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22/10/2018 | FRANCE | N°417139

France | France, Conseil d'État, 6ème et 5ème chambres réunies, 22 octobre 2018, 417139


Vu la procédure suivante :

L'association Bien vivre en Provence a demandé au Tribunal administratif de Toulon de suspendre l'exécution de la délibération du 21 mars 2017 par laquelle le conseil municipal de Saint-Marc-Jaumegarde a approuvé le plan local d'urbanisme de la commune et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par une ordonnance n° 1704521 du 22 décembre 2017, le juge des référés du tribunal administratif de Toulon a rejeté, en application de l'article L. 522-3 du code de justice ad

ministrative, sa demande.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire com...

Vu la procédure suivante :

L'association Bien vivre en Provence a demandé au Tribunal administratif de Toulon de suspendre l'exécution de la délibération du 21 mars 2017 par laquelle le conseil municipal de Saint-Marc-Jaumegarde a approuvé le plan local d'urbanisme de la commune et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par une ordonnance n° 1704521 du 22 décembre 2017, le juge des référés du tribunal administratif de Toulon a rejeté, en application de l'article L. 522-3 du code de justice administrative, sa demande.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 8 janvier, 23 janvier et 31 mai 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association Bien vivre en Provence demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) réglant l'affaire en référé, d'ordonner la suspension de la délibération litigieuse ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Marc-Jaumegarde la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Marie-Laure Denis, conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Louis Dutheillet de Lamothe, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de l'association Bien vivre en Provence et à la SCP Hémery, Thomas-Raquin, Le Guerer, avocat de la commune de Saint-Marc-Jaumegarde et autre.

Considérant ce qui suit :

1. L'association Bien vivre en Provence a demandé au juge des référés du tribunal administratif de suspendre l'exécution de la délibération du 21 mars 2017 par laquelle le conseil municipal de Saint-Marc-Jaumegarde a approuvé le plan local d'urbanisme de la commune. Par ordonnance du 22 décembre 2017 contre laquelle l'association se pourvoit en cassation, le juge des référés du tribunal administratif de Toulon a rejeté, en application de l'article L. 522-3 du code de justice administrative, sa demande.

2. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision (...) ".

3. Il ressort de l'ordonnance attaqué qu'après avoir énuméré les justifications fournies par l'association requérante à l'appui de la condition d'urgence, tenant notamment aux atteintes aux espaces boisés classés, que le plan local d'urbanisme adopté réduit de 95 % dans le massif de la Sainte Victoire, à l'urbanisation rapide des terrains déjà ouverts à l'urbanisation ainsi qu'aux risques d'inondation et d'incendie provoqués par le déboisement en cours dans ces zones et enfin à l'ouverture à l'urbanisation de deux zones UD f1p1 et 2 soumis à un risque incendie exceptionnel, le juge des référés du tribunal administratif de Toulon s'est borné à relever qu'il ne ressortait pas des pièces du dossier qui lui était soumis que l'exécution de l'acte attaqué puisse porter une atteinte suffisamment grave et immédiate à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. Ce faisant, il n'a pas mis le juge de cassation à même d'exercer son contrôle sur la condition d'urgence. L'ordonnance attaquée doit, par suite, être annulée, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi.

4. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire en référé en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

5. Il résulte des dispositions citées au point 2 que la condition d'urgence à laquelle est subordonné le prononcé d'une mesure de suspension doit être regardée comme remplie lorsque la décision contestée préjudicie de manière suffisamment grave et immédiate à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. Il appartient au juge des référés, saisi d'une demande tendant à la suspension d'une telle décision, d'apprécier concrètement, compte-tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de celle-ci sur la situation de ce dernier ou le cas échéant, des personnes concernées, sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue. Lorsque la demande porte sur un plan local d'urbanisme, le juge des référés doit apprécier l'urgence à suspendre son exécution au regard des intérêts invoqués et de l'atteinte grave et immédiate qui peut leur être portée, la circonstance que les projets dont il permet la réalisation sont soumis à la délivrance ultérieure d'autorisations individuelles n'étant pas, à elle seule, de nature à écarter l'urgence.

