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19/05/2016 | FRANCE | N°399542

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 19 mai 2016, 399542


Vu la procédure suivante :

Mme B...A...et le syndicat SUD Collectivités territoriales 66, représenté par sa secrétaire générale, ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Montpellier, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'enjoindre à la commune de Perpignan, d'une part, de suspendre l'exécution de l'annualisation du temps de travail, de ses modalités de mise en oeuvre, notamment des plannings collectifs hebdomadaires, de la modification des récupérations des dimanches travaillés et des horaires quotidiens

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Vu la procédure suivante :

Mme B...A...et le syndicat SUD Collectivités territoriales 66, représenté par sa secrétaire générale, ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Montpellier, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'enjoindre à la commune de Perpignan, d'une part, de suspendre l'exécution de l'annualisation du temps de travail, de ses modalités de mise en oeuvre, notamment des plannings collectifs hebdomadaires, de la modification des récupérations des dimanches travaillés et des horaires quotidiens et hebdomadaires selon les périodes de haute et basse activité et, d'autre part, de reprendre le mode d'organisation précédent, jusqu'à ce que le conseil municipal en ait délibéré, après une nouvelle consultation du comité technique paritaire. Par une ordonnance n° 1601732 du 13 avril 2016, le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande.

Par une requête et un mémoire complémentaires enregistrés les 5 et 12 mai 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme A...et le syndicat SUD Collectivités territoriales 66, représenté par sa secrétaire générale, demandent au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) de faire droit à leur demande de première instance ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Perpignan la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Montpellier est entachée d'une erreur de fait dès lors qu'elle considère que les modalités de l'annualisation du temps de travail au sein des services municipaux, notamment en ce qui concerne les cycles, et les modes de récupération et de repos ont été adoptés par les délibérations du conseil municipal de la commune de Perpignan des 16 février 2000 et 20 décembre 2001 ;

- elle est entachée d'une erreur de droit dès lors que la nouvelle fixation de la durée de travail hebdomadaire a été prise par une autorité incompétente et méconnaît les dispositions de l'article 3-I du décret 2000-815 du 25 août 2000 ;

- la condition d'urgence est remplie ;

- le comportement de la commune de Perpignan et l'absence de délibération quant aux modalités de mise en oeuvre de l'annualisation du temps de travail portent une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté personnelle, à la liberté d'aller et venir, au droit à mener une vie familiale normale, à la liberté syndicale de la requérante et des agents dont le syndicat SUD Collectivités territoriales 66 défend les intérêts et au principe de libre administration des collectivités territoriales dès lors que le conseil municipal n'a pas délibéré sur les modalités de cette annualisation du temps de travail.

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 mai 2016, la commune de Perpignan conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge des requérants au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que la condition d'urgence n'est pas remplie et que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- la loi n° 2001-2 du 3 janvier 2001 ;

- la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 ;

- le décret n° 2000-815 du 25 août 2000 ;

- le décret n° 2001-623 du 12 juillet 2001 ;

- le code de justice administrative ;

Vu le procès-verbal de l'audience publique du 12 mai 2016 à 16 heures au cours de laquelle ont été entendus :

- Me Texidor, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de Mme A...et du syndicat SUD Collectivités territoriales 66 ;

- la représentante de Mme A...et du syndicat SUD Collectivités territoriales 66 ;

- Me Briard, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de la commune de Perpignan ;

et à l'issue de laquelle le juge des référés a clos l'instruction ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 18 mai 2016, présentée par Mme A... et le syndicat SUD Collectivités territoriales 66 ;

1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures " ;

2. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la commune de Perpignan, par une délibération de son conseil municipal en date du 22 février 2000, a décidé de réduire la durée du travail de ses agents de trente-neuf à trente-sept heures et de mettre en place des horaires variables ; qu'à la suite de l'intervention de la loi du 3 janvier 2001 relative à la résorption de l'emploi précaire et à la modernisation du recrutement dans la fonction publique ainsi qu'au temps de travail dans la fonction publique territoriale et du décret du 12 juillet 2001 relatif à l'aménagement et à la réduction du temps de travail dans la fonction publique territoriale, la commune, par une délibération du 20 décembre 2001, a retenu, dans le cadre du passage à une durée hebdomadaire de travail de trente-cinq heures, le principe selon lequel les cycles de travail resteraient calculés à l'année sur une base quotidienne de sept heures vingt-quatre, avec six semaines de congés payés et sept jours mobiles d'aménagement et de réduction du temps de travail ; que cette même délibération a prévu le maintien du dispositif antérieur d'horaires variables, selon les modalités définies dans un document soumis au comité technique paritaire le 8 novembre 1999, préalablement à l'adoption de la délibération du 22 février 2000 ; que ce document a fixé un " cadre général de référence des horaires variables ", prévoyant notamment l'amplitude individuelle journalière autorisée, le maximum quotidien, des bornes minimales et maximales hebdomadaires et un mécanisme dit de " crédit débit horaire " permettant le report des heures effectuées au-delà ou en-deçà du volume hebdomadaire normal ; qu'il a également déterminé des règles particulières aux agents à temps partiel, selon lesquelles les agents à 80 % devraient assurer vingt-neuf heures trente-six de travail hebdomadaire réparties sur quatre jours ;

