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23/11/2015 | FRANCE | N°364112

France | France, Conseil d'État, 8ème / 3ème ssr, 23 novembre 2015, 364112


Vu 1°, sous le n° 364112, le pourvoi, enregistré le 26 novembre 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le ministre de la défense ; le ministre demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n°11/16912 du 20 septembre 2012 par lequel la cour régionale des pensions de Paris, après avoir infirmé le jugement du 20 février 2008 du tribunal départemental des pensions des Yvelines, a accordé à M. B...A...une pension militaire d'invalidité temporaire au taux de 80 % à compter du 17 mars 2004 ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter

la demande de M.A... ;

Vu 2°, sous le n° 366375, le pourvoi sommaire et le mém...

Vu 1°, sous le n° 364112, le pourvoi, enregistré le 26 novembre 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le ministre de la défense ; le ministre demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n°11/16912 du 20 septembre 2012 par lequel la cour régionale des pensions de Paris, après avoir infirmé le jugement du 20 février 2008 du tribunal départemental des pensions des Yvelines, a accordé à M. B...A...une pension militaire d'invalidité temporaire au taux de 80 % à compter du 17 mars 2004 ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter la demande de M.A... ;

Vu 2°, sous le n° 366375, le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 26 février et 27 mai 2013, présentés pour M. B... A..., demeurant... ; M. A... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le même arrêt, en tant qu'il ne lui a accordé un droit à pension temporaire qu'au taux de 80 % ;

2°) réglant l'affaire au fond, de lui accorder un droit à pension au taux de 100 % pour la période du 17 mars 2004 au 16 mars 2007 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Mathieu Herondart, conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Benoît Bohnert, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de M. A...;

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M.A..., qui était gendarme, a été victime le 17 mars 2004 d'un accident lors d'une séance d'entraînement de parachutisme ; que, par un arrêté du 3 octobre 2005, une pension militaire d'invalidité lui a été concédée à titre temporaire du 17 mars 2004 au 16 mars 2007 au taux de 35 % fondée sur la reconnaissance d'une infirmité liée aux séquelles d'une fracture ouverte à la cheville gauche entraînant un taux d'invalidité de 20 % et d'une infirmité liée aux séquelles d'une fracture ouverte à la cheville droite entraînant un taux d'invalidité de 10 % ; que, dans un mémoire du 7 février 2007 présenté devant le tribunal départemental des pensions des Yvelines, il a demandé, à titre principal, de porter les taux d'invalidité de chacune des deux infirmités reconnues à 40 % et de reconnaître deux nouvelles infirmités évaluée chacune à 10 % et, à titre subsidiaire, à ce qu'une expertise médicale soit ordonnée afin d'évaluer les taux d'invalidité correspondant à ces différentes infirmités ; qu'à la suite de l'expertise ordonnée par le tribunal départemental des pensions, M. A... a sollicité, par un mémoire du 7 janvier 2008, la reconnaissance d'un taux d'invalidité de 100 % correspondant pour les deux tiers aux séquelles de la fracture de la cheville gauche et pour le tiers restant aux séquelle de fracture de la cheville droite ; que, par un arrêt du 20 septembre 2012, la cour régionale des pensions de Paris a jugé que les taux d'invalidité devaient être fixés à 40 % pour chacune des infirmités liées aux séquelles des fractures des deux chevilles, a fixé à 80 % le taux de la pension temporaire d'invalidité à compter du 17 mars 2004 et a rejeté le surplus des conclusions de la requête ; que, par deux pourvois qu'il y a lieu de joindre, le ministre de la défense et M. A...demandent l'annulation de cet arrêt ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 4 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre : " Les pensions sont établies d'après le degré d'invalidité. / (...) / Il est concédé une pension : / 1° Au titre des infirmités résultant de blessures, si le degré d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse 10 % (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 6 du même code : " La pension prévue par le présent code est attribuée sur demande de l'intéressé après examen, à son initiative, par une commission de réforme selon des modalités fixées par décret en Conseil d'Etat. / L'entrée en jouissance est fixée à la date du dépôt de la demande " ; qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 7 du même code : " Il y a droit à pension définitive quand l'infirmité causée par la blessure ou la maladie est reconnue incurable. Il y a droit à pension temporaire si elle n'est pas reconnue incurable " ; qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 8 : " La pension temporaire est concédée pour trois années (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 14 : " Dans les cas d'infirmités multiples dont aucune n'entraîne d'invalidité absolue, le taux d'invalidité est considéré intégralement pour l'infirmité la plus grave et pour chacune des infirmités supplémentaires, proportionnellement à la validité restante. A cet effet, les infirmités sont classées par ordre décroissant de taux d'invalidité. Toutefois, quand l'infirmité principale est considérée comme entraînant une invalidité d'au moins 20 %, les degrés d'invalidité de chacune des infirmités supplémentaires sont élevés d'une, de deux ou de trois catégories, soit de 5, 10, 15 % et ainsi de suite, suivant qu'elles occupent les deuxième, troisième, quatrième rangs dans la série décroissante de leur gravité (...) " ; qu'enfin, l'article L. 26 de ce code dispose que : " Toute décision administrative ou judiciaire relative à l'évaluation de l'invalidité doit être motivée par des raisons médicales et comporter, avec le diagnostic de l'infirmité, une description complète faisant ressortir la gêne fonctionnelle et, s'il y a lieu, l'atteinte de l'état général qui justifient le pourcentage attribué ", tandis que l'article L. 27 du code précise que : " Les pensions temporaires prévues aux articles L. 7 et L. 8 sont liquidées, concédées et servies comme les pensions définitives (...) " ;

