaires (USS) demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 5 mai 2017 portant attribution des sièges de conseillers prud'hommes et calendrier de dépôt des candidatures à la fonction de conseiller prud'homme pour le mandat prud'homal 2018-2021 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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9° Sous le n° 410894, par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 24 mai et 3 octobre 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'union départementale CGT de la Corse du Sud demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 5 mai 2017 portant attribution des sièges de conseillers prud'hommes et calendrier de dépôt des candidatures à la fonction de conseiller prud'homme pour le mandat prud'homal 2018-2021 en tant qu'il répartit entre les organisations syndicales les sièges de la section commerce du collège salariés du conseil des prud'hommes d'Ajaccio ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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10° Sous le n° 410895, par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés le 26 mai 2017 et le 9 mars 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'Union des employeurs de l'économie sociale et solidaire demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 5 mai 2017 portant attribution des sièges de conseillers prud'hommes et calendrier de dépôt des candidatures à la fonction de conseiller prud'homme pour le mandat prud'homal 2018-2021 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code du travail ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code rural ;

- la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 ;

- la loi n° 2014 288 du 5 mars 2014 ;

- la loi n° 2014 1528 du 18 décembre 2014 ;

- la loi n° 2016 925 du 7 juillet 2016 ;

- la loi n° 2016 1088 du 8 août 2016 ;

- l'ordonnance n° 2016 388 du 31 mars 2016 ;

- le décret n° 2015-654 du 10 juin 2015 ;

- le décret n° 2016 1419 du 20 octobre 2016 ;

- la décision n° 2014-704 DC du 11 décembre 2014 du Conseil constitutionnel ;

- la décision du 7 juin 2017 par laquelle le Conseil d'Etat statuant au contentieux n'a pas renvoyé au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par l'Union syndicale Solidaires ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Laure Durand-Viel, auditeur,

- les conclusions de M. Louis Dutheillet de Lamothe, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Didier, Pinet, avocat de la Confédération générale du travail, à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de l'Union syndicale Solidaires et du Syndicat des travailleurs corses et autre, à Me Le Prado, avocat de la Confédération des petites et moyennes entreprises et autres ainsi que de la Chambre nationale des professions libérales, à la SCP Thouin-Palat, Boucard avocat de l'Union des entreprises de proximité, et à la SCP Gaschignard, avocat de l'Union des employeurs de l'économie sociale et solidaire.

1. Par la loi du 18 décembre 2014 relative à la désignation des conseillers prud'hommes, le Parlement a autorisé le Gouvernement à prendre par ordonnances les dispositions relevant du domaine de la loi organisant la désignation des conseillers prud'hommes afin qu'ils soient désormais désignés non plus sur la base d'une élection directe, ainsi que cela résultait du régime issue de la loi du 18 janvier 1979 portant modification des dispositions du titre 1er du livre V du code du travail relatives aux conseils de prud'hommes, mais sur proposition des organisations syndicales de salariés d'une part et des organisations professionnelles d'employeurs de l'autre, " en fonction de l'audience des organisations syndicales de salariés définie au 5° de l'article L. 2121-1 du code du travail et de celle des organisations professionnelles d'employeurs définie au 6° de l'article L. 2151-1 du même code ". Par une ordonnance du 31 mars 2016 relative à la désignation des conseillers prud'hommes, le Gouvernement a fixé ces règles au chapitre Ier du titre IV du livre IV de la première partie de la partie législative du code du travail, l'article L. 1441-1 prévoyant que les conseillers prud'hommes sont nommés tous les quatre ans par un arrêté conjoint des ministres de la justice et du travail sur proposition des organisations syndicales et professionnelles représentatives, l'article L. 1441-3 renvoyant à un décret en Conseil d'Etat le soin de déterminer les conditions d'application. Le décret du 11 octobre 2016 relatif à la désignation des conseillers prud'hommes et l'arrêté du 5 mai 2017 portant attribution des sièges de conseillers prud'hommes et calendrier de dépôt des candidatures à la fonction de conseiller prud'homme pour le mandat prud'homal 2018-2021, arrêté qui a fait l'objet d'un arrêté rectificatif le 2 août 2017, ont été pris en application de ces dispositions. La Confédération générale du travail, sous le n° 405793, et l'Union syndicale Solidaires, sous le n° 405919, demandent l'annulation pour excès de pouvoir de ce décret. L'Union générale des travailleurs de Guadeloupe, sous le n° 410773, le Syndicat des travailleurs corses et autre, sous le n° 410879, l'Union départementale CGT de la Corse du Sud, sous le n° 410894 et l'Union syndicale Solidaires, sous le n° 410881, demandent l'annulation pour excès de pouvoir de l'arrêté du 5 mai 2017 en tant qu'il est relatif à l'attribution des sièges de conseillers prud'hommes pour le collège des salariés. La Confédération des petites et moyennes entreprises, sous le n° 410459, la Chambre nationale des professions libérales, sous le n° 410841, la Coordination nationale des indépendants, sous le n° 410878, et l'Union des employeurs de l'économie sociale et solidaire, sous le n° 410895, demandent l'annulation pour excès de pouvoir de ce même arrêté du 5 mai 2017 en tant qu'il fixe la répartition des sièges pour le collège des employeurs et le calendrier de dépôt des candidatures à la fonction de conseiller prud'homme. Ces requêtes posant des questions similaires, il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision.

