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15/04/2016 | FRANCE | N°398110

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 15 avril 2016, 398110


Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 21 mars et 11 avril 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association Souffel Escrime Club, représentée par son président, demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) d'ordonner la suspension de l'exécution de la décision de la Fédération française d'escrime du 5 février 2016 rejetant sa demande tendant à la suspension des dispositions du règlement sportif de la Féd

ération française d'escrime limitant la composition des équipes participant aux c...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 21 mars et 11 avril 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association Souffel Escrime Club, représentée par son président, demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) d'ordonner la suspension de l'exécution de la décision de la Fédération française d'escrime du 5 février 2016 rejetant sa demande tendant à la suspension des dispositions du règlement sportif de la Fédération française d'escrime limitant la composition des équipes participant aux championnats de France à un seul tireur non sélectionnable en équipe de France ;

2°) d'ordonner la suspension de l'exécution des dispositions du règlement sportif de la Fédération française d'escrime limitant la composition des équipes participant aux championnats de France à un seul tireur non sélectionnable en équipe de France ;

3°) d'enjoindre à la Fédération française d'escrime d'autoriser l'inscription et la participation aux championnats de France sabre séniors prévus les 30 avril et 1er mai 2016 de l'équipe Souffel Escrime Club composée de plus d'un tireur de nationalité allemande.

Elle soutient que :

- la condition d'urgence est remplie dès lors que les épreuves sont prévues les 30 avril et 1er mai 2016 et que les tireurs de nationalité allemande seront privés d'exercer leur activité sportive en équipe ;

- il existe un doute sérieux sur la légalité de la décision contestée ;

- cette décision constitue une discrimination en raison de la nationalité contraire au droit de l'Union européenne et au principe d'égalité, sans qu'aucune circonstance objective ne puisse justifier cette différence ;

- elle est disproportionnée.

Par un mémoire en observations, enregistré le 7 avril 2016, le ministre de la ville, de la jeunesse et des sports indique ne pas souhaiter intervenir sur le fond de l'affaire.

Par un mémoire en défense et un mémoire en duplique, enregistrés les 7 et 12 avril 2016, la Fédération française d'escrime conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'association la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête au fond est irrecevable dès lors qu'elle n'a pas été précédée d'un recours administratif préalable obligatoire, prévu par le règlement intérieur de la Fédération française d'escrime ; que la demande tendant à l'inscription de l'équipe sénior du club requérant, composée de deux tireurs non sélectionnables pour l'épreuve des championnats de France des 30 avril et 1er mai 2016, n'a été précédée ni d'une demande préalable, ni d'un recours préalable auprès du comité national olympique sportif ;

- la condition d'urgence n'est pas remplie dès lors que l'association requérante ne justifie pas d'une atteinte grave et immédiate à ses intérêts et que l'intérêt général s'oppose à la suspension du déroulement de la compétition sportive ;

- il n'existe aucun moyen sérieux propre à créer un doute sur la légalité de la décision contestée dès lors que le sport amateur n'est pas régi par les règles de l'Union européenne et qu'en tout état de cause, la règle critiquée poursuit un objectif d'intérêt général et est proportionnée au but qu'elle poursuit.

Après avoir convoqué à une audience publique d'une part, l'association Souffel Escrime Club, d'autre part, la Fédération française d'escrime et le ministre de la ville, de la jeunesse et des sports ;

Vu le procès-verbal de l'audience publique du 12 avril 2016 à 10 heures au cours de laquelle ont été entendus :

- Me Nicolaÿ, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de l'association Souffel Escrime Club ;

- les représentants de l'association Souffel Escrime Club ;

- Me Froger, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de la Fédération française d'escrime ;

- les représentants de la Fédération française d'escrime ;

et à l'issue de laquelle le juge des référés a prolongé l'instruction jusqu'au 13 avril à 13 heures ;

Vu le nouveau mémoire, enregistré le 13 avril 2016, présenté par l'association Souffel Escrime Club qui présente, en plus de ses premières écritures, de nouvelles conclusions et demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, à titre subsidiaire, d'ordonner la suspension du règlement sportif de la Fédération française d'escrime limitant à un seul tireur non sélectionnable en équipe de France la composition des équipes séniors N1 et N2 sabre et fleuret souhaitant participer aux championnats de France prévus les 30 avril et 1er mai 2016 et de rejeter les conclusions présentées par la Fédération française d'escrime au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu le nouveau mémoire, enregistré le 13 avril 2016, présenté par la Fédération française d'escrime qui persiste dans ses écritures ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- le code du sport ;