Sur le pourvoi du ministre :

3. Considérant qu'il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que, pour fixer la pension temporaire d'invalidité de M. A...à un taux de 80 %, la cour régionale des pensions s'est fondée sur les éléments du dossier qui lui étaient soumis et les conclusions du rapport de l'expert ; que si la cour a relevé que ce taux était celui proposé par l'administration dans le cadre d'une demande d'aggravation et qu'il avait été retenu pour la pension définitive, il ressort des termes mêmes de l'arrêt que la cour ne s'est pas fondée sur ce motif pour fixer le taux de la pension temporaire d'invalidité de M.A... ; que, par suite, le ministre de la défense n'est pas fondé à soutenir que la cour, qui a suffisamment motivé son arrêt sur ce point, aurait commis une erreur de droit en se fondant sur des éléments postérieurs aux faits dont elle était saisie ;

4. Mais considérant que, pour fixer le taux global d'invalidité à 80 %, la cour régionale des pensions a additionné les taux d'invalidité de 40 % correspondant aux infirmités dont souffrait M. A...à chacune des chevilles ; qu'elle a ainsi méconnu les dispositions de l'article L. 14 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre qui prévoient qu'en cas d'infirmités multiples dont aucune n'entraîne d'invalidité absolue, le taux d'invalidité doit être fixé, pour la deuxième infirmité, proportionnellement à la validité restante ; que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, le ministre est fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque en tant qu'il a fixé le taux global de la pension temporaire d'invalidité à 80 % à partir des taux d'invalidité de 40 % correspondant à chacune des infirmités liées aux fractures des chevilles ;

Sur le pourvoi de M.A... :

5. Considérant que le pourvoi de M. A...tend à l'annulation de l'arrêt de la cour régionale des pensions en tant qu'elle a fixé à 80 % seulement le taux de la pension militaire d'invalidité qui devait lui être allouée à la suite de l'accident de service dont il a été victime ;

6. Considérant que la personne qui saisit un tribunal des pensions en sollicitant la révision du taux d'invalidité d'une infirmité dont elle souffre est recevable à augmenter dans des conclusions présentées après expertise, le taux dont elle avait demandé à bénéficier avant que celle-ci ne soit ordonnée ; que, par suite, en se fondant sur les premières conclusions chiffrées présentées par M. A... devant le tribunal dans son mémoire du 9 février 2007 pour estimer qu'un taux d'invalidité de 100% ne pouvait être retenu, alors que le requérant avait présenté cette nouvelle évaluation après le dépôt de l'expertise ordonnée par le tribunal, la cour régionale des pensions a commis une erreur de droit ; que, par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, son arrêt doit être annulé en tant qu'il a rejeté le surplus des conclusions de M.A... tendant à ce que le taux de sa pension temporaire d'invalidité soit fixé à 100 % ;

7. Considérant qu'aux termes du second alinéa de l'article L. 821-2 du code de justice administrative : " Lorsque l'affaire fait l'objet d'un second pourvoi en cassation, le Conseil d'Etat statue définitivement sur cette affaire " ; qu'il y a lieu, par suite, de régler l'affaire au fond ;

8. Considérant que, dans sa requête, M. A...a demandé que le taux de sa pension temporaire d'invalidité soit porté à 100 % en raison des séquelles de fracture ouverte de la cheville gauche et de la cheville droite ;

9. Considérant que, compte tenu des cassations partielles prononcées aux points 5 et 7, la fixation à 40 %, par l'arrêt de la cour, du taux correspondant à chacun des infirmités liées aux séquelles des fractures des deux chevilles doit être regardée comme étant définitive ;

10. Considérant que si, en vertu des dispositions de l'article L. 6 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, la décision relative à l'évaluation relative à l'invalidité au titre de laquelle la demande de pension est sollicitée doit se placer à la date de demande de la pension pour apprécier le degré d'invalidité de l'infirmité invoquée, cette évaluation doit, en application des termes mêmes de l'article L. 26 du même code, tenir compte de la gêne fonctionnelle engendrée dans le temps par ces infirmités ; que, par suite, si M. A...était placé, à la date à laquelle la demande de pension a été présentée, dans un coma artificiel, cette circonstance n'est pas de nature à permettre de retenir un taux d'invalidité de 100 % pour les infirmités liées aux séquelles des fractures des chevilles dont il a été victime lors de son accident ;

