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25/06/2018 | FRANCE | N°402078

France | France, Conseil d'État, 8ème - 3ème chambres réunies, 25 juin 2018, 402078


Vu la procédure suivante :

La société Groupe Bigard a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler la délibération du 15 novembre 2011 par laquelle le conseil municipal de la commune de Forges-les-Eaux a retiré ses délibérations du 7 novembre 2005, du 30 mars 2006 et du 2 juin 2008 autorisant la cession de l'abattoir et de l'atelier de découpe implantés sur les parcelles cadastrées section AL numéros 228, 249, 250, 293, 294 et 295. Par un jugement n° 1200455 du 28 janvier 2014, ce tribunal a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 14DA00557 du 2 juin 2016, la

cour administrative d'appel de Douai a rejeté l'appel formé par la société ...

Vu la procédure suivante :

La société Groupe Bigard a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler la délibération du 15 novembre 2011 par laquelle le conseil municipal de la commune de Forges-les-Eaux a retiré ses délibérations du 7 novembre 2005, du 30 mars 2006 et du 2 juin 2008 autorisant la cession de l'abattoir et de l'atelier de découpe implantés sur les parcelles cadastrées section AL numéros 228, 249, 250, 293, 294 et 295. Par un jugement n° 1200455 du 28 janvier 2014, ce tribunal a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 14DA00557 du 2 juin 2016, la cour administrative d'appel de Douai a rejeté l'appel formé par la société Groupe Bigard contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 2 août et 2 novembre 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Groupe Bigard demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Forges-les-Eaux la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Karin Ciavaldini, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Benoît Bohnert, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Garreau, Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, avocat de la société Groupe Bigard et à Me Carbonnier, avocat de la commune de Forges-les-Eaux.

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la commune de Forges-les-Eaux a exploité un abattoir en régie directe puis, à partir de 1973, dans le cadre d'une régie dotée de la personnalité morale et de l'autonomie financière, les installations comprenant un abattoir et un atelier de découpe, construit en 1988, implantés sur des parcelles adjacentes. Un contrat de crédit-bail portant sur l'atelier de découpe a été conclu avec une société privée à compter de 1988, tandis qu'un contrat de bail à construction portant sur l'abattoir a été conclu avec la société d'abattage du pays de Bray le 7 février 1990. Ces contrats sont parvenus à échéance sans que l'option d'achat prévue par le premier ne soit exercée, ni qu'il soit donné suite à la promesse de vente dont était assorti le second. Par une délibération du 7 novembre 2005, confirmée par une délibération du 30 mars 2006, le conseil municipal de Forges-les-Eaux a décidé de céder l'atelier de découpe à la société Arcadie Centre Est, dont le fonds de commerce à Forges-les-Eaux a été cédé à la société Groupe Bigard le 21 novembre 2006. Par une seconde délibération du 2 juin 2008, le conseil municipal de Forges-les-Eaux a décidé de céder l'abattoir à la société Groupe Bigard. Toutefois, par une délibération du 15 novembre 2011, le conseil municipal de Forges-les-Eaux a décidé de retirer ces précédentes délibérations. Par un jugement du 28 janvier 2014, le tribunal administratif de Rouen a rejeté la demande de la société tendant à l'annulation de la délibération du 15 novembre 2011. Par l'arrêt attaqué du 2 juin 2016, la cour administrative d'appel de Douai a rejeté l'appel de la société contre ce jugement.

2. En vertu du principe désormais énoncé à l'article L. 3111-1 du code général de la propriété des personnes publiques, les biens qui relèvent du domaine public des personnes publiques sont inaliénables et imprescriptibles. Leur cession ne peut intervenir, s'agissant de biens affectés à un service public, qu'après qu'ils ont fait l'objet d'une désaffectation et d'une décision expresse de déclassement.

3. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que les délibérations du conseil municipal de Forges-les-Eaux des 30 mars 2006 et 2 juin 2008 que la décision attaquée du 15 novembre 2011 a décidé de " rapporter ", eu égard à leurs termes et compte tenu du principe d'inaliénabilité et d'imprescriptibilité du domaine public rappelé au point 2, avaient pour portée d'autoriser la cession à une personne privée d'une dépendance du domaine public sous la réserve qu'il soit procédé préalablement à la désaffectation et au déclassement formel du bien en cause. Il en résulte que de telles délibérations ne sauraient être regardées comme conférant, par elles-mêmes, à la personne qu'elles désignent comme l'acquéreur, un droit à la réalisation de la vente. Le conseil municipal pouvait dès lors et sans y être tenu, tant que la désaffectation et le déclassement du bien n'étaient pas intervenus, légalement abroger à tout moment de telles délibérations dépourvues d'effet direct.

4. Il découle de ce qui précède que la cour administrative d'appel n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant que les délibérations des 7 novembre 2005, 30 mars 2006 et 2 juin 2008 par lesquelles le conseil municipal de Forges-les-Eaux a autorisé la cession de l'abattoir et de l'atelier de découpe qui, faute de décision expresse de déclassement, n'avaient pas cessé d'appartenir au domaine public municipal, n'avaient pu créer, au profit de la société Groupe Bigard, de droit à la réalisation de cette cession. En revanche, en jugeant que la commune de Forges-les-Eaux était légalement tenue de procéder à leur retrait, pour en déduire que, du fait de la situation de compétence liée dans laquelle se trouvait ainsi le conseil municipal, la société ne pouvait utilement soutenir que la délibération attaquée était entachée d'irrégularité et d'erreur de fait, la cour a entaché son arrêt d'erreur de droit.

5. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, l'arrêt du 2 juin 2016 de la cour administrative d'appel de Douai doit être annulé.

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Forges-les-Eaux la somme de 3 000 euros à verser à la société Groupe Bigard au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt du 2 juin 2016 de la cour administrative d'appel de Douai est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Douai.

Article 3 : La commune de Forges-les-Eaux versera la somme de 3 000 euros à la société Groupe Bigard au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société Groupe Bigard et à la commune de Forges-les-Eaux.


Synthèse
Formation : 8ème - 3ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 402078
Date de la décision : 25/06/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 25 jui. 2018, n° 402078
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Karin Ciavaldini
Rapporteur public ?: M. Benoît Bohnert
Avocat(s) : SCP GARREAU, BAUER-VIOLAS, FESCHOTTE-DESBOIS ; CARBONNIER

Origine de la décision
Date de l'import : 03/07/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2018:402078.20180625
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