- le règlement intérieur de la Fédération française d'escrime ;

- le code de justice administrative ;

1. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision " ; qu'il résulte de ces dispositions que le prononcé de la suspension d'un acte administratif est subordonné notamment à une condition d'urgence ; que l'urgence justifie la suspension de l'exécution d'un acte administratif lorsque celui-ci porte atteinte de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre ; qu'il appartient au juge des référés d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l'acte contesté sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue ; que l'urgence doit être appréciée objectivement et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'affaire ;

2. Considérant que l'association Souffel Escrime Club a présenté une demande à la Fédération française d'escrime tendant à ce que soient suspendues les dispositions du règlement sportif de la Fédération française d'escrime limitant la composition des équipes participant aux championnats de France à un seul tireur non sélectionnable en équipe de France, afin de pouvoir se présenter aux championnats de France par équipe avec plus d'un athlète de nationalité allemande ; que, par un courrier du 5 février 2016, la Fédération française d'escrime a refusé de modifier son règlement intérieur qui prévoit à son article 10.1 que pour la participation aux épreuves fédérales par équipes, " chaque équipe doit être composée d'au moins 3 tireurs ayant réglementairement la possibilité d'être sélectionné en équipe de France " ; que l'association Souffel Escrime Club demande la suspension de la décision contestée du 5 février 2016 ;

3. Considérant que l'association requérante soutient que l'exécution de la décision contestée porte une atteinte grave et immédiate à ses intérêts, dès lors qu'elle l'empêchera de faire participer aux championnats de France par équipes prévus le 30 avril et le 1er mai 2016 certains de ses meilleurs tireurs de nationalité allemande ; que, cependant, le maintien en vigueur des dispositions litigieuses n'empêchera pas le Souffel escrime club de participer à ces compétitions, dans les mêmes conditions que les autres clubs, comme elle l'a fait non sans succès au cours des années précédentes, les dispositions en cause régissant ces championnats, dans leur rédaction actuelle, depuis la délibération de l'assemblée générale de la Fédération française d'escrime du 5 juin 2010 ; qu'aucun élément concret ne vient confirmer l'argument selon lequel l'octroi au club de subventions publiques serait dépendant de la possibilité de faire participer des sportifs étrangers aux épreuves françaises ; qu'en outre, s'il y a lieu, le cas échéant, dans la balance des intérêts à laquelle procède le juge des référés, saisi sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, pour apprécier si la condition d'urgence doit être regardée comme remplie, de tenir compte de ce que l'intérêt public commande que soient prises les mesures provisoires nécessaires pour faire cesser immédiatement l'atteinte aux droits conférés par l'ordre juridique de l'Union européenne, cette circonstance, à la supposer établie, n'est pas constitutive d'une situation d'urgence justifiant, par elle-même et indépendamment de toute autre considération, la suspension de la décision contestée ; qu'il apparaît en revanche, que la modification au dernier moment des règles relatives à la composition des équipes serait de nature à mettre en cause l'égalité et l'équité entre les clubs sportifs qui se sont préparés pour les championnats de France sur la base de règles du jeu en vigueur, ainsi qu'il a été rappelé ci-dessus, depuis plusieurs années ; qu'ainsi, en l'état de l'instruction, un intérêt public fort est attaché à ce que les championnats par équipes qui se tiendront les 30 avril et 1er mai 2016 se déroulent selon les dispositions en vigueur du règlement de la Fédération française d'escrime ;

4. Considérant que, dans ces conditions, et alors que le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, sera normalement en mesure de se prononcer sur la requête en annulation dans les prochains mois, la condition d'urgence ne peut être regardée comme remplie ; qu'il en résulte que, sans qu'il soit besoin de se prononcer, ni sur la recevabilité de la requête au fond, ni sur l'existence d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux sur la légalité de la décision contestée, la requête de l'association Souffel Escrime Club doit être rejetée, y compris ses conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la Fédération française d'escrime présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

O R D O N N E :

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Article 1er : La requête de l'association Souffel Escrime Club est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la Fédération française d'escrime au titre des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à l'association Souffel Escrime Club, à la Fédération française d'escrime et au ministre de la ville, de la jeunesse et des sports.


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 398110
Date de la décision : 15/04/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 15 avr. 2016, n° 398110
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Avocat(s) : SCP FOUSSARD, FROGER ; SCP NICOLAY, DE LANOUVELLE, HANNOTIN

Origine de la décision
Date de l'import : 20/02/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2016:398110.20160415
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