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19/05/2016 | FRANCE | N°399783

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 19 mai 2016, 399783


Vu la procédure suivante :

M. A...B...a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Marseille, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'une part, de suspendre l'exécution de la décision du 19 février 2016 par laquelle la commission interrégionale d'agrément et de contrôle de la zone Sud du Conseil national des activités privées de sécurité a refusé de renouveler sa carte professionnelle d'agent privé de sécurité, ensemble la décision du 31 mars 2016 de rejet de son recours gracieux et, d'autre part, d'enjoindre

à cette commission de lui délivrer une telle carte professionnelle ou un...

Vu la procédure suivante :

M. A...B...a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Marseille, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'une part, de suspendre l'exécution de la décision du 19 février 2016 par laquelle la commission interrégionale d'agrément et de contrôle de la zone Sud du Conseil national des activités privées de sécurité a refusé de renouveler sa carte professionnelle d'agent privé de sécurité, ensemble la décision du 31 mars 2016 de rejet de son recours gracieux et, d'autre part, d'enjoindre à cette commission de lui délivrer une telle carte professionnelle ou un récépissé l'autorisant à exercer une activité privée de sécurité. Par une ordonnance n° 1603732 du 4 mai 2016, le juge des référés du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Par une requête enregistrée le 17 mai 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B...demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) de faire droit à sa demande de première instance ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la condition d'urgence est remplie ;

- la délibération contestée porte une atteinte grave et manifestement illégale à sa liberté d'exercer une activité professionnelle ainsi qu'à son droit de mener une vie familiale normale ;

- elle est entachée d'une erreur de droit dès lors qu'elle méconnaît le principe de la présomption d'innocence ;

- l'ordonnance contestée est entachée d'une erreur de droit dès lors que, d'une part, contrairement à ce qu'elle indique, la délibération litigieuse n'est pas fondée sur les faits datant du mois d'août 2008 et, d'autre part, que la procédure au terme de laquelle a été prise cette délibération méconnaît le principe de non rétroactivité des actes administratifs, le principe de sécurité juridique et les droits de la défense ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation des faits dès lors que, d'une part, le requérant n'est pas l'auteur des faits ayant motivé le refus du renouvellement de sa carte professionnelle et, d'autre part, qu'une condamnation pénale ne suffit pas, par elle-même, à justifier le refus de renouvellement de sa carte professionnelle.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 mai 2016, le Conseil national des activités privées de sécurité conclut au rejet de la requête. Il soutient, à titre principal, qu'il n'y a pas lieu de statuer sur la requête, dans la mesure où la commission nationale d'agrément et de contrôle a délibéré le 12 mai 2016 sur le recours administratif préalable obligatoire du requérant et que cette délibération est en cours de signature et, à titre subsidiaire, que la condition d'urgence n'est pas remplie et que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la sécurité intérieure ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, M. B..., d'autre part, le Conseil national des activités privées de sécurité ;

Vu le procès-verbal de l'audience publique du 18 mai 2016 à 15 heures 30 au cours de laquelle ont été entendus :

- Me Texidor, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de M. B... ;

- M. B...;

- le représentant de M. B...;

- la représentante du Conseil national des activités privées de sécurité ;

et à l'issue de laquelle le juge des référés a clos l'instruction ;

Considérant ce qui suit :

1. En vertu de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté une atteinte grave et manifestement illégale.

2. Les personnes qui exercent une activité privée de surveillance doivent, en vertu de l'article L. 612-20 du code de la sécurité intérieure, être titulaires d'une carte professionnelle délivrée par le Conseil national des activités privées de sécurité. Cet article prévoit qu'un refus de carte ou de renouvellement de carte peut être opposé notamment lorsque l'intéressé " a fait l'objet d'une condamnation à une peine correctionnelle ou à une peine criminelle inscrite au bulletin n° 2 du casier judiciaire pour des motifs incompatibles avec l'exercice des fonctions [...] " ou "s'il résulte de l'enquête administrative [...] que son comportement ou ses agissements sont contraires à l'honneur, à la probité, aux bonnes moeurs ou sont de nature à porter atteinte à la sécurité des personnes ou des biens, à la sécurité publique ou à la sûreté de l'Etat et sont incompatibles avec l'exercice des fonctions susmentionnées ".

