Vu les procédures suivantes :
Le département de Loir-et-Cher a demandé au tribunal administratif d'Orléans de condamner solidairement M. B...et la société Holt et Fils, sur le fondement de la garantie décennale, à réparer les conséquences dommageables de désordres constatés dans le collège de Lamotte-Beuvron.
Par un jugement n° 1200867 du 8 novembre 2012, le tribunal administratif d'Orléans a, en premier lieu, condamné solidairement M. B...et la société Holt et Fils à verser au département de Loir-et-Cher la somme de 852 418 euros TTC, en deuxième lieu, condamné M. B...à garantir de cette condamnation la société Holt et Fils à hauteur de 80 % et la société Holt et Fils à garantir M. B...à hauteur de 20 %, en troisième lieu, condamné la société Bureau Veritas à garantir M. B...et la société Holt et Fils à hauteur de 10 % chacun.
Par un arrêt n°s 13NT00020, 13NT00052 du 20 juin 2014, la cour administrative d'appel de Nantes a sur les appels de la société Bureau Veritas et de M. B..., confirmé ces différentes condamnations et, statuant par la voie de l'évocation après annulation partielle du jugement du 8 novembre 2012, a condamné M. B...et la société Holt et Fils à verser les intérêts légaux et leur capitalisation sur la somme de 852 418 euros.
1° Sous le n° 383814, par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 19 août, 19 novembre 2014 et 13 juillet 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Bureau Veritas demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt en tant qu'il l'a condamnée à garantir M. B...et la société Holt et Fils des condamnations prononcées contre chacun d'eux en réparation des désordres affectant le collège de Lamotte-Beuvron ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à ses conclusions d'appel ;
3°) de mettre à la charge de M. B...et de la société Holt et Fils le versement de la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
2° Sous le n° 383942, par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 25 août, 20 novembre 2014 et 20 avril 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A...B...demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le même arrêt ;
2°) réglant l'affaire aux fond, de faire droit à son appel ;
3°) de mettre à la charge des défendeurs le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- le code civil ;
- le code des marchés publics ;
- la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Vincent Montrieux, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Bertrand Dacosta, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Baraduc, Duhamel, Rameix, avocat de la société Bureau Veritas, à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat du département de Loir-et-Cher, à la SCP Boulloche, avocat de M. B...et à la SCP Odent, Poulet, avocat de la société Holt et Fils ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 16 septembre 2015, présentée pour M. B... ;
1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le département de Loir-et-Cher a engagé, en 1992, la construction d'un collège à Lamotte-Beuvron ; que la maîtrise d'oeuvre a été confiée à un groupement solidaire composé de M. B..., architecte, et de la société IMC ; que la réalisation du lot n° 4 de travaux " bardage couverture " a été confiée à la société Holt et Fils et le contrôle technique à la société Bureau Veritas ; qu'après réception des travaux, intervenue le 4 août 1995, des désordres, consistant en des infiltrations d'eau, sont apparus sur différents bâtiments du collège ; que le département a saisi le 15 juillet 2005 le juge des référés en vue de la désignation d'un expert, puis a engagé, le 7 mars 2012, une action en garantie décennale contre les constructeurs ; que par l'arrêt attaqué du 20 juin 2014, la cour administrative d'appel de Nantes a confirmé la condamnation solidaire de M. B...et de la société Holt et Fils à indemniser le département en réparation de ces désordres sur le fondement de la garantie décennale prononcée par le jugement du tribunal administratif d'Orléans du 8 novembre 2012 ; que cet arrêt a également confirmé les condamnations à fin de garantie prononcées contre les constructeurs ; que, par des pourvois qu'il y a lieu de joindre, la société Bureau Veritas et M. B...se pourvoient en cassation contre cet arrêt ; que la société Holt et Fils a formé un pourvoi provoqué ;
Sur la responsabilité décennale des constructeurs envers le département de Loir-et-Cher :
2. Considérant, en premier lieu que, d'une part, il résulte des principes régissant la responsabilité des constructeurs que les désordres apparus dans le délai d'épreuve de dix ans, de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination dans un délai prévisible engagent leur responsabilité, même s'ils ne sont pas révélés dans toute leur étendue avant l'expiration du délai de dix ans ; que, d'autre part, aux termes de l'article 2244 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'intervention de la loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile: " Une citation en justice, même en référé, un commandement ou une saisie, signifiés à celui qu'on veut empêcher de prescrire, interrompent la prescription ainsi que les délais pour agir " ;
