La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

15/11/2018 | FRANCE | N°425275

France | France, Conseil d'État, 15 novembre 2018, 425275


Vu la procédure suivante :

M. A...B...a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Caen, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'enjoindre au préfet de la Manche d'enregistrer sa demande d'asile en procédure normale ou de réexaminer sa situation dans un délai de huit jours à compter de la décision à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard. Par une ordonnance n° 1802397 du 11 octobre 2018, le juge des référés du tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Par une requête, enregis

trée le 8 novembre 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B...

Vu la procédure suivante :

M. A...B...a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Caen, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'enjoindre au préfet de la Manche d'enregistrer sa demande d'asile en procédure normale ou de réexaminer sa situation dans un délai de huit jours à compter de la décision à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard. Par une ordonnance n° 1802397 du 11 octobre 2018, le juge des référés du tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Par une requête, enregistrée le 8 novembre 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B...demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) de faire droit à sa demande de première instance ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 3 600 euros au profit de son conseil, la SCP Lesourd, au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que le juge des référés du tribunal administratif de Caen a entaché d'erreur de droit, d'erreur de qualification juridique, d'erreur manifeste d'appréciation et d'insuffisance de motivation l'ordonnance attaquée en estimant qu'il était en situation de fuite au sens de l'article 29 du règlement dit " Dublin III " au seul motif qu'il s'était intentionnellement soustrait à l'exécution de son transfert vers la Suède.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures ". En vertu de l'article L. 522-3 du même code, le juge des référés peut, par une ordonnance motivée, rejeter une requête sans instruction ni audience lorsque la condition d'urgence n'est pas remplie ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée. A cet égard, il appartient au juge d'appel de prendre en considération les éléments recueillis par le juge du premier degré dans le cadre de la procédure écrite et orale qu'il diligenté.

2. Il résulte de l'instruction diligentée par le juge des référés du tribunal administratif de Caen que M.B..., ressortissant afghan qui déclare être entré irrégulièrement en France le 15 février 2018, a présenté une demande d'asile le jour même. Les autorités françaises, après consultation du fichier Eurodac faisant apparaître que M. B...avait transité par la Suède et y avait déposé ses empreintes avant d'entrer en France, ont saisi les autorités suédoises d'une demande de reprise en charge du requérant, en application du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. Le 27 mars 2018, les autorités suédoises ont accepté cette demande. Le 25 avril 2018, le préfet de la Manche a pris deux arrêtés, l'un portant remise de M. B...aux autorités suédoises en sa qualité de demandeur d'asile, l'autre assignant le requérant à résidence avec obligation de se présenter deux fois par semaine au commissariat de police de Saint-Lô pendant une durée de 45 jours, renouvelable trois fois. Par un courrier remis en mains propres, M. B...a été convoqué au commissariat de police de Saint-Lô le 5 septembre 2018 à 10 heures en vue de lui préciser les modalités d'exécution de son transfert vers la Suède. Le jour dit, l'intéressé ne s'est pas présenté au commissariat. Il s'est ensuite présenté le 28 septembre 2018 au guichet de la préfecture de la Manche pour déposer une nouvelle demande d'asile. L'agent de la préfecture a alors refusé d'enregistrer sa demande et l'a informé de la prorogation du délai d'exécution de son transfert à dix-huit mois. M. B...a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Caen, sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'une demande tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de la Manche d'enregistrer sa demande d'asile en procédure normale ou de réexaminer sa situation dans un délai de huit jours à compter de la décision à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard. Par une ordonnance n° 1802397 du 11 octobre 2018, le juge des référés du tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande. M. B...relève appel de cette ordonnance.

3. Le juge des référés du tribunal administratif de Caen, sans se prononcer sur l'existence d'une situation d'urgence, a rejeté la requête de M. B...au motif que le préfet de la Manche n'a pas porté une atteinte grave et manifestement illégale au droit d'asile par le refus d'enregistrer sa demande d'asile dès lors que son comportement était de nature à caractériser une situation de fuite au sens des dispositions de l'article 29 du règlement du 26 juin 2013 en ce que, d'une part, l'administration avait respecté les obligations qui sont les siennes dans le cadre de l'organisation d'un départ sous escorte et que, d'autre part, M. B... n'avait pas honoré la convocation qui lui avait été pourtant notifiée en mains propres et avait attendu l'expiration du délai de six mois pour procéder à son transfert vers la Suède avant de se présenter à nouveau à la préfecture de la Manche pour formuler une nouvelle demande d'asile. Or, le requérant n'apporte en appel aucun élément susceptible d'infirmer la solution ainsi retenue par le juge de première instance. Il résulte en effet de l'instruction diligentée par le juge de première instance que M. B...avait été convoqué au commissariat de police de Saint-Lô le mercredi 5 septembre 2018 à 10 heures, dans le but explicite " de [lui] communiquer les modalités d'exécution de [son] transfert aux autorités suédoises et, en cas de refus de ces dernières, un placement en rétention ", et que cette convocation devait préparer le transfert de M. B...prévu le 6 septembre 2018, avec acheminement par les fonctionnaires de la police aux frontières. Dès lors, contrairement à ce que prétend le requérant, cette convocation avait bien pour objet son transfert effectif vers la Suède, dont elle constituait un préalable nécessaire. Il résulte également d'un échange de courriels produit devant le juge des référés du tribunal administratif de Caen par la préfecture de la Manche que ses agents, constatant l'absence de M. B...le 5 septembre 2018 au commissariat de Saint-Lô, ont vainement tenté de le joindre sur son lieu habituel de résidence. Il n'a d'ailleurs pas cherché par la suite à justifier son absence auprès de la préfecture, où il ne s'est plus présenté jusqu'au 28 septembre 2018, soit après l'expiration du délai de six mois qui a couru à compter du 27 mars 2018. Pas plus en appel qu'en première instance, le requérant n'explique les circonstances qui l'ont empêché de se rendre au commissariat le 5 septembre. C'est donc à bon droit que le juge des référés du tribunal administratif de Caen a jugé que, le requérant s'étant trouvé en situation de fuite à la date prévue de son réacheminement jusqu'à l'expiration du délai de six mois, la préfecture avait pu refuser d'enregistrer sa nouvelle demande d'asile sans porter une atteinte grave et manifestement illégale à ce droit.

4. Il résulte de tout ce qui précède qu'il est manifeste que l'appel de M. B... ne peut être accueilli. Sa requête doit par conséquent être rejetée selon la procédure prévue par l'article L. 522-3 du code de justice administrative, y compris les conclusions présentées au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

O R D O N N E :

------------------

Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. A...B....

Copie en sera adressée au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 425275
Date de la décision : 15/11/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 15 nov. 2018, n° 425275
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Avocat(s) : SCP LESOURD

Origine de la décision
Date de l'import : 27/11/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2018:425275.20181115
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award