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18/10/2017 | FRANCE | N°414864

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 18 octobre 2017, 414864


Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 5 octobre 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B...A...demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) d'ordonner la suspension de l'exécution de la décision du 5 septembre 2017 par laquelle le Conseil national de l'ordre des médecins, statuant en formation restreinte, l'a suspendu du droit d'exercer la médecine pour une durée de trois mois et a subordonné la reprise de son activité professionnelle aux

résultats d'une nouvelle expertise :

2°) de mettre à la charge du Conse...

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 5 octobre 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B...A...demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) d'ordonner la suspension de l'exécution de la décision du 5 septembre 2017 par laquelle le Conseil national de l'ordre des médecins, statuant en formation restreinte, l'a suspendu du droit d'exercer la médecine pour une durée de trois mois et a subordonné la reprise de son activité professionnelle aux résultats d'une nouvelle expertise :

2°) de mettre à la charge du Conseil national de l'ordre des médecins la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la condition d'urgence est remplie dès lors que la décision contestée entraîne des conséquences difficilement réparables tenant, d'une part, à la privation de son activité professionnelle ou de tout autre poste et, par voie de conséquence, de ses revenus et, d'autre part, au discrédit qu'elle lui fait subir alors même que les experts ont conclu à l'impossibilité de lui interdire l'exercice de la médecine ;

- il existe un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée ;

- elle est entachée d'un vice de forme dès lors qu'elle n'a pas été signée par le président de la formation restreinte du Conseil national de l'ordre des médecins ;

- elle est entachée d'incompétence en ce que seul le président de la formation restreinte du conseil régional de Provence-Alpes-Côte d'Azur de l'ordre des médecins pouvait prononcer à son égard une suspension du droit d'exercer la médecine, le délai de deux mois permettant au Conseil national de l'ordre des médecins de statuer n'étant pas expiré ;

- elle a été prise en méconnaissance de l'article R. 4124-3-1 du code de la santé publique en ce qu'elle a été adoptée, d'une part, avant que le dossier ne soit examiné par la formation restreinte du Conseil national de l'ordre des médecins et, d'autre part, avant qu'il ait pu faire valoir ses observations ;

- elle est entachée d'une erreur de fait dès lors que, lorsqu'elle a été adoptée, il n'était pas dans un état pathologique rendant dangereux l'exercice de sa profession.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 octobre 2017, le Conseil national de l'ordre des médecins conclut au rejet de la requête. Il soutient que la condition d'urgence n'est pas remplie et qu'aucun des moyens soulevés par le requérant n'est de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, M.A..., d'autre part, le Conseil national de l'ordre des médecins ;

Vu le procès-verbal de l'audience publique du lundi 16 octobre 2017 à 16 heures 30 au cours de laquelle ont été entendus :

- Me Ortscheidt, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de M. B...A... ;

- Me Poupot, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat du Conseil national de l'ordre des médecins ;

et à l'issue de laquelle le juge des référés a clos l'instruction ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ".

2. Aux termes de l'article R. 4124-3 du code de la santé publique : " I. Dans le cas d'infirmité ou d'état pathologique rendant dangereux l'exercice de la profession, la suspension temporaire du droit d'exercer est prononcée par le conseil régional ou interrégional pour une période déterminée, qui peut, s'il y a lieu, être renouvelée. Le conseil est saisi à cet effet soit par le directeur général de l'agence régionale de santé soit par une délibération du conseil départemental ou du conseil national. Ces saisines ne sont pas susceptibles de recours. / II. - La suspension ne peut être ordonnée que sur un rapport motivé établi à la demande du conseil régional ou interrégional par trois médecins désignés comme experts, le premier par l'intéressé, le deuxième par le conseil régional ou interrégional et le troisième par les deux premiers experts. (...) / VI. - Si le conseil régional ou interrégional n'a pas statué dans le délai de deux mois à compter de la réception de la demande dont il est saisi, l'affaire est portée devant le Conseil national de l'ordre. / VII. - La notification de la décision de suspension mentionne que la reprise de l'exercice professionnel par le praticien ne pourra avoir lieu sans qu'au préalable ait été diligentée une nouvelle expertise médicale, dont il lui incombe de demander l'organisation au conseil régional ou interrégional au plus tard deux mois avant l'expiration de la période de suspension ".