3. Considérant que pour juger que le cours du délai de la garantie décennale, courant à compter de la réception de l'ouvrage à la date du 4 août 2005, avait été interrompu par la saisine du juge des référés en vue d'une expertise le 15 juillet 2005, la cour s'est fondée, à tort, sur des dispositions du code civil issues de la loi du 17 juin 2008, lesquelles étaient postérieures à la saisine du juge ; que, par ailleurs, en se fondant, pour écarter la prescription de l'action, sur les dispositions de l'article 1792-4-3 du code civil, également issues de la même loi, la cour a également commis une erreur de droit ; que toutefois, les règles mentionnées au point 2, seules applicables en l'espèce, étaient identiques à celles dont la cour a fait application ; qu'elles justifient ainsi légalement la solution retenue sur ce point par l'arrêt attaqué ;
4. Considérant, en deuxième lieu, que quand bien même la cour aurait indiqué à tort que M. B...était " mandataire " du cabinet d'architecte Arc, il résulte de son arrêt qu'elle a estimé que l'action du département engagée contre les constructeurs était notamment dirigée contre M. B...en sa qualité d'architecte ; que la cour a donc pu juger, sans insuffisance de motivation, que la saisine du juge des référés avait également interrompu le délai de prescription à l'encontre de cet architecte ;
5. Considérant, en troisième lieu, qu'en relevant, pour écarter la faute invoquée du maître de l'ouvrage tenant en un défaut d'entretien de l'ouvrage, que ce " défaut d'entretien (...) n'a pas eu d'incidence sur l'apparition et l'ampleur des désordres à caractère décennal ", la cour n'a pas commis d'erreur de droit ;
Sur les condamnations :
En ce qui concerne les actions dirigées contre M. B...:
6. Considérant que la cour a suffisamment motivé son arrêt en se prononçant sur le point de départ du délai la prescription de l'action dirigée contre M. B...et en confirmant, d'une part, sa condamnation à garantir la société Holt à hauteur de 80 % et, d'autre part, la condamnation de la société Bureau Veritas à garantir la société Holt et M. B...chacun à hauteur de 10 % ; que le moyen tiré que, ce faisant, elle n'a pas relevé la contradiction de motifs entachant le jugement du tribunal administratif d'Orléans est nouveau en cassation et ne saurait, par suite, être utilement invoqué pour contester le bien-fondé de l'arrêt attaqué ;
En ce qui concerne les actions en garantie contre la société Bureau Veritas :
7. Considérant que la cour n'a pas indiqué le fondement légal retenu pour écarter la prescription, invoquée par la société Bureau Veritas, des actions en garantie dirigées contre elle, ne permettant pas ainsi au juge de cassation d'exercer son contrôle ; que par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi de cette société, il y a lieu d'annuler l'arrêt en tant qu'il a rejeté son appel ;
Sur le pourvoi provoqué de la société Holt et Fils :
8. Considérant qu'à l'appui de son pourvoi provoqué, la société se borne à rappeler, pour l'essentiel, ses conclusions d'appel et à renvoyer à ses écritures devant les juges du fond, sans développer de moyen de cassation ; que, par suite, ses conclusions ne peuvent qu'être rejetées ;
9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède qu'il n'y a lieu d'annuler l'arrêt qu'en tant qu'il a rejeté l'appel de la société Bureau Veritas ;
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que la somme demandée par la société Holt et Fils et par M. B...dans l'instance n° 383814 soit mise à la charge de la société Bureau Veritas qui n'est pas la partie perdante ; que de même, ces dispositions font obstacle à ce qu'il soit fait droit à la demande présentée par M. B...dans l'instance n° 383942 ; qu'en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'une part, de mettre à la charge de la société Holt et Fils et de M.B..., dans l'instance n° 383814, la somme de 1 500 euros à verser chacun à la société Bureau Veritas et, d'autre part, dans l'instance n° 383942, de mettre à la charge de M. B...la somme de 3 000 euros à verser, respectivement, au département de Loir-et-Cher et à la société Holt et Fils ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt du 20 juin 2014 de la cour administrative d'appel de Nantes est annulé en tant qu'il a rejeté l'appel de la société Bureau Veritas.
Article 2 : L'affaire est renvoyée, dans cette mesure, à la cour administrative d'appel de Nantes.
Article 3 : M. B...versera la somme de 3 000 euros au département de Loir-et-Cher, la somme de 3 000 euros à la société Holt et Fils et la somme de 1 500 euros à la société Bureau Veritas en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. La société Holt et Fils versera la somme de 1 500 euros à la société Bureau Veritas en application de ces dispositions. Les autres conclusions présentées au même titre par M. B...et la société Holt et Fils sont rejetées.
Article 4 : Le pourvoi de M. B...et le pourvoi provoqué de la société Holt et Fils sont rejetés.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la société Bureau Veritas, à M. A...B..., au département de Loir-et-Cher et à la société Holt et Fils.