3. M. B...exerce depuis 2006 des fonctions de chef de poste de sécurité dans un centre commercial. Il est titulaire depuis le 17 décembre 2010 de la carte professionnelle prévue par la réglementation. Le 11 mai 2015, l'intéressé en a demandé le renouvellement. Le 3 décembre 2015, la délégation territoriale Sud du Conseil national des activités privées de sécurité lui a délivré un récépissé l'autorisant à exercer son activité d'agent privé de sécurité jusqu'au 31 mai 2016. Mais, par une décision du 19 février 2016, la commission interrégionale d'agrément et de contrôle de la zone Sud a rejeté sa demande de renouvellement. Le recours gracieux formé par M. B...contre cette décision a été rejeté par la commission le 31 mars 2016. L'intéressé a également formé un recours administratif préalable obligatoire à l'encontre de la délibération contestée auprès de la commission nationale d'agrément et de contrôle. Il a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Marseille sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative pour obtenir la suspension de l'exécution des décisions des 19 février et 31 mars 2016. Par une ordonnance n° 1603732 du 4 mai 2016, ce juge a rejeté sa demande. M. B...relève appel de cette ordonnance.

4. La décision de la commission nationale se substituera à celle de la commission interrégionale lorsqu'elle sera rendue. Mais si la commission nationale a délibéré de l'affaire, elle n'a pas rendu sa décision à la date de la présente ordonnance. La requête conserve en conséquence son objet.

5. Le refus de renouvellement litigieux a pour conséquence la suspension du contrat de travail de M.B..., qui se trouve ainsi privé de rémunération, alors qu'il est marié et père d'un enfant et que son épouse ne travaille pas. La condition particulière d'urgence à laquelle l'article L. 521-2 du code de justice administrative subordonne l'usage par le juge des référés des pouvoirs qu'il lui confère est dès lors remplie.

6. La commission interrégionale d'agrément et de contrôle de la zone Sud a refusé de délivrer la carte professionnelle à M.B..., au motif, qu'il est " défavorablement connu des services de police pour avoir été signalisé le 27 février 2014 à Marseille, pour des faits de destruction ou dégradation de bien public ". Il résulte de l'instruction écrite, et il a été confirmé par les débats de l'audience, que la commission s'est ainsi référée à la crevaison d'un pneu d'un véhicule de police, survenue le 27 février 2014, à l'occasion d'une mission accomplie par la police dans le centre commercial où M. B...travaille. Si la réalité de ce grave incident est établie, M. B...a constamment dénié être l'auteur de cette crevaison. Aucun élément du dossier ni de l'instruction orale ne permet de lui imputer de tels faits et il paraît au contraire très peu probable, compte tenu des responsabilités professionnelles qui sont les siennes, et alors que sa carte professionnelle allait venir à expiration, qu'il ait pu commettre une telle action. Aucune procédure pénale n'a au surplus été engagée à son encontre. En se fondant sur de simples suppositions qu'aucun élément ne vient étayer, et alors qu'une infraction pour conduite sans permis commise en 2008, et pour laquelle le juge pénal avait en 2009 dispensé l'intéressé de peine, n'a été mentionnée qu'en tant qu'élément venant s'ajouter à la dégradation constatée en 2014, la commission interrégionale s'est fondée sur des faits qui ne peuvent à l'évidence pas justifier un refus de renouvellement de carte professionnelle. Elle a ainsi commis une illégalité grave et manifeste.

7. Il résulte de ce qui précède que M. B...est fondé à demander l'annulation de l'ordonnance attaquée et qu'il y a lieu d'enjoindre à la commission interrégionale d'agrément et de contrôle de la zone Sud de réexaminer la demande de renouvellement présentée par M. B...et, dans l'attente d'une nouvelle décision, de lui délivrer une carte provisoire.

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

O R D O N N E :

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Article 1er : L'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Marseille en date du 4 mai 2016 est annulée.

Article 2 : Il est enjoint à la commission interrégionale d'agrément et de contrôle de la zone Sud de réexaminer, au regard des motifs de la présente ordonnance, la demande de renouvellement présentée par M. B...et, dans l'attente d'une nouvelle décision, de lui délivrer une carte provisoire.

Article 3 : L'Etat versera la somme de 2000 euros à M. B...en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à M. A...B...et au Conseil national des activités privées de sécurité.

Copie en sera adressée au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 399783
Date de la décision : 19/05/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 19 mai. 2016, n° 399783
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Avocat(s) : SCP CELICE, BLANCPAIN, SOLTNER, TEXIDOR

Origine de la décision
Date de l'import : 20/02/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2016:399783.20160519
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