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23/10/2015 | FRANCE | N°374416

France | France, Conseil d'État, 8ème ssjs, 23 octobre 2015, 374416


Vu la procédure suivante :

La société Delphi France Holding, venant aux droits et obligations de la société Delphi Diesel Systems France Holding, a demandé au tribunal administratif de Montreuil de la décharger, à concurrence de la somme de 967 039 euros, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2003 au 2 juin 2004. Par un jugement n° 1002169 du 3 novembre 2011, le tribunal administratif a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 12VE00080 du 7 novembre 2013, la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'a

ppel formé par la société Delphi France Holding SAS contre ce jugement.

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Vu la procédure suivante :

La société Delphi France Holding, venant aux droits et obligations de la société Delphi Diesel Systems France Holding, a demandé au tribunal administratif de Montreuil de la décharger, à concurrence de la somme de 967 039 euros, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2003 au 2 juin 2004. Par un jugement n° 1002169 du 3 novembre 2011, le tribunal administratif a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 12VE00080 du 7 novembre 2013, la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel formé par la société Delphi France Holding SAS contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 6 janvier et 1er avril 2014 et 9 mars 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Delphi France Holding demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de commerce ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Marc Anton, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Benoît Bohnert, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Célice, Blancpain, Soltner, Texidor, avocat de la société Delphi France Holding ;

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond qu'à l'issue d'une vérification de comptabilité, l'administration fiscale a notifié à la société Delphi Diesel Systems France Holding (DDSFH) un rappel de taxe sur la valeur ajoutée d'un montant de 5 900 712 euros portant sur une vente de biens d'équipement automobiles à la société Renault en 1999 effectuée en franchise de taxe, au motif que l'attestation prévue par l'article 275 du code général des impôts n'avait pas été présentée ; que la société DDSFH, qui s'est acquittée de ce rappel mis en recouvrement le 15 octobre 2003, a apporté à la société Delphi Diesel Systems France (DDSF), avec effet au 28 mars 2002, la branche complète de l'activité au titre de laquelle avait été réalisée cette vente en 1999, en soumettant cet apport au régime des scissions prévu aux articles L. 236-16 à L. 236-21 du code de commerce ; que la société DDSF a adressé, le 24 novembre 2003, une facture à la société Renault d'un montant net, hors avoirs, de 5 900 910,93 euros, qui ont été réglés par la société Renault à la société DDSF et reversés par celle-ci à la société DDSFH ; que la société DDSF a été absorbée par la société Delphi France Holding (DFH) avec effet au 1er janvier 2004 ; qu'à la suite d'une vérification de comptabilité de la société DDSFH, l'administration fiscale a estimé que le paiement de 5 900 910,93 euros correspondait, non pas au remboursement, par la société Renault, du rappel de taxe sur la valeur ajoutée mis à la charge de la société DDSFH, mais à un supplément de prix relatif à des opérations taxables intervenues en 1999 entre les deux assujettis, elles-mêmes imposables à la taxe sur la valeur ajoutée ; que la société DFH, venant aux droits de la société DDSFH, se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 7 novembre 2013 par lequel la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Montreuil du 3 novembre 2011 qui a rejeté sa demande en décharge du rappel de taxe sur la valeur ajoutée de 967 039 euros mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2003 au 2 juin 2004 ;

2. Considérant, en premier lieu, que, saisie du moyen tiré de ce que les rappels de taxe sur la valeur ajoutée réclamés à la société DDSFH au titre de l'année 1999 étaient relatifs à des ventes consenties à la société Renault non par cette société, mais par la société TRW, qui avait apporté à la société DDSFH au cours de l'année 1999 la branche complète d'activité correspondante, la cour a relevé que la société DDSFH n'avait jamais, dans le cadre de la vérification de comptabilité initiale, contesté sa qualité de redevable de ces rappels et qu'elle avait acquitté les impositions et pénalités correspondantes ; que la cour a estimé, par des considérations suffisamment motivées, que les allégations selon lesquelles les ventes en cause auraient été réalisées par la société TRW et selon lesquelles la société DDSFH n'aurait jamais été créancière de la société Renault à ce titre n'étaient étayées par aucun élément probant ; qu'elle a précisé que le fait qu'en vertu d'une clause de garantie de passif annexée au contrat de cession de la branche d'activité, la société TRW avait accordé à la société DDSFH une avance d'un montant correspondant au rappel de taxe sur la valeur ajoutée réclamé au titre de l'année 1999, qui lui avait été restituée en 2004, et avait remboursé à la société DDSFH " les autres redressements restés définitivement " à la charge de DDSFH, ne permettait pas de tenir pour établi que la société TRW aurait été l'auteur de ces ventes ; qu'elle en a déduit que c'était à bon droit que l'administration fiscale avait estimé que ces ventes avaient été réalisées en 1999 par la société DDSFH ; qu'ainsi, et contrairement aux affirmations de la société requérante, la cour n'a pas admis que les ventes en litige auraient été effectuée par la société TRW ; que, par ailleurs, en l'absence de toute précision sur les conditions dans lesquelles la société TRW a accepté d'actionner la clause de garantie de passif, la cour n'a ni commis d'erreur de droit, ni méconnu la portée de ses propres constatations, ni inexactement qualifié les faits ainsi constatés en se refusant à interpréter l'actionnement de cette clause comme permettant d'établir, à lui seul, que c'est la société TRW qui aurait réalisé les ventes en cause ;