2. Si le ministre chargé du travail soutient qu'il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions dirigées contre l'arrêté du 5 mai 2017 dans la mesure où l'arrêté du 2 août 2017 s'y est entièrement substitué, il ne ressort pas des pièces des dossiers que l'arrêté du 5 mai 2017 n'aurait reçu aucune exécution. Par conséquent ces conclusions ont gardé leur objet et il y a lieu d'y statuer.

Sur la requête n° 405793 de la Confédération générale du travail dirigée contre le décret :

3. D'une part, aux termes de l'article L. 1441-2 du code du travail : " Les conseillers prud'hommes sont nommés durant l'année suivant chaque cycle de mesure de l'audience syndicale définie au 5° de l'article L. 2121-1 pour le collège des salariés (...). " Aux termes de l'article L. 1441-4 du même code : " Le garde des sceaux, ministre de la justice, et le ministre chargé du travail arrêtent le nombre de sièges attribués pour la durée du mandat aux organisations syndicales et professionnelles par conseil de prud'hommes, collège et section, en fonction du nombre de conseillers défini à l'article L. 1423-2 et, pour les organisations syndicales de salariés, des suffrages obtenus au niveau départemental par chaque organisation dans le cadre de la mesure de l'audience définie au 5° de l'article L. 2121-1 (...) ". Le 5° de cet article L. 2121-1 du code du travail précise selon quels critères doit être mesurée l'audience des organisations syndicales suivant le niveau de négociation concerné et renvoie à cette fin aux dispositions des articles L. 2122-1, L. 2122-5, L. 2122-6, L. 2122-9 de ce même code, qui fixent respectivement ces critères au niveau de l'entreprise ou de l'établissement, au niveau de la branche professionnelle ainsi qu'au niveau national et interprofessionnel. L'article L. 2122-9 du code du travail, relatif à l'appréciation de la représentativité des organisations syndicales au niveau national et interprofessionnel, prévoit, notamment, qu'elle s'effectue en se fondant sur les " suffrages exprimés résultant de l'addition au niveau national et interprofessionnel des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections des titulaires aux comités sociaux et économiques, quel que soit le nombre de votants, des suffrages exprimés au scrutin concernant les entreprises de moins de onze salariés dans les conditions prévues aux articles L. 2122-10-1 et suivants ainsi que des suffrages exprimés aux élections des membres représentant les salariés aux chambres départementales d'agriculture dans les conditions prévues à l'article L. 2122-6 ".

4. D'autre part, l'article L. 1423-1 du code du travail prévoit que chaque conseil de prud'hommes est divisé en sections, l'article L. 1423-1-1 du même code précisant que " les affaires sont réparties entre les sections du conseil des prud'hommes au regard du champ d'application de la convention ou de l'accord collectif de travail dont le salarié partie au litige relève ". Aux termes de l'article L. 1423-1-2 du code du travail, " Relèvent de la section de l'encadrement les affaires dont le salarié partie au litige relève des catégories suivantes : / 1° Les ingénieurs ainsi que les salariés qui, même s'ils n'exercent pas de commandement, ont une formation équivalente constatée ou non par un diplôme ; / 2° Les salariés qui, ayant acquis une formation technique, administrative, juridique, commerciale ou financière, exercent un commandement par délégation de l'employeur ; / 3° Les agents de maîtrise qui ont une délégation écrite de commandement ; / 4° Les voyageurs, représentants ou placiers ". L'article R. 1441-4 du même code, issu du décret attaqué, prévoit que " Pour la section de l'encadrement, sont pris en compte les suffrages exprimés aux élections professionnelles mentionnées à l'article L. 2122-9 dans les collèges dans lesquels seuls des personnels relevant de la section de l'encadrement définie à l'article L. 1423-1-2 sont amenés à s'exprimer, ainsi que les suffrages exprimés dans le collège "cadres" mentionné à l'article L. 2122-10-4 ", ce dernier collège étant établi dans les entreprises de moins de onze salariés. L'organisation syndicale requérante conteste cette disposition du décret attaqué en soutenant qu'elle conduit à restreindre illégalement, s'agissant de la désignation des conseillers prud'hommes à la section de l'encadrement, les résultats qu'il convient de prendre en compte pour mesurer l'audience des organisations syndicales.

5. En premier lieu, si l'entrée en vigueur des dispositions de l'article L. 1423-1-2 du code du travail, issu de l'ordonnance du 31 mars 2016, relatives à l'attribution des litiges au sein des conseils de prud'hommes a été fixée au 1er janvier 2018, le pouvoir réglementaire pouvait sans erreur de droit et sans méconnaître l'étendue de sa compétence se référer, pour déterminer le mode de désignation des conseillers prud'hommes, à la définition de la section de l'encadrement retenue par cet article.

6. En deuxième lieu, il ressort des dispositions précitées de l'article R. 1441-4 du code du travail, issues du décret attaqué, que les suffrages exprimés aux élections professionnelles mentionnées à l'article L. 2122-9 du même code dans les collèges dans lesquels seuls des personnels relevant de la section de l'encadrement définie à l'article L. 1423-1-2 de ce code sont amenés à s'exprimer, d'une part, et les suffrages exprimés dans le collège "cadres" mentionné à l'article L. 2122-10-4, d'autre part, seront pris en compte avec la même pondération. Par suite, le moyen tiré de ce que le décret attaqué serait entaché d'incompétence négative au regard des exigences de l'article L. 1441-4 du code du travail au motif que le pouvoir réglementaire n'aurait pas déterminé précisément les critères de prise en compte de ces suffrages doit être écarté.