3. Il résulte de l'instruction que, sur saisine du président de la formation restreinte du conseil régional de Provence-Alpes-Côte d'Azur de l'Ordre des médecins, la formation restreinte du Conseil national de l'ordre des médecins, à laquelle l'affaire avait été renvoyée en application des dispositions du VI de l'article R. 4124-3 du code de la santé publique citées ci-dessus, a, par la décision contestée du 5 septembre 2017, suspendu M.A..., médecin anesthésiste-réanimateur, du droit d'exercer la médecine pendant une durée trois mois et a subordonné la reprise de son activité professionnelle aux résultats d'une nouvelle expertise. Par la présente requête, M. A...conteste cette décision dont il demande la suspension.

4. Le requérant soutient que la décision a méconnu les exigences de l'article L. 4113-14 du code de la santé publique. Ces dispositions prévoient qu'à défaut que le conseil régional de l'ordre ait statué dans un délai de deux mois, le conseil national est saisi. L'intéressé soutient que, à la date où le conseil régional a saisi le conseil national, en indiquant qu'il ne pouvait statuer dans le délai de deux mois qui lui était imparti, ce délai n'était pas complètement écoulé. Il résulte cependant clairement des dates de saisine de chacun qu'à la date où le conseil national a statué, le délai imparti par le code au conseil régional était expiré. Dès lors, la circonstance que ce dernier en ait avisé prématurément le conseil national est demeurée sans incidence sur la compétence du conseil national.

5. Il est aussi soutenu, au vu du cachet de la poste attestant de la date de l'envoi de la sanction attaquée, qu'elle n'a pu être délibérée après l'audition de M. A...par le conseil national. Il ressort cependant des mentions de la décision, qui font foi jusqu'à preuve du contraire, qu'elle a été adoptée après l'audition, à laquelle elle se réfère, de M. A.... Le conseil ayant pu, au vu des différentes productions, notamment celle émanant de M.A..., préparer avant l'audience sa décision, et la valider après l'audition, pour faire procéder ensuite immédiatement à son envoi, la décision n'est entachée d'aucune irrégularité à ce titre.

6. Les experts n'ont, dans leur rapport au conseil régional de l'ordre, pas estimé que l'état de dépendance alcoolique de l'intéressé, résultant d'une imprégnation compulsive à laquelle il cédait tous les week-end, sans estimer qu'elle pouvait préjudicier à sa pratique professionnelle, pouvait encore justifier une suspension, dès lors que l'intéressé semblait avoir mis fin à ces pratiques. Le psychiatre suivant M. A..., sans être sûr qu'il a cessé toute consommation d'alcool, l'estimait apte à reprendre le travail. Pourtant, l'intéressé a entendu procéder à une anesthésie dans un état d'alcoolémie manifeste, divers témoins attestant l'incohérence des propos, le tremblement des mains, et l'odeur prononcée d'alcool émanant de lui, sans qu'à aucun instant il ait reconnu que pareil comportement était dangereux pour ses patients. Rien ne permet de regarder comme établi qu'il est guéri de cette addiction, ni même qu'il en reconnaisse la gravité et la portée des conséquences, et que son état de santé permette une pratique professionnel sans risque. Alors que le conseil l'invitait à produire des analyses mensuelles prouvant son abstinence, l'instruction n'a pas permis d'en établir la réalité. Alors que l'intéressé devait prendre l'initiative d'une expertise lui permettant de reprendre ses activités, il s'en est abstenu. Ainsi, les faits sur lesquels le conseil national s'est fondé apparaissent en l'état suffisamment établis pour que les moyens tirés de ce qu'ils seraient erronés ou auraient été inexactement appréciés soient écartés.

7. Dès lors, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'urgence de la suspension, la demande de suspension ne peut qu'être rejetée, ainsi que les conclusions de versement d'une somme sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, dont les dispositions y font obstacle dès lors que le Conseil national de l'ordre des médecins n'est pas la partie perdante. Il n'y a pas lieu, en l'espèce, de faire droit aux conclusions du Conseil national de l'ordre des médecins sur ce même fondement.

O R D O N N E :

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Article 1er : La requête de M. B...A...est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par le Conseil national de l'ordre des médecins au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à M. B...A...et au Conseil national de l'ordre des médecins.


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 414864
Date de la décision : 18/10/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 18 oct. 2017, n° 414864
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Avocat(s) : SCP MATUCHANSKY, POUPOT, VALDELIEVRE ; SCP ORTSCHEIDT

Origine de la décision
Date de l'import : 24/10/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2017:414864.20171018
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