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20/02/2019 | FRANCE | N°414113

France | France, Conseil d'État, 5ème et 6ème chambres réunies, 20 février 2019, 414113


Vu la procédure suivante :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 28 avril 2016 par laquelle le préfet du Gard l'a déclaré inapte à la conduite des véhicules relevant de toutes les catégories du permis de conduire. Par un jugement n° 1602619 du 8 juin 2017, le tribunal administratif de Nîmes a fait droit à sa demande.

Par un pourvoi, enregistré le 8 septembre 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur demande au Conseil d'Etat :

1°) d'ann

uler ce jugement ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter la demande de M. A......

Vu la procédure suivante :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 28 avril 2016 par laquelle le préfet du Gard l'a déclaré inapte à la conduite des véhicules relevant de toutes les catégories du permis de conduire. Par un jugement n° 1602619 du 8 juin 2017, le tribunal administratif de Nîmes a fait droit à sa demande.

Par un pourvoi, enregistré le 8 septembre 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter la demande de M. A...;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la route ;

- le décret n° 2016-39 du 22 janvier 2016 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Olivier Rousselle, conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Nicolas Polge, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que M. A...a fait l'objet le 2 janvier 2016 à 20 h15 d'un contrôle routier à Pont Saint Esprit (Gard) au cours duquel a été mis en évidence un taux d'alcoolémie à 0,68 mg/l d'air expiré, qui a conduit à une rétention de son permis de conduire. Par un arrêté du 4 janvier 2016, le préfet du Gard a procédé à la suspension de ce permis pour une durée de quatre mois assortie d'une obligation de se soumettre à une visite médicale. Par une ordonnance pénale du 22 mars 2016, le tribunal correctionnel de Nîmes a condamné M. A...à verser une amende et a prononcé à son encontre la peine de suspension de son permis pour une durée de quatre mois. La commission médicale ayant, le 26 avril 2016, déclaré M. A...inapte à la conduite de véhicules de toutes les catégories, le préfet du Gard, par une décision du 28 avril 2016, a suspendu la validité de toutes les catégories de permis de conduire de l'intéressé. Le ministre de l'intérieur se pourvoit en cassation contre le jugement du 8 juin 2017 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a annulé cette décision.

2. Aux termes de l'article R. 221-14 du code de la route, dans sa rédaction applicable à la date de la décision attaquée : " I. - Postérieurement à la délivrance du permis, le préfet peut enjoindre à un conducteur de se soumettre à un contrôle médical : (...) 3° Avant la restitution de son permis, à tout conducteur ou accompagnateur d'un élève conducteur à l'encontre duquel il a prononcé une mesure restrictive ou suspensive du droit de conduire pour l'une des infractions prévues par les articles L. 234-1 et L. 234-8, afin de déterminer si l'intéressé dispose des aptitudes physiques nécessaires à la conduite du véhicule. (...) ".

3. Les modalités du contrôle médical de l'aptitude à la conduite ainsi prévu sont fixées par les articles R. 226-1 et suivants du même code. Aux termes de l'article R. 226-1 : " Le contrôle médical de l'aptitude à la conduite consiste en une évaluation de l'aptitude physique, cognitive et sensorielle du candidat au permis de conduire ou du titulaire du permis (...) ". En vertu de l'article R. 226-2, ce contrôle est effectué par un médecin agréé par le préfet ou par une commission médicale primaire, un recours étant ouvert devant une commission médicale d'appel. Dans sa rédaction initiale, le quatrième alinéa de cet article disposait que : " Si le contrôle médical de l'aptitude à la conduite intervient à la suite d'une invalidation, annulation ou suspension du permis prononcée en application du présent code, il est complété par un examen psychotechnique réalisé dans les conditions prévues à l'article R. 224-22 ". Le décret du 22 janvier 2016 pris en application de l'article L. 224-14 du code de la route a modifié cet alinéa pour y mentionner une suspension du permis de conduire " d'une durée de six mois ou plus ". Aux termes du cinquième alinéa du même article R. 226-2 : " Lors de ce contrôle médical, le médecin agréé ou la commission médicale peut prescrire tout examen complémentaire (...) ". Sur le fondement de cette dernière disposition, le médecin agréé ou la commission médicale peut prescrire un examen psychotechnique si cet examen apparaît justifié, alors même que l'intéressé ne se trouve pas dans une situation où il est imposé en vertu des dispositions du quatrième alinéa.

4. Il ressort des pièces soumises aux juges du fond qu'à la suite de la suspension de son droit à conduire, M. A...a réalisé le 7 avril 2016 des tests psychotechniques, à l'issue desquels le psychologue examinateur a conclu que " les résultats sont compatibles avec la conduite des véhicules légers et des poids lourds ". L'intéressé a été soumis le 26 avril 2016 au contrôle médical de l'aptitude à la conduite prévu par les dispositions citées au point précédent, qui s'est conclu par un constat d'inaptitude à la conduite sur lequel le préfet s'est fondé pour prendre la décision attaquée. Il a enfin subi le 9 août suivant, soit postérieurement à la décision contestée, un examen destiné à établir son taux de carboxy-déficience transferrine (CDT) qui a révélé un taux de 1,3 %, inférieur au taux de 1,7 % qui caractérise la consommation chronique d'alcool.

5. En prenant en compte, pour annuler la décision attaquée, la circonstance que le test de CDT subi par l'intéressé révélait un taux inférieur au seuil d'alcoolémie critique, alors que cet examen postérieur de plusieurs mois à la décision attaquée ne permettait pas de se prononcer sur la consommation d'alcool à la date de cette décision, le tribunal a entaché son jugement d'une erreur de droit. En se fondant également, pour prononcer cette annulation, sur les seuls résultats des tests psychotechniques, alors qu'il résulte des articles R. 226-1 et R. 226-2 du code de la route cités ci-dessus que l'aptitude à conduire fait l'objet d'une appréciation médicale d'ensemble, au sein de laquelle ces résultats ne peuvent être considérés isolément, le tribunal a commis une autre erreur de droit. Ce jugement doit, par suite, être annulé.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le jugement du 8 juin 2017 du tribunal administratif de Nîmes est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée au tribunal administratif de Nîmes.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'intérieur et à M. B...A....


Synthèse
Formation : 5ème et 6ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 414113
Date de la décision : 20/02/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 20 fév. 2019, n° 414113
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Olivier Rousselle

Origine de la décision
Date de l'import : 26/02/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2019:414113.20190220
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