7. En troisième lieu, l'article L. 2324-11 du code du travail prévoit, pour les élections au comité d'entreprise, l'instauration d'un collège ne regroupant que des ingénieurs, chefs de service et cadres administratifs, commerciaux ou techniques assimilés dans les entreprises dans lesquelles leur nombre est au moins égal à vingt-cinq, et l'article L. 2122-10-4 du même code prévoit l'existence d'un collège " cadres " pour les élections qui sont organisées tous les quatre ans au niveau régional pour mesurer l'audience des syndicats dans les entreprises de moins de onze salariés. Dans les autres entreprises non dotées d'un collège " cadres ", les suffrages exprimés par les personnels relevant de la section de l'encadrement sont pris en compte pour la détermination des sièges attribués aux organisations syndicales dans les conseils de prud'hommes, non dans la section de l'encadrement, mais dans l'une des quatre autres sections, en fonction de la convention collective à laquelle est rattachée l'entreprise. Toutefois, il résulte des dispositions contestées que le pouvoir réglementaire a choisi, pour apprécier l'audience des organisations syndicales dans la section de l'encadrement, des modalités de prise en compte des suffrages exprimés à l'occasion de l'élection des institutions représentatives du personnel permettant de s'assurer que ces suffrages émanent exclusivement de salariés appartenant à cette section. De plus, il ressort des pièces du dossier que les suffrages ainsi pris en compte représentent une large majorité des personnels relevant de la catégorie de l'encadrement. Enfin, ceux des suffrages qui ne sont pas pris en compte pour déterminer l'audience des organisations syndicales dans la section de l'encadrement sont pris en compte pour déterminer cette audience dans les autres sections. Dans ces conditions, et faute que soit possible une mesure plus précise de l'audience de chaque organisation syndicale dans la section de l'encadrement compte tenu de l'absence de collège spécifique pour les entreprises comptant plus de onze salariés mais moins de vingt-cinq cadres ou assimilés, le moyen tiré de ce que le décret attaqué aurait méconnu l'article L. 1441-4 du code du travail, qui prévoit une attribution des sièges selon l'audience syndicale " par section ", doit être écarté. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de ce que le décret serait entaché d'erreur manifeste d'appréciation s'agissant de la détermination de l'audience syndicale dans la section de l'encadrement doit être écarté.

8. En quatrième lieu, le syndicat requérant soutient que le mode de calcul prévu par l'article R. 1441-4 précité du code du travail, issu du décret attaqué, méconnaît le principe d'égalité de traitement entre salariés en ce qu'il conduit à une prise en compte différenciée des suffrages des personnels relevant de la section de l'encadrement en fonction de la taille de leur entreprise ou de sa composition socioprofessionnelle, sans qu'une telle différence de traitement soit justifiée par un motif d'intérêt général. Les dispositions contestées n'ont toutefois ni pour objet, ni pour effet d'instituer une différence de traitement entre les salariés, dès lors que leurs suffrages sont tous également pris en compte pour l'attribution des sièges aux organisation syndicales dans le collège salariés des conseils de prud'hommes, soit dans la section dont relève l'entreprise en fonction de sa convention collective, soit dans la section de l'encadrement, sans que le principe d'égalité impose que les suffrages de salariés d'une même catégorie socioprofessionnelle soient nécessairement pris en compte pour l'audience de la même section. Le moyen tiré de la méconnaissance du principe d'égalité entre salariés doit, par suite, être écarté.

Sur les requêtes no 405919 de l'Union syndicale Solidaires contre le décret du 11 octobre 2016, n° 410879 du Syndicat des travailleurs corses et autre et n°410881 de l'Union syndicale Solidaires dirigées contre ce décret et contre l'arrêté du 5 mai 2017 en tant qu'il fixe la répartition pour les collèges des salariés :

En ce qui concerne les moyens tirés de vices de procédure :

9. En premier lieu, aucune disposition n'imposait la consultation du conseil supérieur des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel avant l'édiction du décret attaqué. Par suite, le moyen tiré du défaut de consultation de cet organisme doit, en tout état de cause, être écarté.

10. En deuxième lieu, si les requérants se bornent à soutenir qu'il n'est pas établi, d'une part, que l'avis du comité spécial de service placé auprès du directeur des services judiciaires et celui du Conseil supérieur de la prud'homie aient été régulièrement recueillis préalablement à l'édiction du décret du 11 octobre 2016, et d'autre part, que l'avis du Conseil supérieur de la prud'homie ait été régulièrement recueilli préalablement à l'édiction de l'arrêté du 5 mai 2017, ils n'apportent aucun élément concret à l'appui de leurs moyens, alors que ces avis sont visés par les textes attaqués et produits en défense par le ministre.

11. En troisième lieu, l'article 34 du décret du 15 février 2011 relatif aux comités techniques dans les administrations et les établissements publics de l'Etat prévoit la consultation du comité spécial de service placé auprès du directeur des services judiciaires sur les projets de textes relatifs " à l'organisation et au fonctionnement " de ces administrations. L'arrêté attaqué, qui se borne à répartir les sièges des conseillers prud'hommes entre les organisations syndicales conformément aux règles prévues par le décret attaqué en fonction des données de mesure de l'audience syndicale, ne peut être regardé comme régissant l'organisation et le fonctionnement du service soumis à l'autorité du directeur des services judiciaires. Par suite, la consultation du comité spécial de service placé auprès du directeur des services judiciaires n'était pas requise et le moyen tiré du défaut de consultation de ce comité préalablement à l'édiction de l'arrêté attaqué doit donc être écarté.

