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28/09/2016 | FRANCE | N°390439

France | France, Conseil d'État, 5ème - 4ème chambres réunies, 28 septembre 2016, 390439


Vu la procédure suivante :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler la décision du 19 janvier 2015 par laquelle le préfet d'Eure-et-Loir a suspendu la validité de son permis de conduire pour une durée de quatre mois et demi. Par un jugement n° 1500515 du 14 avril 2015, le tribunal administratif a annulé cette décision.

Par un pourvoi enregistré le 27 mai 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'intérieur demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) réglant l'affaire au fond, de r

ejeter la demande de M.B....

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la ...

Vu la procédure suivante :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler la décision du 19 janvier 2015 par laquelle le préfet d'Eure-et-Loir a suspendu la validité de son permis de conduire pour une durée de quatre mois et demi. Par un jugement n° 1500515 du 14 avril 2015, le tribunal administratif a annulé cette décision.

Par un pourvoi enregistré le 27 mai 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'intérieur demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter la demande de M.B....

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la route;

- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Lionel Collet, conseiller d'Etat,

- les conclusions de Mme Laurence Marion, rapporteur public ;

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond, que M. B...a été interpelé le 11 janvier 2015 alors qu'il conduisait un véhicule sous l'empire d'un état alcoolique ; que le préfet d'Eure-et-Loir a prononcé la suspension de son permis de conduire pour une durée de quatre mois et quinze jours par un arrêté du 19 janvier 2015 pris sur le fondement de l'article L. 224-7 du code de la route ; que le ministre de l'intérieur se pourvoit en cassation contre le jugement du 14 avril 2015 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a annulé cet arrêté au motif qu'il n'avait pas été précédé de la procédure contradictoire prévue à l'article 24 de la loi du12 avril 2000, sans qu'une situation d'urgence ne justifie, en l'espèce, le non respect de cette procédure ;

2. Considérant, d'une part, que l'article L. 224-1 du code de la route prévoit que les officiers et agents de police judiciaire procèdent à la rétention à titre conservatoire d'un permis de conduire, notamment, lorsqu'il est constaté que son titulaire conduisait en état d'ivresse ou sous l'empire de l'état alcoolique défini à l'article L. 234-1 ou que cet état est suspecté ; que le premier alinéa de l'article L. 224-2 du même code permet au préfet, dans les 72 heures qui suivent, de suspendre le permis pour une durée maximum de six mois, lorsque l'état alcoolique est prouvé ; que le deuxième alinéa de cet article précise que si le permis n'est pas suspendu dans ce délai de 72 heures, il est remis à la disposition de son titulaire " sans préjudice de l'application ultérieure des articles L. 224-7 à L. 224-9 " ; qu'aux termes de l'article L. 224-7 du même code : " Saisi d'un procès-verbal constatant une infraction punie par le présent code de la peine complémentaire de suspension du permis de conduire, le représentant de l'Etat dans le département où cette infraction a été commise peut, s'il n'estime pas devoir procéder au classement, prononcer à titre provisoire soit un avertissement, soit la suspension du permis de conduire ou l'interdiction de sa délivrance lorsque le conducteur n'en est pas titulaire. (...) " ; que l'article L. 224-8 précise que la durée de la suspension prévue à l'article L. 224-7 ne peut excéder six mois ; qu'enfin, aux termes de l'article L. 224-9 : " Quelle que soit sa durée, la suspension du permis de conduire ou l'interdiction de sa délivrance ordonnée par le représentant de l'Etat dans le département en application des articles L. 224-2 et L. 224-7 cesse d'avoir effet lorsque est exécutoire une décision judiciaire prononçant une mesure restrictive du droit de conduire prévue au présent titre. / Les mesures administratives prévues aux articles L. 224-1 à L. 224-3 et L. 224-7 sont considérées comme non avenues en cas d'ordonnance de non-lieu ou de jugement de relaxe ou si la juridiction ne prononce pas effectivement de mesure restrictive du droit de conduire. / (...) " ;

3. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000, désormais codifié aux articles L. 121-1, L. 121-2 et L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application des articles 1er et 2 de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. Cette personne peut se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix. L'autorité administrative n'est pas tenue de satisfaire les demandes d'audition abusives, notamment par leur nombre, leur caractère répétitif ou systématique. / Les dispositions de l'alinéa précédent ne sont pas applicables : / 1° En cas d'urgence ou de circonstances exceptionnelles ; / (...) / 3° Aux décisions pour lesquelles des dispositions législatives ont instauré une procédure contradictoire particulière. / (...) " ;

