La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

27/12/2017 | FRANCE | N°410383

France | France, Conseil d'État, 5ème chambre, 27 décembre 2017, 410383


Vu la procédure suivante :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 27 février 2015 par laquelle le ministre de l'intérieur a constaté la perte de validité de son permis de conduire pour solde de points nul et d'enjoindre au ministre de l'intérieur de lui restituer ce titre affecté des points illégalement retirés. Par un jugement n° 1053261 du 7 mars 2017, le tribunal administratif a partiellement fait droit à sa demande en annulant la décision du 27 février 2015 et en enjoignant au ministre de l'intérieur de réexaminer sa situatio

n.

Par un pourvoi, enregistré le 10 mai 2017 au secrétariat du conten...

Vu la procédure suivante :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 27 février 2015 par laquelle le ministre de l'intérieur a constaté la perte de validité de son permis de conduire pour solde de points nul et d'enjoindre au ministre de l'intérieur de lui restituer ce titre affecté des points illégalement retirés. Par un jugement n° 1053261 du 7 mars 2017, le tribunal administratif a partiellement fait droit à sa demande en annulant la décision du 27 février 2015 et en enjoignant au ministre de l'intérieur de réexaminer sa situation.

Par un pourvoi, enregistré le 10 mai 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'intérieur demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter la demande de M.B....

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la route ;

- le code de procédure pénale ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Marc Lambron, conseiller d'Etat,

- les conclusions de Mme Laurence Marion, rapporteur public.

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. B... a commis le 3 juillet 2014 une infraction qui a donné lieu à un jugement contradictoire prononcé par la juridiction de proximité de Villeurbanne, devenu définitif le 26 janvier 2015, selon la mention portée sur le relevé intégral d'information relatif à son permis de conduire ; que le ministre de l'intérieur s'est fondé sur cette mention pour retirer huit points de ce permis et pour prendre le 27 février 2015 une décision constatant qu'il avait perdu sa validité pour solde de points nul ; qu'il se pourvoit en cassation contre le jugement du 7 mars 2017 par lequel le tribunal administratif de Lyon, statuant sur la demande de M.B..., a annulé cette décision et lui a enjoint de réexaminer la situation de l'intéressé ;

2. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 223-1 du code de la route : " Le permis de conduire est affecté d'un nombre de points. Celui-ci est réduit de plein droit si le titulaire du permis a commis une infraction pour laquelle cette réduction est prévue. / (...) / La réalité d'une infraction entraînant retrait de points est établie par le paiement d'une amende forfaitaire ou l'émission du titre exécutoire de l'amende forfaitaire majorée, l'exécution d'une composition pénale ou par une condamnation définitive " ;

3. Considérant, d'autre part, que l'article L. 225-1 du code de la route fixe la liste des informations qui, sous l'autorité et le contrôle du ministre de l'intérieur, sont enregistrées au sein du système national des permis de conduire ; qu'en particulier le 6° de cet article prévoit l'enregistrement dans ce système " de toutes décisions judiciaires à caractère définitif en tant qu'elles portent restriction de validité, suspension, annulation et interdiction de délivrance du permis de conduire, ou qu'elles emportent réduction du nombre de points du permis de conduire ainsi que de l'exécution d'une composition pénale " ; qu'en vertu de l'arrêté du 29 juin 1992 fixant les supports techniques de la communication par le ministère public au ministère de l'intérieur des informations prévues à l'article L. 30 (4°, 5°, 6° et 7°), devenu l'article L. 225-1 (3°, 4°, 5° et 6°), du code de la route, les informations mentionnées au 6° de l'article L. 225-1 du code de la route, sont communiquées par l'officier du ministère public par support ou liaison informatique ;

4. Considérant qu'il résulte des dispositions citées au point 3 que le mode d'enregistrement et de contrôle des informations relatives aux infractions au code de la route conduit à considérer que la réalité de l'infraction est établie dans les conditions prévues à l'article L. 223-1 du code de la route dès lors qu'est inscrite, dans le système national des permis de conduire, la mention d'une condamnation pénale devenue définitive ; que le titulaire d'un permis de conduire n'établit pas, ainsi qu'il lui incombe de le faire, l'inexactitude d'une telle mention en se bornant à justifier qu'il a présenté un recours contre une condamnation à une date postérieure à celle à laquelle, selon le relevé intégral d'information relatif à son permis, elle a acquis un caractère définitif ; que, dans l'hypothèse où la juridiction pénale, statuant sur le recours ainsi introduit, le jugerait recevable et annulerait la condamnation postérieurement au rejet par le juge administratif du recours dirigé contre la décision de retrait de points ou celle constatant la perte de validité du permis, il appartiendrait à l'administration de retirer cette décision ;