12. En quatrième lieu, aux termes de l'article D. 2122-6 du code du travail, " Le système de centralisation des résultats des élections professionnelles (...) afin de mesurer l'audience des organisations syndicales doit (...) b) permettre de s'assurer, par des contrôles réguliers, de la fiabilité et de l'exhaustivité des données recueillies et consolidées ; c) permettre une consultation par toute personne des données recueillies. / Les résultats complets de chaque cycle électoral sont portés à la connaissance du Haut Conseil du dialogue social afin qu'il puisse rendre au ministre chargé du travail l'avis prévu à l'article L. 2122-11. " Ces dispositions ne prévoient l'accès aux données d'audience compilées issues du système d'information mis en place par l'administration qu'aux seules organisations syndicales représentées au sein du Haut conseil du dialogue social. Or, le Syndicat des travailleurs corses et l'Union syndicale LAB ne sont pas représentés au sein de cette instance. Par suite, et en tout état de cause, le moyen soulevé par ces syndicats tiré de ce qu'ils n'auraient pas eu accès aux données compilées en méconnaissance des dispositions de l'article D. 2122-6 du code du travail ne peut qu'être écarté.

En ce qui concerne les autres moyens :

13. En premier lieu, les dispositions des articles L. 1441-5 et L. 1441-24 du code du travail, qui prévoient que les contestations relatives, respectivement, à la répartition du nombre de sièges et à la nomination des conseillers doivent à peine d'irrecevabilité être exercées, respectivement, dans un délai de quinze jours devant le Conseil d'Etat et de dix jours devant le tribunal administratif, doivent être interprétées comme faisant obstacle à la possibilité d'introduire un recours administratif interrompant le délai de recours contentieux. Les dispositions des articles R. 1441-1, R. 1441-2 et R. 1441-26 du code du travail, dans leur rédaction issue du décret attaqué, qui prévoient, respectivement, que l'arrêté attribuant les sièges aux organisations syndicales et professionnelles, les arrêtés de nomination des conseillers prud'hommes et l'arrêté portant désignation complémentaire de conseillers prud'hommes ne peuvent faire l'objet d'un recours administratif de nature à suspendre le délai de recours se bornent à tirer la conséquence de ces dispositions. Par suite, les moyens tirés de ce que l'auteur du décret attaqué aurait méconnu la règle générale de procédure selon laquelle l'exercice dans le délai de recours contentieux d'un recours administratif suspend le délai de recours et de ce que l'arrêté attaqué devrait être annulé par voie de conséquence de l'illégalité du décret sur ce point doivent, en tout état de cause, être écartés.

14. En deuxième lieu, les dispositions précitées de l'article L. 1441-4 du code du travail prévoient la prise en compte des suffrages retenus pour la mesure de l'audience syndicale par département pour chaque organisation syndicale. Il était loisible au pouvoir réglementaire, chargé d'édicter les mesures d'application nécessaires à la mise en oeuvre de ces principes, de prévoir que la désignation des conseillers prud'homaux d'une section donnée serait fondée sur l'audience mesurée au niveau départemental à partir des seuls collèges électoraux réunissant des salariés relevant de cette section. Par suite, les moyens tirés de ce que l'article R. 1441-3 du code du travail, issu du décret attaqué, qui retient un tel mode de calcul, serait entaché d'une incompétence négative et d'une méconnaissance des dispositions de l'article L. 1441-4 du code du travail doit être écarté, de même que le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué devrait être annulé par voie de conséquence de l'illégalité entachant le décret sur ce point.

15. En troisième lieu, l'article L. 1423-1-1 du code du travail prévoit que les affaires soumises au conseil des prud'hommes sont réparties entre ses sections au regard du champ d'application de la convention ou de l'accord collectif de travail dont relève le salarié partie au litige, selon une correspondance fixée par un tableau de répartition, dont l'article R. 1423-4 du même code précise qu'il est publié par arrêté conjoint du garde des sceaux, ministre de la justice et du ministre chargé du travail. L'article R. 1441-4 du même code, dans sa rédaction résultant du décret attaqué, prévoit que les suffrages exprimés aux élections professionnelles dans une entreprise sont, en règle générale, pris en compte pour la désignation des conseillers prud'hommes de la section à laquelle celle-ci est rattachée dans ce tableau de répartition. Des dispositions particulières sont prévues en ce qui concerne la section de l'agriculture, la section des activités diverses et la section de l'encadrement. En ce qui concerne la section de l'agriculture, les dispositions attaquées, qui prévoient que les suffrages pris en compte sont ceux prévus par le tableau de répartition et, pour les branches mentionnées à l'article L. 2122-6 du code du travail, les suffrages exprimés aux élections des membres représentant les salariés de la production agricole aux chambres départementales d'agriculture, sont suffisamment précises. En ce qui concerne la section de l'encadrement, la circonstance que le mode de calcul retenu conduise, dans les collèges comprenant à la fois des personnels relevant de la section de l'encadrement et des personnels n'en relevant pas, à prendre en compte leurs suffrages pour la section à laquelle est rattachée l'entreprise et non pour la section de l'encadrement n'implique pas, contrairement à ce qui est soutenu, que ces dispositions soient inapplicables. Pour les motifs énoncés au point 7, le moyen tiré de la méconnaissance du principe d'égalité entre salariés relevant de la section de l'encadrement doit également être écarté. Il en va de même du moyen tiré de ce que l'arrêté devrait être annulé par voie de conséquence de l'illégalité entachant le décret sur ce point.

