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18/12/2017 | FRANCE | N°409694

France | France, Conseil d'État, 5ème - 4ème chambres réunies, 18 décembre 2017, 409694


Vu la procédure suivante :

Mme B...A...a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Melun d'ordonner, sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de la décision du 30 janvier 2017 par laquelle le préfet de Seine-et-Marne a suspendu son permis de conduire pour une durée de quatre mois en raison d'une infraction au code de la route. Par une ordonnance n°1701930 du 22 mars 2017, le juge des référés du tribunal administratif de Melun a suspendu l'exécution de cette décision jusqu'à ce qu'il soit statu

sur la demande de l'intéressée tendant à son annulation.

Par un po...

Vu la procédure suivante :

Mme B...A...a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Melun d'ordonner, sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de la décision du 30 janvier 2017 par laquelle le préfet de Seine-et-Marne a suspendu son permis de conduire pour une durée de quatre mois en raison d'une infraction au code de la route. Par une ordonnance n°1701930 du 22 mars 2017, le juge des référés du tribunal administratif de Melun a suspendu l'exécution de cette décision jusqu'à ce qu'il soit statué sur la demande de l'intéressée tendant à son annulation.

Par un pourvoi enregistré le 11 avril 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'intérieur demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) réglant l'affaire au titre de la procédure de référé, de rejeter les conclusions de Mme A... ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de la route ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Olivier Rousselle, conseiller d'Etat,

- les conclusions de Mme Laurence Marion, rapporteur public.

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que, le 27 janvier 2017, Mme A...a provoqué, au volant de son véhicule, un accident de la circulation qui a entraîné un dommage corporel pour la conductrice d'un autre véhicule ; qu'un test de dépistage de l'imprégnation alcoolique ayant révélé une concentration d'alcool dans l'air expiré supérieure au seuil prévu à l'article L. 234-1 du code de la route, son permis de conduire a été retenu en application de l'article L. 224-1 du même code ; que, le 30 janvier 2017, le préfet de Seine-et-Marne a suspendu la validité de ce permis pour une période de quatre mois et prévu qu'au terme de cette période l'intéressée devrait se soumettre à une visite médicale en application des dispositions de l'article R. 221-14 de ce code ; que, par une ordonnance du 22 mars 2017 contre laquelle le ministre de l'intérieur se pourvoit en cassation, le juge des référés du tribunal administratif de Melun, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, a suspendu l'exécution de cette décision ;

2. Considérant que l'article L. 224-1 du code de la route prévoit que les officiers et agents de police judiciaire procèdent à la rétention à titre conservatoire d'un permis de conduire, notamment lorsqu'il est constaté ou suspecté que son titulaire conduisait en état d'ivresse ou sous l'empire de l'état alcoolique défini à l'article L. 234-1 du même code ; que l'article L. 224-2 du même code permet au préfet, dans les 72 heures qui suivent, de suspendre le permis pour une durée pouvant aller jusqu'à six mois, lorsque l'état alcoolique est prouvé ; que le même article prévoit que, si le permis n'est pas suspendu dans ce délai de 72 heures, il est remis à la disposition de son titulaire " sans préjudice de l'application ultérieure des articles L. 224-7 à L. 224-9 " ; qu'aux termes de l'article L. 224-7 : " Saisi d'un procès-verbal constatant une infraction punie par le présent code de la peine complémentaire de suspension du permis de conduire, le représentant de l'Etat dans le département où cette infraction a été commise peut, s'il n'estime pas devoir procéder au classement, prononcer à titre provisoire soit un avertissement, soit la suspension du permis de conduire ou l'interdiction de sa délivrance " ;

3. Considérant qu'il ressort des termes mêmes de la décision litigieuse que le préfet de Seine-et-Marne, qui a statué dans le délai de 72 heures après la rétention du permis de conduire de MmeA..., a prononcé la suspension de ce permis sur le fondement des dispositions de l'article L. 224-2 du code de la route ; qu'en retenant que cette décision avait été prise sur le fondement de l'article L. 224-7 du même code, pour en déduire que le préfet de Seine-et-Marne avait entaché d'irrégularité la décision de suspension du permis en ne respectant pas les dispositions du code des relations entre le public et l'administration et que ce moyen était de nature à créer un doute sérieux sur la légalité de cette décision, le juge des référés a dénaturé les pièces du dossier ; que son ordonnance doit, dès lors, être annulée ;

4. Considérant qu'il y a lieu dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L.821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au titre de la procédure de référé ;

5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision. (...) " ;

6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable. " ; qu'aux termes de l'article L. 121-2 du même code : " Les dispositions de l'article L. 121-1 ne sont pas applicables : 1° En cas d'urgence ou de circonstances exceptionnelles ; 2° Lorsque leur mise en oeuvre serait de nature à compromettre l'ordre public ou la conduite des relations internationales ; 3° Aux décisions pour lesquelles des dispositions législatives ont instauré une procédure contradictoire particulière ; (...) " ; que les modalités de la procédure contradictoire applicables aux décisions mentionnées à l'article L.211-2 sont définies à l'article L. 122-1 du même code ; que la suspension d'un permis de conduire est une mesure de police qui doit être motivée en application de l'article L. 211-2 du même code ;

7. Considérant que, compte tenu des conditions particulières d'urgence dans lesquelles intervient la décision par laquelle le préfet suspend un permis de conduire sur le fondement de l'article L.224-2 du code de la route, qui doit être prise dans les 72 heures et qui a pour objet de faire obstacle à ce qu'un conducteur dont l'état d'ébriété a été établi retrouve l'usage de son véhicule, le préfet peut légalement, en application du 1° de l'article L. 121-2 du code des relations entre le public et l'administration cité ci-dessus, se dispenser de cette formalité ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A...ne peut utilement soutenir que l'arrêté du 30 janvier 2017, pris sur le fondement de l'article L. 224-2 du code de la route, est intervenu en méconnaissance des dispositions de l'article L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration faute pour le préfet de l'avoir mise à même de présenter ses observations et de se faire assister d'un avocat ;

9. Considérant que pour demander la suspension de la décision litigieuse, Mme A... soutient en outre que la compétence de l'auteur de cette décision n'est pas établie et qu'elle est insuffisamment motivée ; qu'aucun de ces moyens n'est propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée ;

10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la condition d'urgence, que Mme A...n'est pas fondée à demander la suspension de la décision du 30 janvier 2017 du préfet de Seine-et-Marne ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'ordonnance du 22 mars 2017 du juge des référés du tribunal administratif de Melun est annulée.

