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11/10/2017 | FRANCE | N°403841

France | France, Conseil d'État, 6ème chambre, 11 octobre 2017, 403841


Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 27 septembre et 27 décembre 2016 et 2 août 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'Union française des industries pétrolières demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 22 juillet 2016 de la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat, et du ministre des finances et des comptes publics et du ministre de l'économie, de l'industrie

et du numérique modifiant l'arrêté du 23 décembre 1999 relatif aux caractérist...

Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 27 septembre et 27 décembre 2016 et 2 août 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'Union française des industries pétrolières demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 22 juillet 2016 de la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat, et du ministre des finances et des comptes publics et du ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique modifiant l'arrêté du 23 décembre 1999 relatif aux caractéristiques du gazole et du gazole grand froid ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la directive 98/70/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 octobre 1998 ;

- la directive 2009/28/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2009 ;

- la directive 2009/30/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2009 ;

- la directive 2015/1535 du Parlement européen et du Conseil du 9 septembre 2015 ;

- le code de l'énergie ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Laure Durand-Viel, auditeur,

- les conclusions de M. Louis Dutheillet de Lamothe, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Garreau, Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, avocat de l'Union française des industries pétrolières.

1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 641-4 du code de l'énergie : " Les seuls carburants autorisés à la consommation en France sont référencés à l'article 265 du code des douanes. " ; qu'aux termes du premier alinéa de son article L. 641-5 : " Les règles techniques d'utilisation et les caractéristiques des produits pétroliers autorisés à l'article L. 641-4 sont définies par voie réglementaire. " ; qu'aux termes de l'article D. 641-7 du même code : " I. - Lorsqu'ils sont détenus en vue de la vente, mis en vente ou vendus après leur livraison à la consommation intérieure, doivent être conformes aux caractéristiques correspondant à leur dénomination : / (...) / 3° Les gazoles, les carburéacteurs diesel ; / (...) / II. - Pour chacun de ces produits, ces caractéristiques fixent les propriétés physiques, chimiques ou organoleptiques, appropriées telles que : / (...) / 6° La composition chimique, les teneurs limites en différents types d'hydrocarbures ou en substances autres qu'hydrocarbures. (...) " ; que l'arrêté attaqué du 22 juillet 2016, fixe, en application de ces dispositions, les caractéristiques techniques que doivent respecter les carburants dénommés " gazole " et " gazole grand froid " pour être détenus en vue de la vente et vendus, en particulier leur teneur en esters méthyliques d'acides gras ; qu'il a notamment pour effet de porter leur teneur maximale en esters méthyliques d'acides gras conformes (EMAG) de 7 à 8 % ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 4 de la directive 2009/30/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2009 modifiant la directive 98/70/CE en ce qui concerne les spécifications relatives à l'essence, au carburant diesel et aux gazoles ainsi que l'introduction d'un mécanisme permettant de surveiller et de réduire les émissions de gaz à effet de serre : " 1. Les États membres veillent à ce que les carburants diesel ne puissent être mis sur le marché sur leur territoire que s'ils sont conformes aux spécifications fixées à l'annexe II. / Nonobstant les prescriptions de l'annexe II, les États membres peuvent autoriser la mise sur le marché de carburants diesel dont la teneur en esters méthyliques d'acides gras (EMAG) est supérieure à 7 %. / Les États membres garantissent que des informations pertinentes sont fournies aux consommateurs en ce qui concerne la teneur du diesel en biocarburant, notamment en EMAG. (...) " ; qu'aux termes de l'article 21 de la directive 2009/28/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2009 relative à la promotion de l'utilisation de l'énergie produite à partir de sources renouvelables : " 1. Les États membres veillent à ce que des informations détaillées soient fournies au public sur la disponibilité et les avantages environnementaux de l'ensemble des différentes sources d'énergie renouvelables destinées aux transports. Lorsque les pourcentages des biocarburants, mélangés à des dérivés d'huiles minérales, dépassent 10 % en volume, les États membres imposent l'obligation de l'indiquer dans les points de vente. (...) " ;

