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31/01/2018 | FRANCE | N°417174

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 31 janvier 2018, 417174


Vu la procédure suivante :

M. B...A...a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Mayotte, statuant sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'une part, de suspendre l'exécution de l'arrêté du 24 décembre 2017 par lequel le préfet de Mayotte lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français, a fixé l'Union des Comores comme pays de destination et l'a interdit de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans et, d'autre part, d'enjoindre au préfet de Mayotte de prendre les me

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Vu la procédure suivante :

M. B...A...a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Mayotte, statuant sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'une part, de suspendre l'exécution de l'arrêté du 24 décembre 2017 par lequel le préfet de Mayotte lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français, a fixé l'Union des Comores comme pays de destination et l'a interdit de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans et, d'autre part, d'enjoindre au préfet de Mayotte de prendre les mesures nécessaires pour organiser son retour à Mayotte, aux frais de l'Etat, dans un délai de cinq jours sous astreinte de 100 euros par jour de retard. Par une ordonnance n° 1701431 du 27 décembre 2017, le juge des référés du tribunal administratif a suspendu l'exécution de cet arrêté en tant qu'il porte obligation de quitter le territoire français et interdiction de retour et a rejeté le surplus de sa demande.

Par une requête, enregistrée le 9 janvier 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A...demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :

1°) d'annuler cette ordonnance en tant qu'elle rejette ses conclusions aux fins d'injonction ;

2°) d'ordonner au préfet de Mayotte et aux autorités consulaires à Moroni de prendre les mesures nécessaires pour organiser son retour à Mayotte, aux frais de l'Etat, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

3°) de l'admettre provisoirement au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la condition d'urgence est remplie dès lors qu'il ne peut solliciter la délivrance d'un visa pour rejoindre son épouse tant que le préfet de Mayotte n'a pas retiré l'arrêté suspendu ;

- il est porté une atteinte grave et manifestement illégale à son droit de mener une vie privée et familiale normale à Mayotte ainsi que l'a retenu le juge des référés du tribunal administratif de Mayotte, sans que son ordonnance n'y mette toutefois fin ;

- il a été porté une atteinte grave et manifestement illégale à son droit à un recours effectif dès lors que l'arrêté a été exécuté avant que le juge des référés, saisi antérieurement à son éloignement, n'ait pu se prononcer sur sa requête.

Par un mémoire en intervention, enregistré le 10 janvier 2017, l'association " Groupe d'information et de soutien des immigré.e.s (le GISTI)" demande au Conseil d'Etat de faire droit aux conclusions de la requête.

Par un mémoire en intervention, enregistré le 11 janvier 2018, l'association " la Cimade " demande au Conseil d'Etat de faire droit aux conclusions de la requête.

Par un mémoire en défense, enregistré les 15 janvier 2018, le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête. Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par le requérant à l'appui de sa demande n'est fondé.

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, M.A..., la Cimade et le Gisti, d'autre part, le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur ;

Vu le procès-verbal de l'audience publique du mardi 16 janvier 2018 à 17 heures au cours de laquelle ont été entendus :

- Me Poupet, avocate au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocate de M. A... ;

- les représentants du ministre d'Etat, ministre de l'intérieur ;

- les représentants du GISTI ;

- le représentant de la Cimade ;

et à l'issue de laquelle le juge des référés a différé la clôture de l'instruction au vendredi 19 janvier à 12 heures, puis, après en avoir à chaque fois informé les parties, successivement au lundi 22 janvier à 12 heures, au mardi 23 janvier 2018 à 12 heures et au mardi 30 janvier à 12 heures ;

Vu les nouveaux mémoires, enregistrés les 18, 22, 23 et 29 janvier 2018, par lesquels le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur conclut au non-lieu à statuer sur les conclusions présentées par M. A...;

Vu les nouveaux mémoires, enregistrés les 19, 22, 23 et 29 janvier 2018, par lesquels M. A... demande désormais d'ordonner au ministère de l'intérieur, avec le concours des autorités consulaires françaises aux Comores, de prendre les mesures nécessaires pour organiser son retour à Mayotte, aux frais de l'Etat, dans un délai de quarante-huit heures et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et pour le surplus, persiste dans ses précédentes écritures ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Sur les interventions en demande :