6. L'association requérante fait valoir, pour justifier l'urgence à suspendre le plan local d'urbanisme contesté, la destruction d'espaces naturels, les atteintes à la qualité du paysage et à la sécurité publique ainsi que l'accélération de l'urbanisation qu'il permettrait. Cependant, il résulte de l'instruction, en premier lieu, que si le plan local d'urbanisme litigieux réduit les espaces boisés classés de 217 à 11 hectares, les espaces en cause ont été classés en zone naturelle et bénéficient par ailleurs d'autres dispositifs de protection, le classement en zone Natura 2000 ainsi que le classement en site classé au titre du code de l'environnement, l'article L. 341-10 de ce code précisant que ces sites " ne peuvent ni être détruits ni être modifiés dans leur état ou leur aspect sauf autorisation spéciale ". Tout projet de défrichement de nature à détruire le site ou à modifier son état et même simplement son aspect ne pourrait ainsi intervenir que sur autorisation préfectorale après avis de la commission des sites. La quasi disparition des espaces classés en espaces boisés n'a donc pas pour effet de permettre que ce site, eu égard aux protections dont il bénéficie, en soit affecté dans des conditions de nature à justifier une urgence à suspendre l'exécution du plan local d'urbanisme. En second lieu, les espaces naturels ou agricoles que le plan local d'urbanisme ouvre à l'urbanisation sont d'une surface très limitée, de l'ordre de 3,5 hectares. Enfin, si la requérante fait valoir que les deux zones UD f1p1 et 2 ouvertes à urbanisation sont soumises à un aléa très fort à exceptionnel de feu de forêt, le règlement du plan local d'urbanisme prévoit que, dans ces secteurs, les constructions et installations sont autorisées " sous réserve de la réalisation d'aménagements destinés à la réduction de la vulnérabilité et d'amélioration de la défendabilité des constructions " et après avis conforme du service départemental d'incendie et de secours. Au regard de l'ensemble de ces considérations, la condition d'urgence prévue à l'article L. 521-1 du code de justice administrative ne peut pas être regardée comme étant remplie.

7. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur l'existence d'un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée, que l'association Bien vivre en Provence n'est pas fondée à demander la suspension de l'exécution de la délibération du 21 mars 2017 par laquelle le conseil municipal de Saint-Marc-Jaumegarde a approuvé le plan local d'urbanisme (PLU) de la commune.

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la Métropole d'Aix-Marseille-Provence, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il n'y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'association Bien vivre en Provence le versement à la métropole d'Aix-Marseille-Provence de la somme qu'elle demande au titre de ces mêmes dispositions.

D E C I D E :

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Article 1er : L'ordonnance n° 1704521 du 22 décembre 2017 du juge des référés du tribunal administratif de Toulon est annulée.

Article 2 : La demande de l'association Bien vivre en Provence tendant à la suspension de l'exécution de la délibération du 21 mars 2017 par laquelle le conseil municipal de Saint-Marc-Jaumegarde a approuvé le plan local d'urbanisme de la commune est rejetée.

Article 3 : Les conclusions présentées par l'association Bien vivre en Provence et par la Métropole d'Aix-Marseille-Provence au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à l'association Bien vivre en Provence, à la commune de Saint-Marc-Jaumegarde et à la Métropole d'Aix-Marseille-Provence.


Synthèse
Formation : 6ème et 5ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 417139
Date de la décision : 22/10/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 22 oct. 2018, n° 417139
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Marie-Laure Denis
Rapporteur public ?: M. Louis Dutheillet de Lamothe
Avocat(s) : SCP WAQUET, FARGE, HAZAN ; SCP HEMERY, THOMAS-RAQUIN, LE GUERER

Origine de la décision
Date de l'import : 30/10/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2018:417139.20181022
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