16. En quatrième lieu, si les requérants soutiennent que le décret et l'arrêté attaqués seraient entachés d'une incompétence négative et d'une méconnaissance du principe d'égalité de traitement entre organisations syndicales faute d'avoir fixé des règles suffisamment claires et précises, elles n'apportent pas à l'appui de leur moyens des éléments permettant d'en apprécier le bien fondé, alors que le décret et l'arrêté attaqués détaillent les modalités de mesure de l'audience syndicale au niveau départemental aux fins de l'attribution des sièges dans les conseils de prud'hommes, règles qui s'appliquent aux organisations syndicales sans distinction selon leur implantation ou leur notoriété.

17. En cinquième lieu, il est soutenu que les dispositions du décret porteraient atteinte au principe d'égalité consacré par l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et au principe de non-discrimination qui résulte des dispositions combinées des articles 6 et 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en ce qu'elles excluraient, pour la mesure de l'audience, la prise en compte des salariés qui n'auraient pu participer à des élections en raison de la carence de leur employeur à les organiser ou de l'échec du processus électoral et institueraient dès lors une différence de traitement au détriment des salariés d'entreprises dont les effectifs sont compris entre 11 et 50 salariés, qui seraient, en pratique, particulièrement exposés à de telles situations. Ces allégations se bornent cependant à contester les conditions de mise en oeuvre des dispositions relatives aux élections des institutions représentatives du personnel, qui correspondent, pour les employeurs, à une obligation dont la méconnaissance est constitutive du délit d'entrave et peut donner lieu à des demandes des organisations syndicales et des salariés pour imposer la tenue de ces élections dans un délai rapproché. La circonstance invoquée est, dès lors et en tout état de cause, sans incidence sur la légalité des dispositions contestées, qui n'ont par ailleurs ni pour objet ni pour effet d'instituer une différence de traitement en fonction de l'effectif des employeurs.

18. En sixième lieu, il est soutenu que l'article R. 1441-3 du code du travail, dans sa version issue du décret du 11 octobre 2016, méconnaît le principe d'égalité devant la loi consacré par l'article 6 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen et le principe de non discrimination résultant des stipulations combinées des articles 14 et 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales faute de prévoir les mesures permettant la prise en compte des suffrages des salariés de droit privé des personnes morales de droit public dans la mesure où ces employeurs sont dépourvus des institutions représentatives du personnel visés à l'article L. 2122-9 du code du travail. Toutefois, d'une part, les articles L. 2311-1 et L. 2321-1 du code du travail prévoient, respectivement, que les dispositions du titre I du livre III de la deuxième partie de la partie législative de ce code relatives au délégué du personnel et celles de son titre II relatives au comité d'entreprise " sont applicables aux employeurs de droit privé ainsi qu'à leurs salariés. / Elles sont également applicables : / 1° Aux établissements publics à caractère industriel et commercial ; / 2° Aux établissements publics à caractère administratif lorsqu'ils emploient du personnel dans les conditions du droit privé. / Ces dispositions peuvent, compte tenu des caractères particuliers de certains des établissements mentionnés aux 1° et 2° et des instances de représentation du personnel éventuellement existantes, faire l'objet d'adaptations, par décrets en Conseil d'Etat, sous réserve d'assurer les mêmes garanties aux salariés de ces établissements ". Il résulte de ces dispositions que les établissements publics industriels et commerciaux et les établissements publics administratifs qui emploient des salariés de droit privé sont, en principe, dotés de comités d'entreprise ou de délégués du personnel et, par suite, les suffrages exprimés par ces salariés lors de ces votes sont pris en compte selon les mêmes modalités que ceux des salariés des entreprises privées. D'autre part, en vertu de l'article L. 2111-1 du code du travail, sont " applicables au personnel des personnes publiques employé dans les conditions du droit privé, sous réserve des dispositions particulières ayant le même objet résultant du statut qui régit ce personnel " les dispositions du livre Ier de la deuxième partie de la partie législative de ce code, qui comprend l'article L. 2122-9 cité plus haut. Il résulte de ces dispositions que, si le législateur a entendu fonder le calcul du nombre de sièges attribués aux organisations syndicales dans les conseils de prud'hommes sur l'audience exprimée aux élections des comités d'entreprise, de la délégation unique du personnel ou des délégués du personnel ou au scrutin organisé dans les entreprises de moins de onze salariés, comme le dispose l'article L. 2122-9 du même code, en renvoyant au pouvoir réglementaire la définition de ses modalités de mise en oeuvre, il n'a pas entendu exclure la possibilité de se fonder, lorsque l'organisme employeur en cause n'est pas doté de telles instances, sur l'audience exprimée aux élections d'institutions représentatives du personnel exerçant des fonctions comparables. Il ne ressort pas des pièces des dossiers que certains salariés de personnes morales de droit public n'ayant pas le statut d'agents publics se verraient, en application des dispositions du décret attaqué, exclus de la possibilité de voir leur suffrage pris en compte pour la désignation des conseillers prud'hommes. Par suite, le moyen tiré de ce que le décret serait entaché d'illégalité faute de comporter de telles précisions doit être écarté, de même que le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué devrait être annulé par voie de conséquence de l'illégalité entachant le décret sur ce point.

