La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

09/11/2015 | FRANCE | N°388169

France | France, Conseil d'État, 4ème ssjs, 09 novembre 2015, 388169


Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 20 février et 13 octobre 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme A...B...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite de rejet, née du silence gardé par la garde des sceaux, ministre de la justice, sur sa demande du 23 octobre 2014 tendant à ce que les dispositions du code de justice administrative, notamment les dispositions de " son article R. 311-12 ", soient rendues compatibles avec les stipulations de l'article 6 de la

convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des liberté...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 20 février et 13 octobre 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme A...B...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite de rejet, née du silence gardé par la garde des sceaux, ministre de la justice, sur sa demande du 23 octobre 2014 tendant à ce que les dispositions du code de justice administrative, notamment les dispositions de " son article R. 311-12 ", soient rendues compatibles avec les stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

2°) d'enjoindre au Premier ministre de faire droit à sa demande ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les dispositions de l'article R. 312-12 du code de justice administrative, en ce qu'elles permettent que les tribunaux administratifs connaissent des litiges relatifs à la situation individuelle d'un magistrat administratif, méconnaissent le principe d'impartialité des juridictions protégé par les stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en raison des liens de dépendance des membres de la juridiction administrative à l'égard du Conseil d'Etat.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 août 2015, le garde des sceaux, ministre de la justice conclut au rejet de la requête. Il soutient que le moyen de la requête n'est pas fondé.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-François de Montgolfier, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Gaëlle Dumortier, rapporteur public ;

1. Considérant, en premier lieu, que si le premier alinéa de l'article R. 312-12 du code de justice administrative dispose : " Tous les litiges d'ordre individuel, y compris notamment ceux relatifs aux questions pécuniaires, intéressant les fonctionnaires ou agents de l'Etat et des autres personnes ou collectivités publiques, ainsi que les agents ou employés de la Banque de France, relèvent du tribunal administratif dans le ressort duquel se trouve le lieu d'affectation du fonctionnaire ou agent que la décision attaquée concerne ", l'article R. 312-5 du même code dispose : " Lorsque le président d'un tribunal administratif saisi d'un litige relevant de sa compétence constate qu'un des membres du tribunal est en cause ou estime qu'il existe une autre raison objective de mettre en cause l'impartialité du tribunal, il transmet le dossier au président de la section du contentieux du Conseil d'Etat qui en attribue le jugement à la juridiction qu'il désigne " ; que, par suite, les dispositions du code de justice administrative n'ont pas pour effet de conduire un tribunaf administratif à connaître des litiges relatifs à la situation individuelle de ses propres membres ;

2. Considérant en deuxième lieu, que les membres des tribunaux administratifs sont des magistrats qui bénéficient des garanties d'inamovibilité et d'indépendance prévues par les règles statutaires fixées au titre III du livre II du code de justice administrative ; que l'article R. 721-1 du même code dispose que le membre de la juridiction qui suppose en sa personne une cause de récusation ou estime en conscience devoir s'abstenir se fait remplacer par un autre membre que désigne le président de la juridiction à laquelle il appartient ;

3. Considérant, en troisième lieu, que si le vice-président du Conseil d'Etat est chargé de la gestion du corps des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel par les dispositions de l'article R. 231-3 du code de justice administrative, que si des membres du Conseil d'Etat connaissent, notamment au sein du Conseil supérieur des tribunaux administratifs et cours administratives d'appel, de la situation de membres des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel et que si, enfin, le Conseil d'Etat statuant au contentieux peut connaître, notamment en cassation, de litiges relatifs à la situation de ces magistrats administratifs, ces dispositions ne sauraient faire obstacle à l'application de la règle générale de procédure, selon laquelle aucun membre d'une juridiction administrative ne peut participer au jugement d'un recours dirigé contre une décision administrative ou juridictionnelle dont il est l'auteur ; qu'il en résulte que la formation de jugement d'un litige relatif à un membre du corps des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ne peut être composée de membres du Conseil d'Etat ayant préparé ou pris des actes relatifs à ce litige ;

4. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que la compétence donnée en premier ressort par les dispositions de l'article R. 312-12 du code des juridictions administratives méconnaîtrait le droit d'être jugé par un tribunal indépendant et impartial garanti par les stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, par suite, sa requête doit être rejetée ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de Mme B...est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mme A...B...et à la garde des sceaux, ministre de la justice.


Synthèse
Formation : 4ème ssjs
Numéro d'arrêt : 388169
Date de la décision : 09/11/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 09 nov. 2015, n° 388169
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Jean-François de Montgolfier

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2015:388169.20151109
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award