4. Considérant que la décision par laquelle un préfet suspend un permis de conduire sur le fondement de l'article L. 224-7 du code de la route est une décision individuelle défavorable qui doit être motivée en application de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979, désormais codifié à l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration ; que, depuis la suppression, par la loi du 9 décembre 2004 de simplification du droit, des dispositions de l'article L. 224-8 du code de la route qui prévoyaient que la suspension prononcée par le préfet en application de l'article L. 224-7 intervenait après avis d'une commission spéciale devant laquelle le conducteur ou son représentant pouvait présenter sa défense, aucune disposition ne fixe de modalités particulières pour le recueil des observations du conducteur ; qu'en l'absence d'une procédure contradictoire particulière organisée par les textes, le préfet doit se conformer aux dispositions issues de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 en informant le conducteur de son intention de suspendre son permis de conduire et de la possibilité qui lui est offerte de présenter des observations dans les conditions prévues par ces dispositions ; que le préfet ne peut légalement se dispenser de cette formalité, en raison d'une situation d'urgence, que s'il apparaît, eu égard au comportement du conducteur, que le fait de différer la suspension de son permis pendant le temps nécessaire à l'accomplissement de la procédure contradictoire créerait des risques graves pour lui-même ou pour les tiers ;

5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le permis de conduire de M. B...avait déjà été suspendu à deux reprises, en 2012 et 2013, pour conduite sous l'empire d'un état alcoolique supérieur à 0,40 milligramme par litre d'air expiré ; qu'en jugeant que ces circonstances ne caractérisaient pas une situation d'urgence au sens du 1° de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000, le tribunal administratif d'Orléans a dénaturé les faits qui lui étaient soumis ; que son jugement doit, par suite, être annulé ;

6. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

7. Considérant, d'une part, qu'il résulte de ce qui a été dit au point 5 ci-dessus que le comportement de M.B..., caractérisé par la récidive de faits de conduite d'un véhicule sous l'empire d'un état alcoolique, créait pour lui-même et pour les tiers un risque constitutif d'une situation d'urgence au sens des dispositions issues du 1° de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 ; que, dès lors, le préfet n'a pas, dans les circonstances de l'espèce, entaché sa décision d'irrégularité en suspendant son permis de conduire sans l'avoir préalablement mis à même de présenter des observations dans les conditions prévues par ces dispositions ;

8. Considérant, d'autre part, que la mesure de suspension contestée est motivée par la circonstance que les résultats des prélèvements sanguins effectués sur M. B...le 11 janvier 2015 indiquaient la présence d'un taux d'alcool dans le sang de 1,27 gramme par litre ; qu'il ressort des pièces du dossier que la contre-expertise réalisée à la demande de l'intéressé a conclu à la présence d'un taux de 1,17 gramme par litre ; que, dans ces conditions, en fixant à quatre mois et quinze jours la durée de la suspension du permis de conduire de l'intéressé, le préfet d'Eure-et-Loir n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à demander l'annulation pour excès de pouvoir de la décision du 19 janvier 2015 par laquelle le préfet d'Eure-et-Loir a suspendu la validité de son permis de conduire pour une durée de quatre mois et quinze jours ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif d'Orléans du 14 avril 2015 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. B...devant le tribunal administratif d'Orléans est rejetée.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'intérieur et à M. A...B....


Synthèse
Formation : 5ème - 4ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 390439
Date de la décision : 28/09/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

POLICE - POLICE GÉNÉRALE - CIRCULATION ET STATIONNEMENT - PERMIS DE CONDUIRE - SUSPENSION - DURÉE DE LA SUSPENSION - CONTRÔLE DU JUGE - CONTRÔLE RESTREINT.

49-04-01-04-02 Le juge exerce un contrôle restreint à l'erreur manifeste d'appréciation sur la durée de la suspension d'un permis de conduire prononcée par un préfet sur le fondement de l'article L. 224-7 du code de la route.

PROCÉDURE - POUVOIRS ET DEVOIRS DU JUGE - CONTRÔLE DU JUGE DE L'EXCÈS DE POUVOIR - APPRÉCIATIONS SOUMISES À UN CONTRÔLE RESTREINT - DURÉE DE SUSPENSION D'UN PERMIS DE CONDUIRE (ART - L - 224-7 DU CODE DE LA ROUTE).

54-07-02-04 Le juge exerce un contrôle restreint à l'erreur manifeste d'appréciation sur la durée de la suspension d'un permis de conduire prononcée par un préfet sur le fondement de l'article L. 224-7 du code de la route.


Publications
Proposition de citation : CE, 28 sep. 2016, n° 390439
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Olivier Rousselle
Rapporteur public ?: Mme Laurence Marion

Origine de la décision
Date de l'import : 18/04/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2016:390439.20160928
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