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29/12/2015 | FRANCE | N°394999

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 29 décembre 2015, 394999


Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 3 décembre 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le syndicat des pilotes de ligne France ALPA demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) d'ordonner la suspension de l'exécution de l'arrêté du 29 septembre 2015 de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie relatif aux membres d'équipage technique des opérations d'hélitreuillage et des opérations du service médical d'urgence

par hélicoptère ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somm...

Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 3 décembre 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le syndicat des pilotes de ligne France ALPA demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) d'ordonner la suspension de l'exécution de l'arrêté du 29 septembre 2015 de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie relatif aux membres d'équipage technique des opérations d'hélitreuillage et des opérations du service médical d'urgence par hélicoptère ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la condition d'urgence est remplie, dès lors que l'arrêté litigieux porte une atteinte grave et immédiate à la sécurité des usagers en tant qu'il permet aux membres d'équipage technique des opérations d'hélitreuillage et des opérations du service médical d'urgence par hélicoptère d'assister le pilote sans être titulaire d'un titre aéronautique en cours de validité tel que le prévoit l'article L. 6521-2 du code des transports, et sans satisfaire aux exigences d'aptitude physique requises des pilotes ;

- il existe un doute sérieux quant à la légalité de l'arrêté contesté, dont l'adoption, d'une part, s'est faite en méconnaissance de l'article R. 410-1 du code de l'aviation civile, dès lors que le Conseil du personnel navigant professionnel de l'aéronautique civile n'a pas été consulté, et qui méconnaît, d'autre part, l'article L. 6521-2 du code des transports, dès lors qu'il autorise les membres d'équipage technique des opérations d'hélitreuillage et des opérations du service médical d'urgence par hélicoptère à faire partie du personnel navigant de l'aéronautique civile sans être titulaires d'un titre aéronautique en cours de validité.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 décembre 2015, la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie conclut au rejet de la requête. Elle soutient que le syndicat national des pilotes de ligne France ALPA ne justifie pas d'un intérêt lui donnant qualité pour agir, que la condition d'urgence n'est pas remplie et que les moyens invoqués par le requérant ne sont pas fondés.

Par un mémoire en réplique, enregistré le 24 décembre 2015, le syndicat national des pilotes de ligne France ALPA reprend les conclusions de sa demande par les mêmes moyens. Il soutient en outre qu'il a intérêt à agir dès lors qu'il a pour buts de défendre les intérêts des pilotes professionnels d'aéronefs et de maintenir et accroître la sécurité des transports aériens et que l'arrêté contesté, définissant les exigences requises des membres d'équipage technique susceptibles d'assister les pilotes d'hélicoptères, est susceptible d'affecter la sécurité de ces derniers et celle de leurs passagers.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le règlement (UE) n° 965/2012 de la Commission du 5 octobre 2012 déterminant les exigences techniques et les procédures administratives applicables aux opérations aériennes conformément au règlement (CE) n°216/2008 du Parlement européen et du Conseil ;

- le code des transports ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, le syndicat des pilotes de ligne France ALPA et, d'autre part, la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie ;

Vu le procès-verbal de l'audience publique du 29 décembre 2015 à 14 heures au cours de laquelle ont été entendus :

- Me Thouin-Palat, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat du syndicat des pilotes de ligne France ALPA ;

- Me Matuchansky, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie ;

- les représentants de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie ;

et à l'issue de laquelle le juge des référés a clos l'instruction ;

Sur les conclusions à fin de suspension :

1. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision " ; qu'il résulte de ces dispositions que le prononcé de la suspension d'un acte administratif est subordonné notamment à une condition d'urgence ; que l'urgence justifie la suspension de l'exécution d'un acte administratif lorsque celui-ci porte atteinte de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre ; qu'il appartient au juge des référés d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l'acte contesté sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue ; que l'urgence doit être appréciée objectivement et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'affaire ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 6511-11 du code des transports : " le personnel navigant est soumis au présent titre et aux dispositions du règlement (CE) n°216/2008 du Parlement européen et du Conseil, du 20 février 2008, concernant les règles communes dans le domaine de l'aviation civile et instituant une Agence européenne de la sécurité aérienne ... ainsi qu'aux dispositions des règlements pris pour son application par la Commission européenne " ; qu'aux termes de l'article L. 6521-1 de ce code : " est navigant professionnel de l'aéronautique civile toute personne exerçant de façon habituelle et principale ... l'une des fonctions suivantes : 1° Commandement et conduite des aéronefs ; 2° Service à bord des moteurs, machines et instruments divers nécessaires à la navigation de l'aéronef ; 3° Service à bord des autres appareils montés sur aéronefs... ; 4° Services complémentaires de bord comprenant, notamment, le personnel navigant commercial du transport aérien " ; qu'aux termes de l'article L. 6521-2 du même code : " Nul ne peut faire partie du personnel navigant professionnel de l'aéronautique civile s'il n'est : 1° Titulaire d'un titre aéronautique en état de validité ; ... " ;

