Vu la procédure suivante :
Par une requête, un mémoire en réplique et un mémoire complémentaire, enregistrés le 14 février, le 7 mars et le 8 mars 2017 au secrétariat du Conseil d'Etat, la Fédération nationale des transports de voyageurs et la Fédération des entreprises de la sécurité fiduciaire demandent au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :
1°) d'ordonner la suspension de l'exécution de l'arrêté du 25 mai 2016 par lequel le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social ainsi que la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat ont procédé à l'extension des avenants nos 79, 87, 89 et 103 du 13 février 2014 modifiant la convention collective nationale des transports routiers et des activités auxiliaires du transport ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Les fédérations requérantes soutiennent que :
- la demande de suspension de l'exécution de l'arrêté du 25 mai 2016 est recevable dès lors que, d'une part, elles justifient d'un intérêt à agir, d'autre part, l'arrêté contesté fait l'objet d'un recours au fond, enregistré sous le n° 400547 et lui-même recevable et, enfin, elles justifient de circonstances nouvelles ;
- la condition d'urgence est remplie dès lors que l'arrêté contesté engendre un impact économique lié à l'application immédiate des règles nouvelles, depuis le 1er juin 2016, ainsi qu'une insécurité juridique pour les entreprises de voyageurs face à l'application de ces grilles, qui augmente, d'une part, le coût du travail de 0,8% à 5,5% en fonction de l'ancienneté des salariés dans l'entreprise et, d'autre part, les salaires conventionnels de 2 à 12%, représentant un surcoût de l'ordre de 17 millions d'euros pour le secteur de nature à menacer l'équilibre économique des entreprises qui en relèvent ; qu'il convient de prendre en compte l'incertitude existant pour les salariés, dont les rémunérations sont conditionnées à la chronologie des décisions de justice, et pour les entreprises en raison de l'intervention d'avenants successifs et de l'arrêt du 8 décembre 2016 de la cour administrative d'appel de Paris ;
- il existe un doute sérieux quant à la légalité de l'arrêté contesté ;
- l'arrêté contesté est entaché d'une erreur de droit et d'une erreur de qualification juridique des faits dès lors que les avenants dont il porte l'extension ont été signés, du côté patronal, par une organisation professionnelle non représentative, l'Organisation des transporteurs routiers européens (O.T.R.E.) ;
- cette organisation ne bénéficiait pas d'une représentation territoriale équilibrée, ainsi que l'a constaté l'arrêt du 8 décembre 2016 de la cour administrative d'appel de Paris ;
- l'arrêté contesté est illégal dès lors qu'à la date de signature des avenants et de leur arrêté d'extension, l'O.T.R.E ne satisfaisait pas au critère de transparence financière.
Par un mémoire en défense, enregistré le 3 mars 2017, la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social conclut au rejet de la requête. Elle soutient que la condition d'urgence n'est pas remplie et qu'aucun des moyens soulevés par les requérantes n'est de nature à faire naître un doute sérieux quant à la légalité de l'arrêté contesté.
Par un mémoire en défense et un mémoire complémentaire, enregistrés le 3 mars et le 8 mars 2017, l'Organisation des transporteurs routiers européens (O.T.R.E.) conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge des fédérations requérantes au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que la requête est irrecevable, que la condition d'urgence n'est pas remplie et que les moyens soulevés par les requérantes ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 3 mars 2017, la Fédération nationale des transports et logistic FO-UNCP, la Fédération générale des transports de l'équipement FGTE-CFDT, la Fédération générale CFTC des transports et la Fédération nationale des syndicats de transports FNST-CGT concluent au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 4 000 euros soit mise à la charge des fédérations requérantes au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles soutiennent que la condition d'urgence n'est pas remplie et que les moyens soulevés par les requérantes ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code du travail ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, la Fédération nationale des transports de voyageurs et la Fédération des entreprises de la sécurité fiduciaire, d'autre part, la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat, l'Organisation des transporteurs routiers européens, la Fédération nationale des transports et logistic FO-UNCP, la Fédération générale des transports de l'équipement FGTE-CFDT, la Fédération générale CFTC des transports et la Fédération nationale des syndicats de transports FNST-CGT ;
Vu le procès-verbal de l'audience publique du 9 février 2017 à 9 heures 30 au cours de laquelle ont été entendus :
- Me Gatineau, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de la Fédération nationale des transports de voyageurs et de la Fédération des entreprises de la sécurité fiduciaire, et son collaborateur ;
- les représentants de la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social ;
- Me Coudray, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de la Fédération nationale des transports et logistic FO-UNCP, la Fédération générale des transports de l'équipement FGTE-CFDT, la Fédération générale CFTC des transports et la Fédération nationale des syndicats de transports FNST-CGT ;
- les représentants de l'Organisation des transporteurs routiers européens ;
et à l'issue de laquelle le juge des référés a différé la clôture de l'instruction jusqu'au mardi 14 mars 2017 à 24 heures.
Vu le nouveau mémoire, présenté le 10 mars 2017 par la Fédération nationale des transports de voyageurs et la Fédération des entreprises de la sécurité fiduciaire, qui reprennent les conclusions et moyens de leurs précédents mémoires ;
Vu le nouveau mémoire présenté le 13 mars 2017 par l'Organisation des transporteurs routiers européens, qui reprend les conclusions et moyens de ses précédents mémoires ;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ". Il résulte de ces dispositions que le prononcé de la suspension d'un acte administratif est subordonné notamment à une condition d'urgence. L'urgence justifie la suspension de l'exécution d'un acte administratif lorsque celui-ci porte atteinte de manière suffisamment grave et immédiate à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre et il appartient au juge des référés d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l'acte contesté sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue. L'urgence doit, enfin, être appréciée objectivement et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'affaire.
