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31/05/2017 | FRANCE | N°394424

France | France, Conseil d'État, 5ème chambre, 31 mai 2017, 394424


Vu la procédure suivante :

Mme F...E...veuveD..., Mme B...D...et Mme A... D...ont demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner l'Etat à les indemniser, à hauteur de 46 000,31 euros, du préjudice ayant résulté pour elles de l'exécution de l'arrêt du 2 octobre 2008 par lequel la cour d'appel de Rennes, faisant droit à une exception d'illégalité des articles 9 et 10 des arrêtés du préfet d'Ille-et-Vilaine des 4 mai 1998 et 25 mars 1991, les a condamnées à restituer cette somme aux occupants de la propriété dont elles sont usufruitière et nue-propriétaires e

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Vu la procédure suivante :

Mme F...E...veuveD..., Mme B...D...et Mme A... D...ont demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner l'Etat à les indemniser, à hauteur de 46 000,31 euros, du préjudice ayant résulté pour elles de l'exécution de l'arrêt du 2 octobre 2008 par lequel la cour d'appel de Rennes, faisant droit à une exception d'illégalité des articles 9 et 10 des arrêtés du préfet d'Ille-et-Vilaine des 4 mai 1998 et 25 mars 1991, les a condamnées à restituer cette somme aux occupants de la propriété dont elles sont usufruitière et nue-propriétaires et, à hauteur de 15 000 euros, des troubles dans leurs conditions d'existence et de leur préjudice moral. Par un jugement n° 1200231 du 12 mai 2014, le tribunal administratif a rejeté leur demande.

Par un arrêt n° 14NT01832 du 2 juillet 2015, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté l'appel formé par les consorts E...-D... contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 6 novembre 2015 et 1er février 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme E... demande au Conseil d'Etat d'annuler cet arrêt.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code rural et de la pêche maritime ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Olivier Rousselle, conseiller d'Etat,

- les conclusions de Mme Laurence Marion, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP de Nervo, Poupet, avocat de Mme E... ;

1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 411-11 du code rural, dans sa rédaction applicable aux faits de l'espèce : " Le prix de chaque fermage est établi en fonction, notamment, de la durée du bail, compte tenu d'une clause de reprise éventuellement en cours de bail, de l'état et de l'importance des bâtiments d'habitation et d'exploitation, de la qualité des sols ainsi que de la structure parcellaire du bien loué. Ce prix est constitué, d'une part, du loyer des bâtiments d'habitation et, d'autre part, du loyer des bâtiments d'exploitation et des terres nues. Le loyer des bâtiments d'habitation est fixé en monnaie entre des maxima et des minima qui sont arrêtés par l'autorité administrative. (...) A défaut d'accord amiable, le tribunal paritaire des baux ruraux fixe le nouveau prix du bail, " ; qu'aux termes de l'article R. 411-1 du même code : " Pour l'application de l'article L. 411-11, le préfet fixe, par arrêté publié au recueil des actes administratifs de la préfecture : 1° Les maxima et minima exprimés en monnaie des loyers des bâtiments d'habitation compte tenu de l'état et de l'importance de ceux-ci (...) " ;

2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que les consorts E...-D... ont donné à bail aux consorts C...la ferme située au lieudit Montgerheux à Domalain à compter du 31 décembre 1978 ; qu'à la suite de différents litiges opposant le bailleur et le preneur, le tribunal paritaire des baux ruraux de Vitré a, par un jugement du 27 novembre 2000, fixé le loyer de la maison d'habitation ; que, saisi sur renvoi préjudiciel de la Cour d'appel de Rennes, de recours en appréciation de légalité de l'article 9 de l'arrêté du préfet d'Ille-et-Vilaine du 4 mai 1998 portant application dans ce département, dans le cadre du statut du fermage, de la valeur locative des bâtiments d'habitation et de l'article 10 de l'arrêté du préfet d'Ille-et-Vilaine du 25 mars 1991 ayant le même objet, et en vigueur antérieurement à l'intervention de l'arrêté du 4 mai 1998, le tribunal administratif de Rennes a, par deux jugements des 16 avril 2003 et 25 octobre 2007, déclaré ces articles contraires aux dispositions du code rural citées au point 1 ; que, dans un arrêt du 2 octobre 2008, la cour d'appel de Rennes, qui avait sursis à statuer sur l'appel formé contre le jugement du 27 novembre 2000 du tribunal paritaire des baux ruraux dans l'attente de la réponse apportée par la juridiction administrative aux questions préjudicielles dont elle avait ainsi été saisie, a annulé ce jugement en tant qu'il fixait les loyers de la maison d'habitation en cause au motif que les dispositions administratives déclarées illégales ne pouvaient servir de fondement à la fixation de ces loyers, et débouté les consorts E...-D... de leur demande de fixation des loyers en question ; que le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Rennes a, par un jugement du 16 décembre 2011, rejeté la demande des consorts E...-D... tendant à ce que soit déclarée nulle la saisie-attribution du 6 mai 2011 émise à leur encontre en vue de la restitution aux preneurs de la somme de 37 391,21 euros au principal correspondant à la totalité des loyers perçus entre le 1er mai 1996 et le 30 avril 2009, et a, par le même jugement , rejeté leur demande tendant à la restitution de la même somme assortie des intérêts et des frais accessoires et arrêtée au montant total de 45 732,02 euros ;

3. Considérant qu'en estimant que, du fait de l'intervention de l'arrêt de la cour d'appel de Rennes du 2 octobre 2008 et du jugement du juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Rennes du 16 décembre 2011 mentionnés ci-dessus, le lien de causalité entre le préjudice dont les consorts E...-D... recherchaient l'indemnisation et l'illégalité des arrêtés préfectoraux des 25 mars 1991 et 4 mai 1998 ne présentait pas un caractère direct, alors qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que les juridictions de l'ordre judiciaire n'ont ordonné le remboursement des trop perçus de loyer qu'en raison de l'illégalité de ces arrêtés, la cour administrative d'appel de Nantes a inexactement qualifié les faits de la cause ; que Mme E...est fondée à demander, pour ce motif, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque ;

4. Considérant que Mme E...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que la SCP de Nervo et Poupet, avocat de Mme E..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros à verser à la SCP de Nervo et Poupet ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes du 2 juillet 2015 est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée devant la cour administrative d'appel de Nantes.

Article 3 : L'Etat versera une somme de 2 500 euros à la SCP de Nervo et Poupet, en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette société renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme F...E...et au ministre de l'agriculture et de l'alimentation.


Synthèse
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 394424
Date de la décision : 31/05/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 31 mai. 2017, n° 394424
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Olivier Rousselle
Rapporteur public ?: Mme Laurence Marion
Avocat(s) : SCP DE NERVO, POUPET

Origine de la décision
Date de l'import : 20/06/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2017:394424.20170531
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