3. Considérant qu'il résulte clairement des dispositions de l'article 4 de la directive 2009/30/CE rappelées au point précédent que les Etats membres doivent garantir que des informations pertinentes sont fournies aux consommateurs en ce qui concerne la teneur du diesel en biocarburant, notamment en EMAG ; qu'eu égard à l'objet et à la portée de la directive 2009/28/CE du 23 avril 2009, les dispositions de son article 21 ne peuvent être regardées comme dispensant d'indiquer dans les points de vente la teneur en biocarburants des carburants distribués lorsque elle est inférieure à 10 % lorsqu'une telle information s'avère pertinente au sens des dispositions de la directive 98/70/CE ; que l'indication de la teneur en EMAG constitue une information pertinente pour les consommateurs si cette teneur est susceptible, notamment, d'avoir une incidence sur les conditions de fonctionnement des moteurs et la mise en jeu de la garantie des constructeurs ;

4. Considérant que l'article 6 de l'arrêté du 23 décembre 1999 modifié relatif aux caractéristiques du gazole et du gazole grand froid, dans sa rédaction résultant de l'article 6 de l'arrêté attaqué, prévoit que " (...) Il sera par ailleurs porté de manière claire à la connaissance du public sur les appareils de distribution ou le plus près possible de ceux-ci l'indication suivante : 'ce carburant contient de 0 à 8 % d'esters méthyliques d'acides gras' " ; que la requérante soutient, sans être contredite sur ce point par le ministre dans ses mémoires en défense, que la plupart des manuels d'utilisation des véhicules recommandent d'utiliser un gazole conforme à la norme EN590, qui limite à 7 % la part d'esters méthyliques d'acides gras, et que les contrats d'assurance des véhicules tiennent généralement compte des carburants utilisés et réduisent le plus souvent les garanties qu'ils comportent lorsque le taux d'esters méthyliques d'acides gras dans le carburant utilisé est supérieur à 7 % ; que, d'ailleurs, dans un courrier adressé le 17 septembre 2014 aux autorités françaises, la Commission européenne soulignait la nécessité d'informer clairement les consommateurs pour leur permettre de faire un choix éclairé du carburant utilisé, compte tenu du fait que la plupart des constructeurs automobiles fixent leurs conditions de garantie par référence à une teneur maximale du diesel en esters méthyliques d'acides gras de 7 % ; qu'en outre, il ressort des pièces du dossier que, si le passage de 7 % à 8 % de la teneur du diesel en esters méthyliques d'acides gras ne présente pas d'incompatibilité majeure avec les technologies utilisées dans le parc automobile français, certaines adaptations tenant notamment à la qualité du lubrifiant ou à la fréquence des vidanges mais aussi à la composition chimique du biodiesel seront nécessaires pour ne pas entraîner d'augmentation des risques de défaillance du moteur ; que les modalités d'information prévues par l'article 6 de l'arrêté attaqué, dont il n'est, en tout état de cause, pas soutenu qu'elles auraient été complétées par d'autres dispositions réglementaires, ne permettent toutefois pas aux consommateurs de savoir si le gazole distribué contient moins de 7 % ou entre 7 et 8 % d'esters méthyliques d'acides gras ; que, par suite, les modalités d'information prévues par l'article 6 de l'arrêté attaqué ne peuvent être regardées comme pertinentes ; qu'il suit de là qu'en permettant la commercialisation de diesel comportant jusqu'à 8 % de biocarburants sans garantir que des informations pertinentes seront fournies aux consommateurs, l'arrêté attaqué a méconnu les objectifs de la directive 2009/30/CE précitée ; que, dès lors, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, l'union française des industries pétrolières est fondée à en demander l'annulation de l'arrêté attaqué ;

5. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros à verser à l'Union française des industries pétrolières au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêté du 22 juillet 2016 de la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat, du ministre des finances et des comptes publics et du ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique modifiant l'arrêté du 23 décembre 1999 relatif aux caractéristiques du gazole et du gazole grand froid est annulé.

Article 2 : L'Etat versera à l'Union française des industries pétrolières une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à l'Union française des industries pétrolières, au ministre de l'économie et des finances et au ministre d'Etat, ministre de la transition écologique et solidaire.


Synthèse
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 403841
Date de la décision : 11/10/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 11 oct. 2017, n° 403841
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Laure DURAND-VIEL
Rapporteur public ?: M. Louis Dutheillet de Lamothe
Avocat(s) : SCP GARREAU, BAUER-VIOLAS, FESCHOTTE-DESBOIS

Origine de la décision
Date de l'import : 17/10/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2017:403841.20171011
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