11. Considérant qu'il résulte des dispositions précitées de l'article L. 14 du même code que les infirmités doivent être classées par ordre décroissant du taux d'invalidité, que la première infirmité est prise en compte intégralement et qu'ensuite, chacune des infirmités distinctes suivantes est évaluée par rapport au taux de validité restant ; qu'ainsi, après la prise en compte de la première invalidité de 40 %, le taux de validité restant est de 60 % ; que la prise en compte de la deuxième infirmité à un taux de 45 %, compte tenu de l'élévation de 5 % prévue par le même article, aboutit à un taux global d'invalidité de 67 % qui doit être arrondi à 70 % ;

12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal départemental des pensions des Yvelines a rejeté sa demande ;

13. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros à verser à M. A...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt de la cour régionale des pensions de Paris du 20 septembre 2012 est annulé en tant qu'il a refusé de statuer sur la demande de M. A...tendant à ce que le taux global de la pension militaire d'invalidité à titre temporaire soit fixé à 100% et en tant qu'il a fixé ce taux à 80% à partir des taux d'invalidité de 40% correspondant aux infirmités liées aux fractures des chevilles.

Article 2 : Il est accordé à M. A...une pension militaire d'invalidité au taux de 70 % à titre temporaire à compter du 17 mars 2004.

Article 3 : Le jugement du tribunal départemental des pensions des Yvelines du 20 février 2008 est annulé.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête présentée par M. A...devant la cour régionale des pensions de Paris et le surplus des conclusions du pourvoi du ministre sont rejetés.

Article 5 : L'Etat versera à M. A...une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : La présente décision sera notifiée à M. B...A...et au ministre de la défense.


Synthèse
Formation : 8ème / 3ème ssr
Numéro d'arrêt : 364112
Date de la décision : 23/11/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Contentieux des pensions

Analyses

PENSIONS - PENSIONS MILITAIRES D'INVALIDITÉ ET DES VICTIMES DE GUERRE - CARACTÈRE DES PENSIONS CONCÉDÉES - CALCUL DU TAUX DE LA PENSION - 1) CALCUL DU TAUX D'INVALIDITÉ - INFIRMITÉS MULTIPLES - PRISE EN COMPTE DES INFIRMITÉS SUPPLÉMENTAIRES PROPORTIONNELLEMENT À LA VALIDITÉ RESTANTE (ART - L - 14 DU CODE DES PMI) - 2) DATE À LAQUELLE SE PLACER POUR ÉVALUER LE DEGRÉ D'INVALIDITÉ ENTRAÎNÉ PAR L'INFIRMITÉ OUVRANT DROIT À PENSION - DATE DE LA DEMANDE.

48-01-03-02 1) L'article L. 14 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre prévoit que Dans les cas d'infirmités multiples dont aucune n'entraîne d'invalidité absolue, le taux d'invalidité est considéré intégralement pour l'infirmité la plus grave et pour chacune des infirmités supplémentaires, proportionnellement à la validité restante. Une cour fixant à 80 % le taux global d'invalidité en additionnant les taux d'invalidités de 40 % correspondant aux infirmités dont souffre l'intéressé à chacune des chevilles commet donc une erreur de droit.,,,2) En vertu l'article L. 6 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, l'administration doit se placer à la date de la demande de pension pour évaluer le degré d'invalidité entraîné par l'infirmité invoquée. Cette évaluation doit, en application des termes mêmes de l'article L. 26 du même code, tenir compte de la gêne fonctionnelle engendrée dans le temps par ces infirmités. En l'espèce, si l'intéressé était placé, à la date à laquelle la demande de pension a été présentée, dans un coma artificiel, cette circonstance n'est pas de nature à permettre de retenir un taux d'invalidité de 100 % pour les infirmités liées aux séquelles des fractures des chevilles dont il a été victime lors de son accident.

PENSIONS - PENSIONS MILITAIRES D'INVALIDITÉ ET DES VICTIMES DE GUERRE - CONTENTIEUX - PROCÉDURE DEVANT LES JURIDICTIONS SPÉCIALES DES PENSIONS - RÈGLES COMMUNES AU TRIBUNAL DÉPARTEMENTAL ET À LA COUR RÉGIONALE DES PENSIONS - INTRODUCTION DE L'INSTANCE - ACTION EN RÉVISION DU TAUX D'INVALIDITÉ - POSSIBILITÉ D'AUGMENTER LE TAUX DEMANDÉ APRÈS L'EXPERTISE - EXISTENCE.

48-01-08-02-01-02 La personne qui saisit un tribunal des pensions en sollicitant la révision du taux d'invalidité d'une infirmité dont il souffre est recevable à augmenter, dans des conclusions présentées après expertise, le taux dont elle avait demandé à bénéficier avant que celle-ci ne soit ordonnée.


Publications
Proposition de citation : CE, 23 nov. 2015, n° 364112
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Mathieu Herondart
Rapporteur public ?: M. Benoît Bohnert
Avocat(s) : SCP WAQUET, FARGE, HAZAN

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2015:364112.20151123
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