19. En septième lieu, si les requérants soutiennent que l'arrêté attaqué devrait être annulé en raison des erreurs de calcul qui ont affecté l'attribution des sièges qu'il effectue, ils ne précisent pas la nature et la portée de ces erreurs. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance, par l'arrêté attaqué, des règles de calcul prévues par les dispositions législatives et réglementaires applicables, qui n'est pas assorti des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé, ne peut qu'être écarté. Au demeurant, ainsi que le soutient le ministre sans être contredit sur ce point, les erreurs dont aurait été entaché l'arrêté du 5 mai 2017 ont, en tout état de cause, fait l'objet d'une correction par l'arrêté rectificatif en date du 2 août 2017 dont les requérants ne demandent pas l'annulation.

Sur la requête n° 410773 de l'Union générale des travailleurs de Guadeloupe :

En ce qui concerne les conclusions dirigées contre le courrier du 18 juillet 2017 du directeur général du travail :

20. Il ressort des pièces du dossier que le directeur général du travail a adressé le 18 juillet 2017 à l'Union générale des travailleurs de Guadeloupe (UGTG) un courrier l'informant des conséquences sur le nombre de sièges lui revenant qu'emportait la modification de l'arrêté du 5 mai 2017 annoncée par le ministre du travail. Toutefois, la modification effective de la répartition des sièges était subordonnée à l'édiction d'un arrêté modificatif, qui est intervenue le 2 août 2017. Le courrier du 18 juillet 2017, qui est dépourvu par lui-même d'effet juridique, n'est pas susceptible d'être attaquée par la voie du recours en excès de pouvoir. Dès lors, le ministre du travail est fondé à soutenir que les conclusions dirigées contre ce courrier doivent être rejetées comme irrecevables.

En ce qui concerne les conclusions dirigées contre l'arrêté du 5 mai 2017 en tant qu'il fixe la répartition pour le collège des salariés en Guadeloupe :

21. En premier lieu, il résulte de la jurisprudence de la Cour de Justice de l'Union européenne que l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, relatif au droit à une bonne administration, s'adresse non aux Etats membres mais uniquement aux institutions, organes et organismes de l'Union. Ainsi, le moyen tiré de leur violation par l'arrêté attaqué, pris par une autorité d'un Etat membre, est inopérant.

22. En deuxième lieu, le moyen tiré de ce que la circonstance que les avis des collectivités territoriales concernées visées par l'ordonnance du 31 mars 2016 n'aient pas été communiqués à la requérante préalablement à l'édiction de l'arrêté attaqué porterait atteinte au principe de l'égalité des armes garanti par l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'est, en tout état de cause, pas assorti des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé.

23. En troisième lieu, la requérante soutient que le nombre de sièges qui lui est attribué par l'arrêté attaqué dans les conseils de prud'hommes de Basse-Terre et de Pointe-à-Pitre serait entaché d'erreurs de calcul. Toutefois si elle fait valoir, à l'appui de ce moyen, que l'arrêté attaqué n'aurait pas dû avoir pour effet d'augmenter le nombre de sièges qui lui est attribué dans le conseil des prud'hommes de Basse-Terre et de le réduire dans celui de Pointe-à-Pitre alors que l'audience doit être mesurée au niveau départemental en vertu des articles L. 1441-4 et L. 2121-1 du code du travail, il ressort des pièces du dossier que l'évolution des sièges qui lui sont attribués dans ces deux conseils résulte de la mesure de l'audience qui a été effectuée pour la Guadeloupe, Saint-Martin et Saint-Barthélémy, conformément à l'article L. 1523-1 du code du travail, dont il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle serait erronée. D'autre part, si la requérante soutient que le nombre de sièges attribué à la Confédération générale du travail (CGT) dans les sections de l'agriculture des deux conseils de prud'hommes de la Guadeloupe ne reflète pas son audience sur ce territoire, il ressort des pièces du dossier, et notamment du procès-verbal de l'élection à la chambre d'agriculture du 27 août 2013 produit en défense par le ministre, que la liste de la Confédération générale du travail de Guadeloupe (CGTG), syndicat distinct de la CGT, aux élections des représentants des salariés à la chambre d'agriculture de la Guadeloupe, a été rattachée au niveau national à la CGT, ce qui a conduit à faire bénéficier cette dernière organisation syndicale des suffrages exprimés en faveur de la CGTG.

24. En dernier lieu, si la requérante soutient que la formulation du courrier du 18 juillet 2017 laisse entendre que les auteurs de l'arrêté attaqué auraient eu recours, dans le calcul de la répartition des sièges de conseillers de prud'hommes, à un critère national, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 1441-4 du code du travail, il ressort des pièces du dossier que ce courrier s'est borné à préciser l'évolution du nombre de sièges attribués à l'UGTG en le rapportant au total des sièges au niveau national ainsi que le pourcentage de sièges que cela représentait sur la base de l'ensemble des collèges salariés au niveau national, sans qu'il en résulte que le calcul du nombre de sièges attribués à l'UGTG dans les conseils de prud'hommes ait fait intervenir d'autres critères que ceux prévus par l'article L. 1441-4 précité du code du travail.