3. Considérant que l'arrêté contesté dispose, d'une part, que les membres d'équipage technique des opérations d'hélitreuillage, qui assurent des tâches liées à l'utilisation d'un treuil, et les membres d'équipage technique des opérations du service médical d'urgence par hélicoptère, qui assistent le pilote pendant un vol de service médical d'urgence par hélicoptère, font partie des personnels navigants mentionnés, respectivement, au 3° et au 4° de l'article L. 6521-1 du code des transports ; qu'il dispose, d'autre part, que les documents établis par les exploitants agréés selon les sous-parties I ou J de l'annexe V du règlement (UE) n°965/2012 attestant que ces personnels ont suivi les formations applicables et subi avec succès les évaluations requises par ce règlement sont assimilés au titre mentionné à l'article L. 6521-2 du code des transports pour l'application de ce même code ;

4. Considérant que les tâches relevant du pilotage de l'appareil ne peuvent être accomplies que par les membres de l'équipage de conduite de ce dernier ; que les membres d'équipage mentionnés ci-dessus, qui n'appartiennent pas à l'équipage de conduite, mais à l'équipage technique, et ne sauraient donc accomplir de tâches relevant du pilotage, se bornent à assister le pilote de l'appareil, sous l'autorité de ce dernier et dans la mesure de ses demandes ; que les exigences de formation et d'évaluation requises pour l'accomplissement des tâches qui peuvent ainsi incomber aux membres de l'équipage technique sont énoncées, d'une part, aux paragraphes ORO.TC.100 à ORO.TC.140 de l'annexe III du règlement (UE) n°965/2012 et, d'autre part, à l'annexe V du même règlement, au point f) du paragraphe SPA.HHO.130 de la sous-partie I pour les membres d'équipage technique des opérations d'hélitreuillage, et au point f) du paragraphe SPS.HEMS.130 de la sous-partie J pour les membres d'équipage technique des opérations du service médical d'urgence par hélicoptère ; qu'il ne ressort pas des pièces versées au dossier du juge des référés et des éléments indiqués au cours de l'audience que, eu égard à la nature de ces tâches, leur accomplissement par des personnes ayant suivi avec succès la formation et les évaluations ainsi requises et la présence à bord de ces personnes seraient susceptibles de présenter un danger pour la sécurité de l'appareil, de son équipage ou de ses éventuels passagers ; que le risque invoqué par le syndicat requérant pour justifier de l'urgence à suspendre l'arrêté contesté n'est donc pas, en l'état de l'instruction, établi ; que, dans ces conditions, la condition d'urgence à laquelle est subordonnée l'intervention du juge des référés ne peut être regardée comme remplie ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir invoquée par la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie et sur l'existence d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de l'arrêté contesté, que la requête présentée par le syndicat national des pilotes de lignes ALPA doit être rejetée ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

6. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que le syndicat requérant demande au titre des frais exposés par lui dans le cadre de l'instance de référé et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du syndicat national des pilotes de lignes ALPA, sur le fondement des mêmes dispositions, la somme de 4 000 euros à verser à l'Etat ;

O R D O N N E :

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Article 1er : La requête du syndicat national des pilotes de lignes ALPA est rejetée.

Article 2 : Le syndicat national des pilotes de lignes ALPA versera à l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée au syndicat des pilotes de ligne France ALPA et à la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie.


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 394999
Date de la décision : 29/12/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 29 déc. 2015, n° 394999
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Avocat(s) : SCP BARTHELEMY, MATUCHANSKY, VEXLIARD, POUPOT ; SCP THOUIN-PALAT, BOUCARD

Origine de la décision
Date de l'import : 20/02/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2015:394999.20151229
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