3. Considérant que la commune de Perpignan, qui disposait jusqu'en décembre 2015 d'un service en charge des sites culturels et d'un service en charge des musées, a décidé de les fusionner à compter du 1er janvier 2016 et d'étendre les plages quotidiennes et hebdomadaires d'ouverture des équipements concernés ; qu'il ressort des éléments transmis au comité technique paritaire du 18 décembre 2015 qu'elle a, à cette fin, distingué deux périodes dans l'année, avec, en période estivale (du 1er juin au 30 septembre), une ouverture sept jours sur sept et de dix heures trente à dix-huit heures trente de certains sites et musées, et, hors période estivale, une ouverture six jours sur sept de onze heures à dix-sept heures trente ; que, dans le cadre de cette réforme, elle a prévu que le temps de travail des agents de surveillance serait lui-même organisé différemment selon ces deux périodes et que les agents n'auraient le droit de prendre que deux semaines et demi de congés en période estivale ; que, par ailleurs, elle a mis fin au mécanisme existant de récupération des heures travaillées les dimanches et jours fériés ;

4. Considérant que Mme A...et le syndicat Sud Collectivités territoriales 66 ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Montpellier, sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'enjoindre à la commune de Perpignan de suspendre la mise à exécution des nouvelles modalités d'organisation du travail des agents des services concernés jusqu'à ce que le conseil municipal en ait délibéré, après une nouvelle consultation du comité technique paritaire ; que leur demande a été rejetée par une ordonnance en date du 13 avril 2006, dont ils font appel ;

5. Considérant que les requérants soutiennent que ces modalités d'organisation se traduisent par une redéfinition des cycles de travail jusque-là en vigueur, dès lors qu'elles substituent deux cycles au cycle annuel antérieur et modifient les bornes hebdomadaires et les modalités de repos ; que le conseil municipal était seul compétent pour prévoir ces nouvelles règles, en application de l'article 4 du décret du 12 juillet 2001 ; qu'en outre, les nouveaux plannings de travail hebdomadaire vont conduire certains agents à travailler jusqu'à cinquante-six heures par semaine, en méconnaissance du plafond de quarante-huit heures fixé par l'article 3 du décret du 25 août 2000 ;

6. Considérant, toutefois, que le juge des référés ne peut être saisi, sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, que d'atteintes graves à une liberté fondamentale ; que les modalités d'organisation du travail contestées ne portent pas atteinte, par elles-mêmes, à la liberté personnelle et à la liberté d'aller et venir des agents concernés ; que s'il est soutenu que leur mise en oeuvre requérait une délibération préalable du conseil municipal, l'absence d'une telle délibération, qui n'intéresse que les rapports internes au sein de la collectivité, ne peut, par suite, être regardée, en tout état de cause, comme méconnaissant le principe de libre administration des collectivités territoriales ; que l'insuffisance des informations données aux membres d'un comité technique paritaire à l'occasion de sa consultation ne saurait davantage, à la supposer avérée, être constitutive d'une atteinte grave à la liberté syndicale ; qu'enfin, s'il résulte de l'instruction et des échanges contradictoires tenus lors de l'audience publique que MmeA..., agent travaillant à 80 %, est conduite, certaines semaines, à travailler jusqu'à six jours et n'est régulièrement informée de son planning hebdomadaire que le vendredi précédent, et que d'autres agents de la commune à temps partiel ou complet sont exposés à des contraintes similaires, cette situation, dont la commune de Perpignan soutient qu'elle est liée au moins partiellement à des difficultés techniques à caractère transitoire, et dont il n'apparaît pas qu'elle est susceptible de se traduire par un dépassement du plafond légal de travail hebdomadaire, ne peut, malgré les inconvénients qu'elle présente pour les intéressés, être regardée, en l'absence de circonstances particulières, comme portant à leur droit au respect de leur vie privée et familiale une atteinte grave justifiant l'intervention du juge des référés au titre de l'article L. 521-2 ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la condition relative à l'urgence, que Mme A...et le syndicat Sud Collectivités territoriales 66 ne sont pas fondés à se plaindre du rejet des conclusions qu'ils ont présentées devant le tribunal administratif de Montpellier ; que leur requête ne peut qu'être rejetée, y compris leurs conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la commune de Perpignan au titre de l'article L. 761-1 du même code ;

O R D O N N E :

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Article 1er : La requête de Mme A...et du syndicat SUD Collectivités territoriales est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la commune de Perpignan tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme B...A..., au syndicat SUD collectivités territoriales et à la commune de Perpignan.


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 399542
Date de la décision : 19/05/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 19 mai. 2016, n° 399542
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Avocat(s) : SCP DELAPORTE, BRIARD ; SCP CELICE, BLANCPAIN, SOLTNER, TEXIDOR

Origine de la décision
Date de l'import : 20/02/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2016:399542.20160519
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