Sur la requête n° 410894 de l'Union départementale CGT de la Corse-du-Sud dirigée contre l'arrêté du 5 mai 2017 en tant qu'il fixe la répartition de la section commerce pour le collège des salariés en Corse-du-Sud :

25. L'Union départementale CGT de la Corse-du-Sud soutient qu'il ressort du tableau de répartition des sièges de conseillers prud'hommes annexé à l'arrêté attaqué que les suffrages exprimés par les salariés de droit privé du groupe la Poste exerçant leur activité en Corse-du-Sud n'ont pas été pris en compte pour la désignation des conseillers prud'hommes dans ce même département, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 1441-4 du code du travail, qui prévoient que le nombre de sièges attribués aux organisations syndicales est déterminé en fonction des suffrages obtenus au niveau départemental par chaque organisation, dans le cadre de la mesure de l'audience définie à l'article L. 2122-9 du même code. Toutefois, si le législateur a entendu fonder le calcul du nombre de sièges attribués aux organisations syndicales dans les conseils de prud'hommes sur l'audience exprimée aux élections des comités d'entreprise, de la délégation unique du personnel ou des délégués du personnel ou au scrutin organisé dans les entreprises de moins de onze salariés, comme le dispose l'article L. 2122-9, en renvoyant au pouvoir réglementaire la définition de ses modalités de mise en oeuvre, il n'a pas entendu exclure la possibilité de se fonder, lorsque l'organisme employeur en cause n'est pas doté de telles instances, sur l'audience exprimée aux élections d'institutions représentatives du personnel exerçant des fonctions comparables. Il ressort des pièces du dossier que, si les salariés de droit privé du groupe La Poste sont représentés par des instances représentatives du personnel spécifiques, à savoir, d'une part, des commissions consultatives paritaires, compétentes pour connaître des questions d'ordre individuel, et d'autre part, un comité technique national ainsi que des comités techniques locaux et spéciaux instaurés sur une base géographique ne correspondant pas à l'échelon départemental, seul le comité technique national exerce des attributions comparables à celles d'un comité d'entreprise. Dans ces conditions, en choisissant de prendre en compte les suffrages exprimés par ces salariés aux élections du comité technique national du groupe, alors même que ce mode de calcul avait nécessairement pour conséquence de comptabiliser l'ensemble de ces suffrages pour la désignation des membres du conseil de prud'hommes de Paris, où est établi le siège de ce comité, dont ces salariés ne relèvent pas tous, les auteurs de l'arrêté attaqué n'ont pas méconnu les dispositions précitées de l'article L. 1441-4 du code du travail.

Sur les requêtes enregistrées sous le n° 410459 de la Confédération des petites et moyennes entreprises, le n° 410841 de la Chambre nationale des professions libérales, le n° 410878 de la Coordination nationale des indépendants et le n° 410895 de l'Union des employeurs de l'économie sociale et solidaire dirigées contre l'arrêté du 5 mai 2017 en tant qu'il fixe la répartition des sièges pour le collège des employeurs et le calendrier de dépôt des candidatures à la fonction de conseiller prud'homme :

26. L'Institut français des experts-comptables et des commissaires aux comptes a intérêt à l'annulation de l'arrêté attaqué. Son intervention dans l'instance n° 410459 est par suite recevable.

27. L'Union des entreprises de proximité justifie d'un intérêt suffisant au maintien de l'arrêté attaqué. Son intervention en défense dans les instances n° 410459 et n° 410841 est par suite recevable.

28. Aux termes de l'article R. 1431-3 du code du travail, dans sa rédaction applicable : " Le Conseil supérieur de la prud'homie est consulté sur les projets de loi et de règlement relatifs : / (...) 1° A l'institution, la compétence, l'organisation et le fonctionnement des conseils de prud'hommes ; / 2° A la désignation, au statut et à la formation des conseillers prud'hommes ; (...) ". Il résulte de ces dispositions que l'administration était tenue de consulter le Conseil supérieur de la prud'homie sur le projet d'arrêté litigieux fixant la répartition des sièges de conseillers prud'hommes attribués sur proposition des organisations professionnelles représentatives et le calendrier de dépôt des candidatures pour le mandat prud'homal 2018-2021, qui comporte en annexe le nombre de sièges attribués à chacune des organisations syndicales et professionnelles pour chaque section de chacun des conseils de prud'hommes situés sur le territoire national. Il ressort des écritures du ministre et du procès verbal de la séance du 27 avril 2017 du Conseil supérieur de la prud'homie que le projet d'arrêté n'a été adressé aux membres de ce conseil que par un courriel le matin même de la consultation, sans que ses membres aient disposé plus en amont des éléments nécessaires pour être en mesure de porter utilement une appréciation sur la répartition des sièges figurant dans ce projet, alors même que la répartition des sièges à laquelle procède l'arrêté résulte de l'addition de nombreux résultats, suivant l'affiliation de nombreuses organisations, secteur par secteur, représentant des centaines de pages de documents. Dans ces conditions, l'Union des employeurs de l'économie sociale et solidaire est fondée à soutenir que les membres du Conseil supérieur de la prud'homie n'ont pas disposé des documents nécessaires à l'exercice de leur mission dans un délai leur permettant d'en prendre utilement connaissance et qu'ils ont, par suite, été privés d'une garantie. Par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens des requêtes tendant à l'annulation de l'arrêté attaqué en tant qu'il concerne le collège des employeurs, l'arrêté attaqué doit être annulé dans cette mesure.