5. Considérant, par suite, qu'en retenant que la réalité de l'infraction du 3 juillet 2014 ne pouvait être regardée comme établie, au seul motif que M. B...soutenait avoir, le 13 mars 2015, interjeté appel du jugement de la juridiction de proximité de Villeurbanne, alors que, selon le relevé intégral d'information le concernant, ce jugement avait acquis un caractère définitif le 26 janvier 2015, le tribunal administratif de Lyon a commis une erreur de droit ; que cette erreur justifie, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen du pourvoi, l'annulation de son jugement ;

6. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative

7. Considérant que si M. B...soutient avoir, le 13 mars 2015, interjeté appel du jugement de la juridiction de proximité de Villeurbanne, l'existence de ce recours, à la supposer établie, n'est pas à elle seule, ainsi qu'il est dit au point 5, de nature à remettre en cause l'exactitude de la mention figurant à son relevé intégral d'information, selon laquelle ce jugement a acquis un caractère définitif le 26 janvier 2015 ; que, par suite, la réalité de l'infraction du 3 juillet 2014 doit être regardée comme établie conformément aux dispositions de l'article L. 223-3 du code de la route ;

8. Considérant que les conditions de la notification au conducteur des retraits de points de son permis de conduire, prévue par les dispositions précitées, ne conditionnent pas la régularité de la procédure suivie et partant, la légalité de ces retraits ; que cette procédure a pour seul objet de rendre ceux-ci opposables à l'intéressé et de faire courir le délai dont dispose celui-ci pour en contester la légalité devant la juridiction administrative ; que la circonstance que le ministre de l'intérieur ne soit pas en mesure d'apporter la preuve que la notification des retraits successifs, effectuée par lettre simple, a bien été reçue par son destinataire, ne saurait lui interdire de constater que le permis a perdu sa validité, dès lors, que dans la décision procédant au retrait des derniers points, il récapitule les retraits antérieurs et les rend ainsi opposables au conducteur qui demeure recevable à exciper de l'illégalité de chacun de ces retraits ; qu'en l'espèce, le ministre de l'intérieur, qui constatait que l'infraction du 3 juillet 2014 emportait retrait des huit points dont était affecté à cette date le permis probatoire de M.B..., a pu légalement porter par une même décision à la connaissance de l'intéressé l'intervention de ce retrait et la perte de validité de son titre de conduite ;

9. Considérant que la délivrance, au titulaire du permis de conduire à l'encontre duquel est relevée une infraction donnant lieu à retrait de points, de l'information prévue aux articles L. 223-3 et R. 223-3 du code de la route constitue une garantie essentielle donnée à l'auteur de l'infraction pour lui permettre, avant d'en reconnaître la réalité par le paiement d'une amende forfaitaire ou l'exécution d'une composition pénale, d'en mesurer les conséquences sur la validité de son permis et éventuellement d'en contester la réalité devant le juge pénal ; qu'elle revêt le caractère d'une formalité substantielle et conditionne la régularité de la procédure au terme de laquelle le retrait de points est décidé ; que toutefois, lorsque la réalité de l'infraction a été établie par une condamnation devenue définitive prononcée par le juge pénal qui a statué sur tous les éléments de fait et de droit portés à sa connaissance et que l'auteur de l'infraction a ainsi pu la contester, l'omission de cette formalité est sans influence sur la régularité du retrait de points résultant de la condamnation ; qu'ainsi, la réalité de l'infraction du 3 juillet 2014 ayant été établie par une condamnation devenue définitive prononcée par la juridiction de proximité de Villeurbanne, M. B...ne saurait utilement soutenir qu'il n'a pas bénéficié, à l'occasion de cette infraction, de l'information préalable prévue par les dispositions des articles L. 222-3 et R. 222-3 du code de la route ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les conclusions aux fins d'annulation de M. B...doivent être rejetées, ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonctions et ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

11. Considérant que si le ministre de l'intérieur, qui n'a pas eu recours au ministère d'avocat, demande qu'une somme soit mise à la charge de M. B...au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens, il ne fait état d'aucun frais spécifiquement exposé pour assurer la défense de l'Etat devant le tribunal administratif ; que ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, qu'être rejetées ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le jugement du 7 mars 2017 du tribunal administratif de Lyon est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. B...devant le tribunal administratif de Lyon est rejetée.

Article 3 : Les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative par le ministre de l'intérieur devant le tribunal administratif de Lyon sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et à M. A... B....


Synthèse
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 410383
Date de la décision : 27/12/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 27 déc. 2017, n° 410383
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Marc Lambron
Rapporteur public ?: Mme Laurence Marion

Origine de la décision
Date de l'import : 16/01/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2017:410383.20171227
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award