Article 2 : La requête présentée par Mme A...devant le tribunal administratif de Melun est rejetée.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et à Mme B...A....


Synthèse
Formation : 5ème - 4ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 409694
Date de la décision : 18/12/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

ACTES LÉGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS - VALIDITÉ DES ACTES ADMINISTRATIFS - FORME ET PROCÉDURE - QUESTIONS GÉNÉRALES - MOTIVATION - MOTIVATION OBLIGATOIRE - MOTIVATION OBLIGATOIRE EN VERTU DES ARTICLES 1 ET 2 DE LA LOI DU 11 JUILLET 1979 - SUSPENSION DU PERMIS DE CONDUIRE DANS LES 72 HEURES SUIVANT LA RÉTENTION DE CE PERMIS (ART - L - 224-2 DU CODE DE LA ROUTE).

01-03-01-02-01-01 La suspension d'un permis de conduire dans les 72 heures de la rétention de ce permis, sur le fondement de l'article L. 224-2 du code de la route, est une mesure de police qui doit être motivée en application de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration.

ACTES LÉGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS - VALIDITÉ DES ACTES ADMINISTRATIFS - FORME ET PROCÉDURE - PROCÉDURE CONTRADICTOIRE - CARACTÈRE OBLIGATOIRE - SUSPENSION DU PERMIS DE CONDUIRE DANS LES 72 HEURES SUIVANT LA RÉTENTION DE CE PERMIS (ART - L - 224-2 DU CODE DE LA ROUTE) - OBLIGATION DE MOTIVATION - 1) EXISTENCE - CONSÉQUENCE - PROCÉDURE CONTRADICTOIRE APPLICABLE - PROCÉDURE DÉFINIE À L'ART - L - 122-1 DU CRPA [RJ1] - 2) DISPENSE AU TITRE DE L'EXCEPTION D'URGENCE PRÉVUE PAR L'ART - L - 122-1 DU CRPA - EXISTENCE [RJ2].

01-03-03-01 1) La suspension d'un permis de conduire est une mesure de police qui doit être motivée en application de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration. Les modalités de la procédure contradictoire applicables aux décisions mentionnées à l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration (CRPA) sont définies à l'article L. 122-1 du même code.... ,,2) Compte tenu des conditions particulières d'urgence dans lesquelles intervient la décision par laquelle le préfet suspend un permis de conduire sur le fondement de l'article L. 224-2 du code de la route, qui doit être prise dans les 72 heures et qui a pour objet de faire obstacle à ce qu'un conducteur dont l'état d'ébriété a été établi retrouve l'usage de son véhicule, le préfet peut légalement, en application du 1° de l'article L. 121-2 du CRPA, se dispenser de cette formalité.

POLICE - POLICE GÉNÉRALE - CIRCULATION ET STATIONNEMENT - PERMIS DE CONDUIRE - SUSPENSION - SUSPENSION DANS LES 72 HEURES SUIVANT LA RÉTENTION DU PERMIS (ART - L - 224-2 DU CODE DE LA ROUTE) - OBLIGATION DE MOTIVATION - 1) EXISTENCE - CONSÉQUENCE - PROCÉDURE CONTRADICTOIRE APPLICABLE - PROCÉDURE DÉFINIE À L'ART - L - 122-1 DU CRPA [RJ1] - 2) DISPENSE AU TITRE DE L'EXCEPTION D'URGENCE PRÉVUE PAR L'ART - L - 122-1 DU CRPA - EXISTENCE [RJ2].

49-04-01-04-02 1) La suspension d'un permis de conduire est une mesure de police qui doit être motivée en application de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration(CRPA). Les modalités de la procédure contradictoire applicables aux décisions mentionnées à l'article L. 211-2 du CRPA sont définies à l'article L. 122-1 du même code.... ,,2) Compte tenu des conditions particulières d'urgence dans lesquelles intervient la décision par laquelle le préfet suspend un permis de conduire sur le fondement de l'article L. 224-2 du code de la route, qui doit être prise dans les 72 heures et qui a pour objet de faire obstacle à ce qu'un conducteur dont l'état d'ébriété a été établi retrouve l'usage de son véhicule, le préfet peut légalement, en application du 1° de l'article L. 121-2 du CRPA, se dispenser de cette formalité.


Références :

[RJ1]

Rappr., lorsque le permis est suspendu sur le fondement de l'art. L. 224-7 du code de la route, CE, 28 septembre 2016, Min. de l'intérieur c/,, n° 390438, T. pp. 610-612-851., ,

[RJ2]

Comp., lorsque le permis est suspendu sur le fondement de l'art. L. 224-7 du code de la route, CE, 28 septembre 2016, Min. de l'intérieur c/,, n° 390438, T. pp. 610-612-85.


Publications
Proposition de citation : CE, 18 déc. 2017, n° 409694
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Olivier Rousselle
Rapporteur public ?: Mme Laurence Marion

Origine de la décision
Date de l'import : 26/01/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2017:409694.20171218
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