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25/11/2015 | FRANCE | N°362895

France | France, Conseil d'État, 9ème ssjs, 25 novembre 2015, 362895


Vu la procédure suivante :

La société Outside Surf Travel a demandé au tribunal administratif de Pau de prononcer, à titre principal, la décharge de la taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamée au titre de la période du 1er janvier 2002 au 31 décembre 2004 et, à titre subsidiaire, une réduction en droits de 37 384 euros, ainsi que la réduction des pénalités correspondantes. Par un jugement n° 0601525 du 4 décembre 2008, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 09BX00324 du 2 mars 2010, la cour administrative de Bordeaux

a annulé ce jugement et accordé à la société la décharge de la taxe sur la valeur ...

Vu la procédure suivante :

La société Outside Surf Travel a demandé au tribunal administratif de Pau de prononcer, à titre principal, la décharge de la taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamée au titre de la période du 1er janvier 2002 au 31 décembre 2004 et, à titre subsidiaire, une réduction en droits de 37 384 euros, ainsi que la réduction des pénalités correspondantes. Par un jugement n° 0601525 du 4 décembre 2008, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 09BX00324 du 2 mars 2010, la cour administrative de Bordeaux a annulé ce jugement et accordé à la société la décharge de la taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités correspondantes ;

Par une décision n° 339116 du 5 mars 2012, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a annulé cet arrêt et a renvoyé l'affaire à la cour administrative d'appel de Bordeaux ;

Par un second arrêt n° 12BX00636 du 19 juillet 2012, la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté l'appel formé par la société Outside Surf Travel contre le jugement du tribunal administratif de Pau.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés respectivement les 19 septembre 2012, 19 décembre 2012 et 10 décembre 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Outside Surf Travel demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce second arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la sixième directive 77/388/CEE du 17 mai 1977, en matière d'harmonisation des législations des Etats membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Julien Anfruns, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Frédéric Aladjidi, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Célice, Blancpain, Soltner, Texidor, avocat de la société Outside Surf Travel ;

Vu les notes en délibéré, enregistrées le 15 juillet 2015, présentées pour la société Outside Surf Travel ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Outside Surf Travel, dont le siège est à Cologne (Allemagne), a organisé au cours des années 2002 à 2004 des stages de surf sur la côte landaise. Dans le cadre d'une vérification de comptabilité de cette société, l'administration fiscale, estimant que son activité ne pouvait être regardée comme celle d'une agence de voyages établie en Allemagne et taxable seulement dans cet Etat en vertu de l'article 26 de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil du 17 mai 1977, dès lors qu'elle était réalisée sur le territoire français, a mis à la charge de la société Outside Surf Travel des cotisations de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période comprise entre le 1er janvier 2002 et le 31 décembre 2004 sur le fondement de l'article 259 A du code général des impôts. Après rejet de ses réclamations dirigées contre ces rappels, la société Outside Surf Travel a saisi le juge de l'impôt du litige l'opposant à l'administration fiscale. Elle se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 19 juillet 2012 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux, statuant sur renvoi par le Conseil d'Etat à la suite de la cassation d'un premier arrêt en date du 2 mars 2010, a rejeté son appel dirigé contre le jugement du 4 décembre 2008 ayant rejeté sa demande tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période comprise entre le 1er janvier 2002 et le 31 décembre 2004.

2. Aux termes de l'article 26 de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil du 17 mars 1977, dans sa rédaction applicable à la période d'imposition concernée, instituant un régime de taxation sur la marge pour les agences de voyages : " Régime particulier des agences de voyages - 1. Les Etats membres appliquent la taxe sur la valeur ajoutée aux opérations des agences de voyages conformément au présent article, dans la mesure où ces agences agissent en leur propre nom à l'égard du voyageur et lorsqu'elles utilisent, pour la réalisation du voyage, des livraisons et des prestations de services d'autres assujettis. Le présent article n'est pas applicable aux agences de voyages qui agissent uniquement en qualité d'intermédiaire (...). Au sens du présent article, sont également considérés comme agences de voyages les organisateurs de circuits touristiques. / 2. Les opérations effectuées par l'agence de voyages pour la réalisation du voyage sont considérées comme une prestation de service unique de l'agence de voyages au voyageur. Celle-ci est imposée dans l'Etat membre dans lequel l'agence de voyages a établi le siège de son activité économique ou un établissement stable à partir duquel elle a fourni la prestation de services (...). ". Selon l'article 259 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à la période d'imposition concernée : " Le lieu des prestations de services est réputé se situer en France lorsque le prestataire a en France le siège de son activité ou un établissement stable à partir duquel le service est rendu ou, à défaut, son domicile ou sa résidence habituelle. " Aux termes du a du 1 de l'article 266 du code général des impôts, la base de la taxe sur la valeur ajoutée est constituée : " Pour les livraisons de biens, les prestations de services et les acquisitions intracommunautaires, par toutes les sommes, valeurs, biens ou services reçus ou à recevoir par le fournisseur ou le prestataire en contrepartie de ces opérations (...) ". Il résulte de la combinaison des textes précités que le régime d'imposition prévu à l'article 26 de la sixième directive du 17 mars 1977, repris au e du 1 de l'article 266 du code général des impôts, ne s'applique qu'aux seules prestations acquises par une agence de voyages auprès de tiers, et non à celles qu'elle a elle-même matériellement exécutées, lesquelles relèvent des dispositions du a du 1 de ce même article. Dans le cas où le prix des circuits organisés payé par les clients est un forfait qui couvre l'ensemble des prestations fournies à ceux-ci, l'application de ce régime d'imposition exige que ce forfait soit décomposé de manière à ce qu'en soit déterminée la fraction pouvant raisonnablement être réputée correspondre au paiement par les clients des services matériellement exécutés par des tiers. A cette fin, l'opérateur doit être en mesure de justifier d'éléments permettant d'effectuer la ventilation requise avec une précision suffisante.

3. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le forfait acquitté par les clients de la société Outside Surf Travel comprenait l'assistance aux préparatifs du voyage, dont les coûts ont été exclus de la base de calcul de la taxe sur la valeur ajoutée due en France, le logement sur place dans des emplacements de camping loués par l'agence, la restauration, les cours de surf dispensés par des moniteurs diplômés de la fédération allemande de surf, l'animation des camps par des directeurs non salariés, et, pour les clients qui le souhaitaient, la fourniture du matériel de camping et de surf ; que la société Outside Surf Travel a versé au dossier, en vue de justifier des montants effectifs des prestations externes pour les trois années en litige, un tableau ainsi que des extraits de sa comptabilité assortis de l'ensemble des factures justificatives permettant d'identifier avec une précision suffisante la fraction des paiements correspondant à des services exécutés par des tiers.

4. Il suit de là qu'en jugeant que la société Outside Surf Travel ne produisait pas d'éléments lui permettant de déterminer avec une précision suffisante, au sein des forfaits facturés aux clients, la fraction pouvant raisonnablement être réputée correspondre au paiement par ceux-ci des services matériellement exécutés par des tiers, la cour administrative d'appel a dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis. Dès lors, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de sa requête, la société est fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué.

5. Aux termes du second alinéa de l'article L. 821-2 du code de justice administrative : " Lorsque l'affaire fait l'objet d'un second pourvoi en cassation, le Conseil d'Etat statue définitivement sur cette affaire ". Il y a lieu, par suite, de régler l'affaire au fond.

6. Il résulte de l'instruction que la société a réalisé en France un chiffre d'affaires de 221 743 euros en 2002, 183 326 euros en 2003 et 207 487 euros en 2004. Elle a régulièrement enregistré en comptabilité des prestations externes, correspondant principalement à des prestations d'hébergement et d'enseignement du surf, d'un montant total de 100 077,29 euros en 2002, 122 244,69 euros en 2003 et 123 769,42 euros en 2004. Dès lors, le chiffre d'affaires imposable en France au titre de la taxe sur la valeur ajoutée doit être réduit à 121 665,71 euros en 2002, 61 081,31 euros en 2003 et 83 717,58 euros en 2004. Il y a lieu de prononcer des réductions de base égales à la différence entre les montants de chiffre d'affaires imposable retenus par l'administration fiscale et les montants mentionnés à la phrase précédente, ainsi que la décharge des droits et intérêts de retard correspondant à ces réductions de base.

7. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle, que la société Outside Surf Travel est fondée à demander la réformation du jugement du 4 décembre 2008 par lequel le tribunal administratif de Pau a rejeté ses conclusions en décharge des droits de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2002 au 31 décembre 2004.

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État, pour l'ensemble de la procédure, une somme de 6 000 euros à verser à la société Outside Surf Travel au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt n° 12BX00636 du 19 juillet 2012 de la cour administrative d'appel de Bordeaux est annulé.

Article 2 : Les bases d'imposition à la taxe sur la valeur ajoutée de la société Outside Surf Travel sont réduites à 121 665,71 euros en 2002, 61 081,31 euros en 2003 et 83 717,58 euros en 2004.

Article 3 : La société Outside Surf Travel est déchargée des droits et intérêts de retard correspondant aux réductions de base définies à l'article 2 ci-dessus.

Article 4 : Le jugement du 4 décembre 2008 du tribunal administratif de Pau est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.

Article 5 : L'État versera à la société Outside Surf Travel une somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : La présente décision sera notifiée à la société Outside Surf Travel et au ministre des finances et des comptes publics.


Synthèse
Formation : 9ème ssjs
Numéro d'arrêt : 362895
Date de la décision : 25/11/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 25 nov. 2015, n° 362895
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Julien Anfruns
Rapporteur public ?: M. Frédéric Aladjidi
Avocat(s) : SCP CELICE, BLANCPAIN, SOLTNER, TEXIDOR

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2015:362895.20151125
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