2. L'arrêté du 25 mai 2016 dont les requérantes demandent au juge des référés de suspendre l'exécution a pour objet d'étendre quatre avenants conclus le 13 février 2014 à la convention collective nationale des transports routiers et des activités auxiliaires de transport, définissant des taux de majoration appliqués en fonction de l'ancienneté aux rémunérations conventionnelles dans le secteur des transports routiers de voyageurs et valant respectivement pour les ouvriers, les employés, les techniciens et agents de maîtrise et les ingénieurs et cadres.
3. Les fédérations requérantes soutiennent tout d'abord, au titre de l'urgence, que les augmentations de rémunération qui résultent de l'arrêté litigieux seraient de nature à menacer, à très court terme, l'équilibre économique des entreprises relevant du secteur des transports routiers de voyageurs. Toutefois, le surcoût salarial annuel dont elles font état, calculé sur la base de l'ancienneté moyenne des salariés, s'élève à seulement 0,8% de la masse salariale de ce secteur économique. Si elles produisent des témoignages d'entreprises faisant état d'une hausse de coûts salariaux consécutive à l'arrêté litigieux de 0,2% à 2,2%, il ne ressort pas des pièces du dossier, notamment des éléments échangés à l'audience, que la mise en oeuvre des avenants aurait été à l'origine de difficultés financières pour les entreprises de ce secteur depuis le mois de juin 2016. En outre, la confédération dont relève l'une des fédérations requérantes a signé les 10 mars 2015 et 4 avril 2016, postérieurement à la signature des avenants litigieux, avec une autre organisation d'employeurs et plusieurs organisations syndicales des avenants aux mêmes conventions collectives, entre-temps étendus, qui portent sur la revalorisation des rémunérations minimales conventionnelles et dont les fédérations requérantes ne contestent pas qu'ils impliquent une augmentation de masse salariale comparable à celle résultant de l'arrêté litigieux. Compte tenu de ces éléments, les fédérations requérantes ne sont pas fondées, en l'état de l'instruction, à soutenir que l'arrêté litigieux porterait une atteinte grave et immédiate à la situation financière des entreprises du secteur des transports routiers de voyageurs.
4. Si les fédérations requérantes soutiennent que la suspension de l'exécution de l'arrêté litigieux permettrait de prévenir les conséquences qu'entraînerait l'annulation de cet arrêté, une telle considération ne saurait caractériser une situation d'urgence au sens des dispositions citées au point 1.
5. Les requérantes soulignent enfin " l'insécurité juridique " dans laquelle se trouveraient les entreprises du secteur des transports routiers de voyageurs, en raison, d'une part, de l'intervention successive de l'arrêté litigieux et des arrêtés étendant les avenants postérieurs mentionnés au point 3. et, d'autre part, de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris annulant l'arrêté du 7 septembre 2012 reconnaissant l'Organisation des transports routiers européens (OTRE), signataire des avenants litigieux, représentative sur le plan national. Toutefois, les circonstances ainsi avancées, qui sont sans effet sur le caractère exécutoire de ces différents arrêtés, ne créent en elles-mêmes aucune insécurité juridique et ne sauraient par suite, en tout état de cause, caractériser une situation d'urgence.
6. Il résulte de tout ce qui précède qu'en l'état de l'instruction, la condition d'urgence posée par l'article L. 521-1 du code de justice administrative n'est pas remplie. Par suite, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'existence d'un doute sérieux quant à la légalité de l'arrêté contesté, la requête des fédérations requérantes doit être rejetée, y compris leurs conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre solidairement à la charge de la Fédération nationale des transports de voyageurs et de la Fédération des entreprises de la sécurité fiduciaire le versement, au titre de ces mêmes dispositions, de la somme de 2 000 euros à l'O.T.R.E. et de la somme de 2 000 euros collectivement à la Fédération nationale des transports et logistic FO-UNCP, la Fédération générale des transports de l'équipement FGTE-CFDT, la Fédération générale CFTC des transports et la Fédération nationale des syndicats de transports FNST-CGT.
O R D O N N E :
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Article 1er : La requête de la Fédération nationale des transports de voyageurs et de la Fédération des entreprises de la sécurité fiduciaire est rejetée.
Article 2 : La Fédération nationale des transports de voyageurs et la Fédération des entreprises de la sécurité fiduciaire verseront solidairement, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 2 000 euros à l'O.T.R.E. et la somme de 2 000 euros collectivement à la Fédération nationale des transports et logistic FO-UNCP, la Fédération générale des transports de l'équipement FGTE-CFDT, la Fédération générale CFTC des transports et la Fédération nationale des syndicats de transports FNST-CGT.
Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à la Fédération nationale des transports de voyageurs, à la Fédération des entreprises de la sécurité fiduciaire, au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, à l'Organisation des transporteurs routiers européens, à la Fédération nationale des transports et logistic FO-UNCP, à la Fédération générale des transports de l'équipement FGTE-CFDT, à la Fédération générale CFTC des transports et à la Fédération nationale des syndicats de transports FNST-CGT.
Copie en sera adressée à la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat.