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16/06/2016 | FRANCE | N°379385

France | France, Conseil d'État, 5ème - 4ème chambres réunies, 16 juin 2016, 379385


Vu les procédures suivantes :

M. B...C...et Mme D...C...ont demandé au tribunal administratif de Versailles de mettre à la charge du centre d'intervention des pompiers de Gif-sur-Yvette, du centre hospitalier de Longjumeau, de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (APHP), de l'hôpital Sainte-Anne et du CRRA SAMU 15 de l'Essonne la réparation des préjudices liés aux séquelles de l'accident vasculaire cérébral dont M. C...a été victime le 29 juillet 2002. Par un jugement n° 0905221 du 28 décembre 2012, le tribunal administratif a condamné le centre hospitalier sud franci

lien, dont dépend le CRRA SAMU 15 de l'Essonne, et le centre hospital...

Vu les procédures suivantes :

M. B...C...et Mme D...C...ont demandé au tribunal administratif de Versailles de mettre à la charge du centre d'intervention des pompiers de Gif-sur-Yvette, du centre hospitalier de Longjumeau, de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (APHP), de l'hôpital Sainte-Anne et du CRRA SAMU 15 de l'Essonne la réparation des préjudices liés aux séquelles de l'accident vasculaire cérébral dont M. C...a été victime le 29 juillet 2002. Par un jugement n° 0905221 du 28 décembre 2012, le tribunal administratif a condamné le centre hospitalier sud francilien, dont dépend le CRRA SAMU 15 de l'Essonne, et le centre hospitalier de Longjumeau à verser chacun 184 051,65 euros à M. C..., 2 450 euros à MmeC..., 1 050 euros aux époux C...en qualité de représentants légaux de leur fille mineure, 84 629,09 euros à la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de l'Essonne et 10 160,22 euros à la Mutuelle générale de l'éducation nationale (MGEN).

Par un arrêt n° 13VE01124, 13VE01202 du 4 mars 2014, la cour administrative d'appel de Versailles, réformant ce jugement à la demande du centre hospitalier de Longjumeau, du centre hospitalier sud francilien et des épouxC..., a condamné le centre hospitalier sud francilien à verser 416 978 euros à M.C..., 8 824 euros à MmeC..., 3 500 euros aux époux C...en qualité de représentants légaux de leur fille mineure, 15 374 euros à la MGEN et rejeté le surplus des conclusions indemnitaires des époux C...ainsi que l'ensemble des conclusions de la CPAM de l'Essonne.

1° Sous le n° 379385, par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et des observations complémentaires, enregistrés les 2 mai, 1er août et 12 septembre 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le centre hospitalier sud francilien demande au Conseil d'Etat d'annuler cet arrêt.

2° Sous le numéro 379501, par un pourvoi enregistré le 5 mai 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de l'Essonne demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt de la cour administrative d'appel de Versailles en tant qu'il lui fait grief ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit aux conclusions indemnitaires qu'elle a présentées devant les juges du fond ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Longjumeau et du centre hospitalier sud Francilien le versement d'une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- le code de la sécurité sociale ;

- le décret n° 87-1005 du 16 décembre 1987 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Lionel Collet, conseiller d'Etat,

- les conclusions de Mme Laurence Marion, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à Me Le Prado, avocat du centre hospitalier sud francilien, à la SCP Lévis, avocat des consorts C...et à la SCP Foussard, Froger, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne ;

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. C... a présenté un malaise le 29 juillet 2002 vers 14 heures sur son lieu de travail au Centre national de la recherche scientifique (CNRS) ; que, après avoir constaté une pression artérielle élevée, l'infirmière du CNRS lui a recommandé de rentrer à son domicile ; qu'il y a ressenti, vers 18 heures, des douleurs accompagnées d'une monoparésie du bras droit et des troubles de la parole ; que son épouse a fait appel aux sapeurs-pompiers qui, après avis du centre de réception et de régulation des appels du service d'aide médicale d'urgence (SAMU) dépendant du centre hospitalier sud francilien, l'ont dirigé vers le centre hospitalier de Longjumeau où il a été pris en charge vers 19 h 15 et où le diagnostic d'accident vasculaire cérébral a été posé ; qu'un scanner cérébral pratiqué vers 20 heures n'a pas montré d'anomalie au niveau cérébral ; que le médecin qui a pris en charge M. C...a contacté les unités neuro-vasculaires des hôpitaux Bichat, la Pitié-Salpétrière, Tenon, Lariboisière, Sainte-Anne, ainsi que les hôpitaux de Créteil et d'Orsay, en vue de le transférer dans une de ces structures ; qu'en l'absence de place disponible, M. C...a été maintenu au centre hospitalier de Longjumeau ; que, son état s'étant aggravé dans la nuit du 29 au 30 juillet 2002, il a été transféré le 30 juillet en fin de matinée à l'hôpital Tenon où a été diagnostiqué un accident vasculaire cérébral provoqué par une dissection de l'artère carotide interne gauche ; qu'il a conservé d'importantes séquelles neurologiques, notamment une paralysie du membre supérieur droit et une aphasie d'expression ;

2. Considérant qu'il ressort également des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, le 5 juin 2009, M. et Mme C...ont saisi le tribunal administratif de Versailles d'une demande indemnitaire dirigée contre " le centre d'intervention des pompiers de Gif-sur-Yvette, le centre hospitalier de Longjumeau, l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris, l'hôpital Ste-Anne et le CRRA SAMU 15 " ; que cette demande a été communiquée à la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de l'Essonne, qui a demandé le remboursement de ses débours en ne mentionnant dans son mémoire que l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris ; que, par un jugement du 28 décembre 2012, le tribunal administratif de Versailles, estimant qu'un retard fautif dans le diagnostic et le traitement avait entraîné pour le patient une perte de chance, évaluée à 70 %, de conserver des séquelles moins lourdes, a condamné le centre hospitalier sud francilien, en qualité de gestionnaire du SAMU, et le centre hospitalier de Longjumeau à verser diverses indemnités à M. et Mme C...et à rembourser à la CPAM de l'Essonne les frais qu'elle avait exposés ; que le centre hospitalier de Longjumeau et le centre hospitalier sud francilien ont relevé appel de ce jugement devant la cour administrative d'appel de Versailles, qui a également été saisie d'un appel de M. et MmeC... ; que la CPAM de l'Essonne est intervenue dans chacune des deux instances pour demander la confirmation du jugement en ce qu'il retenait la responsabilité des deux centres hospitaliers dans l'aggravation des séquelles présentées par M. C... ; que, par un arrêt du 4 mars 2014, la cour a confirmé la responsabilité pour faute du centre hospitalier sud francilien, exclu la responsabilité du centre hospitalier de Longjumeau, augmenté les indemnités allouées à M. et Mme C...en les mettant à la charge exclusive du centre hospitalier sud francilien et rejeté les conclusions de la CPAM de l'Essonne dirigées contre le centre hospitalier de Longjumeau et le centre hospitalier sud francilien, qu'elle a regardées comme nouvelles en appel et, par suite, irrecevables ; que le centre hospitalier sud francilien, d'une part, et la CPAM de l'Essonne, d'autre part, se pourvoient en cassation contre cet arrêt ; que, par la voie d'un pourvoi provoqué, M. et Mme C...ainsi que leur fille Elsa contestent l'arrêt en tant qu'il exclut la responsabilité du centre hospitalier de Longjumeau ; que ces pourvois étant dirigés contre le même arrêt, il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;

Sur le pourvoi du centre hospitalier sud francilien :

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme C...a contacté le 22 juillet 2002 au soir les sapeurs-pompiers qui, arrivés sur place, ont examiné M. C...et consulté le SAMU conformément à la convention de coopération entre le SAMU et le service départemental d'incendie et de secours (SDIS) du département de l'Essonne, qui prévoit que le SDIS établit un dialogue direct avec le centre de réception et de régulation des appels ; qu'ainsi qu'il est indiqué dans le rapport d'expertise du 29 avril 2007, la fiche d'intervention des sapeurs-pompiers mentionne l'existence d'une douleur et d'une impotence du bras droit ; que la cour qui, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation souveraine et sans dénaturer les faits de l'espèce, a estimé que le tableau clinique rendait nécessaire une hospitalisation dans un établissement doté d'un service neurologique, a pu légalement en déduire qu'en ne recherchant pas un tel établissement, le SAMU avait commis une faute de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier sud francilien, dont il dépendait ; que la cour, qui n'était pas tenue de répondre à tous les arguments avancés par l'établissement, a suffisamment motivé son arrêt sur ce point ; qu'il ne ressort pas des termes de son arrêt qu'elle aurait fondé son appréciation sur des éléments scientifiques ou juridiques postérieurs aux faits de l'espèce ;