29. Il résulte de tout ce qui précède que les requêtes de la Confédération générale du travail, de l'Union syndicale Solidaires, du Syndicat des travailleurs corses et autre, de l'Union générale des travailleurs de Guadeloupe, et de l'Union départementale CGT de la Corse du Sud doivent être rejetées, y compris leurs conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

30. Il résulte également de tout ce qui précède, en revanche, que l'Union des employeurs de l'économie sociale et solidaire, la Confédération des petites et moyennes entreprises, la Chambre nationale des professions libérales et la Coordination nationale des indépendants sont fondées à demander l'annulation de l'arrêté du 5 mai 2017 en tant qu'il fixe l'attribution des sièges de conseillers prud'hommes aux organisations professionnelles et le calendrier de dépôt des candidatures pour le collège des employeurs. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros à verser à l'Union des employeurs de l'économie sociale et solidaire au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, mais il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la Confédération des petites et moyennes entreprises, la Chambre nationale des professions libérales et la Coordination nationale des indépendants au titre des mêmes dispositions.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'intervention de l'Institut français des experts-comptables et des commissaires aux comptes dans l'instance n° 410459 est admise.

Article 2 : L'intervention en défense de l'Union des entreprises de proximité dans les instances n° 410459 et n° 410841 est admise.

Article 3 : Le 2° de l'article 1er et les articles 2 et 3 de l'arrêté du 5 mai 2017 portant attribution des sièges de conseillers prud'hommes et calendrier de dépôt des candidatures à la fonction de conseiller prud'homme pour le mandat prud'homal 2018-2021, ainsi que le tableau annexé à cet arrêté en tant qu'il porte sur les sièges attribués aux organisations professionnelles pour le collège des employeurs, sont annulés.

Article 4 : L'Etat versera à l'Union des employeurs de l'économie sociale et solidaire une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Les requêtes de la Confédération générale du travail, de l'Union syndicale Solidaires, du Syndicat des travailleurs corses et autre, de l'Union générale des travailleurs de Guadeloupe, de l'Union départementale CGT de la Corse du Sud, et le surplus des requêtes de la Confédération des petites et moyennes entreprises, de la Chambre nationale des professions libérales et de la Coordination nationale des indépendants sont rejetés.

Article 6 : La présente décision sera notifiée à la Confédération générale du travail, à l'Union syndicale Solidaires, au Syndicat des travailleurs corses, premier dénommé pour l'ensemble des requérants sous le n° 410879, à l'Union générale des travailleurs de Guadeloupe, à l'Union départementale CGT de la Corse du Sud, à la Confédération des petites et moyennes entreprises, à la Chambre nationale des professions libérales, à l'Union des employeurs de l'économie sociale et solidaire, à la Coordination nationale des indépendants, à la garde des sceaux, ministre de la justice et à la ministre du travail.

Copie en sera adressée à l'Institut français des experts-comptables et des commissaires aux comptes, à l'Union des entreprises de proximité et à la ministre des outre-mer.


Synthèse
Formation : 6ème et 5ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 405793
Date de la décision : 24/04/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

ACTES LÉGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS - VALIDITÉ DES ACTES ADMINISTRATIFS - FORME ET PROCÉDURE - PROCÉDURE CONSULTATIVE - CONSULTATION OBLIGATOIRE - CONSEIL SUPÉRIEUR DE LA PRUD'HOMIE - CONSULTATION SUR LES PROJETS DE TEXTES RELATIFS AUX CONSEILS DE PRUD'HOMMES (ART - R - 1431-3 DU CODE DU TRAVAIL) - CARACTÈRE DE GARANTIE AU SENS DE LA JURISPRUDENCE DANTHONY [RJ1] - EXISTENCE.

01-03-02-02 La consultation du Conseil supérieur de la prud'homie sur les projets de loi et de règlement relatifs à l'institution, à la compétence, à l'organisation et au fonctionnement des conseils de prud'hommes ou à la désignation, au statut et à la formation des conseillers prud'hommes, prévue par l'article R. 1431-3 du code du travail, constitue une garantie au sens de la jurisprudence Danthony.

JURIDICTIONS ADMINISTRATIVES ET JUDICIAIRES - SERVICE PUBLIC DE LA JUSTICE - FONCTIONNEMENT - CONSEILS DE PRUD'HOMMES - CONSULTATION DU CONSEIL SUPÉRIEUR DE LA PRUD'HOMIE SUR LES PROJETS DE TEXTES RELATIFS AUX CONSEILS DE PRUD'HOMMES (ART - R - 1431-3 DU CODE DU TRAVAIL) - CARACTÈRE DE GARANTIE AU SENS DE LA JURISPRUDENCE DANTHONY [RJ1] - EXISTENCE.

37-02-02 La consultation du Conseil supérieur de la prud'homie sur les projets de loi et de règlement relatifs à l'institution, à la compétence, à l'organisation et au fonctionnement des conseils de prud'hommes ou à la désignation, au statut et à la formation des conseillers prud'hommes, prévue par l'article R. 1431-3 du code du travail, constitue une garantie au sens de la jurisprudence Danthony.


Références :

[RJ1]

Cf. CE, Assemblée, 23 décembre 2011, M.,et autres, n° 335033, p. 649.


Publications
Proposition de citation : CE, 24 avr. 2019, n° 405793
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Laure Durand-Viel
Rapporteur public ?: M. Louis Dutheillet de Lamothe
Avocat(s) : SCP DIDIER, PINET

Origine de la décision
Date de l'import : 07/05/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2019:405793.20190424
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