3. Considérant, en deuxième lieu, que lorsqu'une société apporte une partie de son actif à une autre société et que, d'un commun accord entre les parties, cette opération est, comme le permet l'article L. 236-22 du code de commerce, soumise aux dispositions des articles L. 236-16 à L. 236-21 de ce code, relatives aux scissions de société, la société auteur de l'apport demeure le redevable légal des impôts dont le fait générateur est antérieur à l'apport, quand bien même le rappel d'impôt se rapporte à l'activité de la branche objet de l'apport et que cet apport, soumis au régime des scissions, emporte transmission au bénéficiaire de tous droits, biens et obligations se rattachant à la branche apportée, sauf dérogation expresse prévue dans le traité d'apport ou circonstance telle qu'une fraude à l'égard de tiers, de nature à la rendre inopposable à ceux-ci ; que cette transmission a en revanche pour effet, s'agissant du recouvrement des impositions en cause, de rendre la société bénéficiaire de l'apport seule débitrice des dettes qui s'y rattachent et qui ont été contractées par la société apporteuse, à laquelle elle est substituée à l'égard des créanciers ;

4. Considérant que la cour a jugé qu'en l'absence de tout élément probant contraire apporté par la société requérante, et alors qu'il résultait de l'instruction, d'une part, qu'à la date d'émission de la facture du 24 novembre 2003, la société DDSFH contrôlait la société DDSF, d'autre part, que la société DDSF avait reversé à la société DDSFH la somme acquittée par la société Renault au titre de cette facture, celle-ci devait être regardée comme ayant eu pour objet et pour effet de faire supporter à la société Renault un supplément du prix des biens vendus à celle-ci par la société DDSFH en 1999, pour un montant équivalent à celui des rappels de taxe sur la valeur ajoutée réclamés à la société DDSFH par avis de mise en recouvrement du 15 octobre 2003 ; qu'ayant ainsi constaté, par une appréciation qui n'est au demeurant pas arguée de dénaturation devant le juge de cassation, que le fait générateur de la taxe sur la valeur ajoutée réclamée au titre de ce supplément de prix, soit la vente de 1999, était antérieur à l'apport par la société DDSFH à la société DDSF, en 2002, de la branche d'activité à laquelle se rattachait cette vente, il résulte de ce qui a été dit au point 3 ci-dessus que la cour a pu en déduire, sans méconnaître les dispositions de l'article L. 236-20 du code de commerce aux termes desquelles la société bénéficiaire d'un apport partiel d'actif devient seule débitrice des dettes qui se rattachent à ce dernier, que la société DDSFH demeurait le redevable légal de la taxe sur la valeur ajoutée due au titre de ce supplément de prix ;

5. Considérant que la cour, qui ne s'est pas méprise sur la portée de la réclamation formée par la société DFH et sur l'objet du contentieux dont elle était saisie en jugeant que le litige concernait l'assiette de l'impôt, n'a pas davantage commis d'erreur de droit au regard des dispositions de l'article L. 236-20 du code de commerce et des articles L. 256 et L. 281 du livre des procédures fiscales, en jugeant sans influence, dans le cadre d'un tel litige, le moyen, qui relevait d'un contentieux du recouvrement, tiré de ce que l'administration ne pouvait poursuivre à l'encontre de la société apporteuse le recouvrement d'une créance détenue sur elle par le Trésor à raison d'un fait générateur antérieur à l'apport ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Delphi France Holding n'est pas fondée à demander l'annulation du jugement qu'elle attaque ; que doivent être rejetées, en conséquence, ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

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Article 1er : Le pourvoi de la société Delphi France Holding est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société Delphi France Holding et au ministre des finances et des comptes publics.


Synthèse
Formation : 8ème ssjs
Numéro d'arrêt : 374416
Date de la décision : 23/10/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 23 oct. 2015, n° 374416
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Jean-Marc Anton
Rapporteur public ?: M. Benoît Bohnert
Avocat(s) : SCP CELICE, BLANCPAIN, SOLTNER, TEXIDOR

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2015:374416.20151023
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