4. Considérant qu'en estimant que M. C...aurait pu conserver des séquelles moins lourdes en l'absence de la faute commise par le SAMU de l'Essonne, la cour, qui s'est ainsi prononcée sur le lien de causalité entre le retard dans le transfert vers un établissement adapté et le préjudice subi par M.C..., a suffisamment motivé sa décision et n'a pas commis d'erreur de droit ; qu'en ne recherchant pas si la circonstance que l'infirmière du CNRS avait auparavant invité l'intéressé à regagner son domicile était de nature à exonérer au moins partiellement le centre hospitalier sud francilien, la cour n'a pas commis d'erreur de droit dès lors que, en tout état de cause, la faute qu'aurait pu commettre l'infirmière aurait été sans incidence sur l'obligation de réparation du centre hospitalier sud francilien ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le centre hospitalier sud francilien n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;

Sur le pourvoi de la CPAM de l'Essonne :

6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, dans ses écritures devant le tribunal administratif, la CPAM de l'Essonne a analysé la demande indemnitaire de M. et Mme C...comme dirigée contre l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (APHP), indiqué le montant des dépenses engagées par elle au titre des soins dispensés à M. C... et demandé qu'il soit mis à la charge du défendeur en application des dispositions de l'article L.376-1 du code de la sécurité sociale ; qu'en jugeant que le tribunal administratif n'avait pu valablement condamner le centre hospitalier sud francilien et le centre hospitalier de Longjumeau à rembourser à la CPAM les sommes qu'elle demandait dès lors que celle-ci avait mis en cause la seule responsabilité de l'APHP, la cour s'est méprise sur la portée des écritures de première instance de la CPAM, qui, ainsi qu'il ressort des pièces soumises aux juges du fond, ne présentait aucun argument tendant à établir la responsabilité de l'APHP et devait être regardée comme recherchant le remboursement de ses dépenses par le ou les établissements qui seraient déclarés responsables par le juge administratif dans l'instance initiée par M. C... ; qu'il suit de là, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi de la CPAM de l'Essonne, que l'arrêt attaqué doit être annulé en tant qu'il statue sur l'évaluation des dépenses de santé imputables au centre hospitalier sud francilien et sur les sommes accordées à ce titre à la CPAM, à la MGEN et à M.C... ;

Sur le pourvoi provoqué présenté pour M. B...C..., Mme D...C...et Mlle A...C... :

7. Considérant que la présente décision, qui annule l'arrêt attaqué en tant seulement qu'il rejette les conclusions de la CPAM de l'Essonne tendant au remboursement de ses débours, n'est pas susceptible d'aggraver la situation des consorteC... ; que, dès lors, leur pourvoi provoqué, qui tend à l'annulation de l'arrêt en tant qu'il écarte la responsabilité du centre hospitalier de Longjumeau, n'est pas recevable ;

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du centre hospitalier sud francilien une somme de 3 000 euros à verser à la CPAM de l'Essonne et une somme globale de 3 000 euros à verser à M. B...C..., Mme D...C...et Mlle A...C...au titre de leur défense dans l'instance n° 379385 ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Versailles du 4 mars 2014 est annulé en tant qu'il statue sur l'évaluation des dépenses de santé imputables au centre hospitalier sud francilien et sur les sommes accordées à ce titre à la CPAM, à la MGEN et à M.C....

Article 2 : Le pourvoi du centre hospitalier sud francilien est rejeté.

Article 3 : Le pourvoi provoqué de M. B...C..., Mme D...C...et Mlle A... C...est rejeté.

Article 4 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Versailles dans la mesure de la cassation prononcée.

Article 5 : Le centre hospitalier sud francilien versera à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice et à M. B... C..., Mme D...C...et Mlle A...C...une somme globale de 3 000 euros au même titre.

Article 6 : La présente décision sera notifiée à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne, au centre hospitalier de Longjumeau, au centre hospitalier sud francilien, à M. B... C..., à Mme D...C...et à Mlle A...C...et à la Mutuelle générale de l'éducation nationale.


Synthèse
Formation : 5ème - 4ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 379385
Date de la décision : 16/06/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 16 jui. 2016, n° 379385
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Lionel Collet
Rapporteur public ?: Mme Laurence Marion
Avocat(s) : LE PRADO ; SCP FOUSSARD, FROGER ; SCP LEVIS

Origine de la décision
Date de l'import : 20/02/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2016:379385.20160616
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