1. Considérant que l'association " Groupe d'information et de soutien des immigré.e.s (le GISTI)" et l'association " la Cimade ", qui interviennent au soutien des conclusions de la requête, justifient, eu égard à leur objet statutaire et à la nature du litige, d'un intérêt suffisant pour intervenir dans la présente instance ; que leurs interventions sont, par suite, recevables ;

Sur la requête d'appel de M.A... :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures " ;

3. Considérant que M.A..., ressortissant comorien, né le 24 août 1984 aux Comores, qui réside à Mayotte, auprès de son épouse -laquelle dispose d'une carte de résident- et de leurs enfants, a fait l'objet, le 24 décembre 2017, d'un arrêté du préfet de Mayotte lui faisant obligation de quitter sans délai le territoire français, fixant l'Union des Comores comme pays de destination et l'interdisant de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans ; que, placé en rétention, il a été éloigné à destination de l'Union des Comores dès le 25 décembre, alors même que l'obligation de quitter le territoire français litigieuse ne pouvait, en application des dispositions du 3° de l'article L. 514-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, faire l'objet d'une exécution d'office, dès lors qu'il avait antérieurement saisi le tribunal administratif d'une demande sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative et que le juge des référés n'avait pas, à cette date, informé les parties de la tenue, ou non, d'une audience publique ;

4. Considérant que, par une ordonnance du 27 décembre 2017, le juge des référés du tribunal administratif de Mayotte a jugé que M. A...est fondé à soutenir que cet arrêté du préfet de Mayotte, en tant qu'il lui fait obligation de quitter sans délai le territoire français et lui interdit de revenir sur le territoire français pendant une durée de trois ans, porte une atteinte grave et manifestement illégale à son droit au respect de sa vie privée et familiale ; que, dès lors, il en a suspendu, dans cette mesure, l'exécution ; qu'en revanche, il a rejeté les conclusions de M. A...tendant à ce qu'il soit enjoint à l'Etat d'organiser, dans les meilleurs délais, son retour à Mayotte ; que M. A...relève appel de cette ordonnance en tant qu'elle a rejeté de telles conclusions ;

5. Considérant que, postérieurement à l'introduction de la requête de M. A..., l'administration a permis son retour, le 28 janvier 2018, à Mayotte ; qu'il est, en outre, autorisé à y séjourner provisoirement ; que, dans ces conditions, les conclusions d'appel de M. A...tendant à ce que le juge des référés du Conseil d'Etat fasse usage des pouvoirs qu'il tient de l'article L. 521-2 du code de justice administrative en vue de mettre fin à l'illégalité grave et manifeste constatée par le juge des référés du tribunal administratif de Mayotte sont devenues sans objet ; que, dès lors, il n'y a plus lieu d'y statuer ;

6. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'admettre M. A... au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire et de faire droit aux conclusions qu'il a présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, en mettant à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à la SCP de Nervo, Poupet, avocat de l'intéressé devant le Conseil d'Etat, sous réserve que celle-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat ;

O R D O N N E :

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Article 1er : Les interventions du GISTI et de la Cimade sont admises.

Article 2 : M. A...est admis à l'aide juridictionnelle à titre provisoire.

Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions présentées par M. A...aux fins d'annulation partielle de l'ordonnance du 27 décembre 2017 du juge des référés du tribunal administratif de Mayotte.

Article 4 : L'Etat versera une somme de 3 000 euros à la SCP de Nervo, Poupet, avocat de M. A..., sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, à la condition que cette société renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. B...A..., au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, à l'association " Groupe d'information et de soutien des immigré.e.s (le GISTI) " et à l'association " la Cimade ".


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 417174
Date de la décision : 31/01/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 31 jan. 2018, n° 417174
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Avocat(s) : SCP DE NERVO, POUPET

Origine de la décision
Date de l'import : 20/02/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2018:417174.20180131
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