Vu la procédure suivante :
Mme B... E..., agissant au nom de son enfant mineur A...C..., a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Montreuil, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de renouveler le passeport de son enfant dans un délai de cinq jours. Par une ordonnance n° 1506937 du 7 août 2015, le juge des référés a fait droit à sa demande.
Par un recours, enregistré le 17 août 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'intérieur demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cette ordonnance ;
2°) de rejeter la demande de première instance de M.C....
Il soutient que :
- la condition d'urgence n'est pas remplie, la délivrance du passeport étant sollicitée en vue d'un voyage d'agrément ;
- l'ordonnance est entachée d'erreur de droit, en ce qu'elle déduit l'existence d'une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale de la seule durée " manifestement excessive " de l'instruction de la demande ;
- les particularités du dossier justifiaient que l'instruction du renouvellement s'exécute dans des délais plus longs ;
- le juge des référés a excédé son office en enjoignant à l'administration, non seulement de statuer dans un délai bref, mais aussi de statuer dans un sens positif.
Par un mémoire en défense, enregistré le 18 août 2015, Mme E...conclut à ce qu'il n'y ait lieu de statuer sur l'appel du ministre de l'intérieur et, subsidiairement, au rejet de son recours. Elle soutient que le litige a perdu son objet, puisque le passeport a été délivré et que l'enfant est parti au Congo, et, subsidiairement, que les moyens du recours ne sont pas fondés.
Vu :
- le décret n° 2005-1726 du 30 décembre 2005 ;
- le décret n° 2014-1292 du 23 octobre 2014 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, le ministre de l'intérieur et, d'autre part, Mme E...en sa qualité de représentante légale de M. C...;
Vu le procès-verbal de l'audience publique du 18 août 2015 à 15 heures au cours de laquelle ont été entendus :
- la représentante du ministre de l'intérieur ;
- Me Pinatel, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de Cassation, avocat de M. C...;
- le représentant de M.C... ;
et à l'issue de laquelle le juge des référés a clos l'instruction ;
1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures " ;
2. Considérant que MmeE..., de nationalité congolaise, a demandé, le 18 juin 2015, le renouvellement du passeport de son fils A...C...âgé de cinq ans, qui possède la nationalité française en raison de sa reconnaissance par son père, M. D...C..., qui est de nationalité française ; que le 6 juillet suivant, le préfet de la Seine-Saint-Denis a informé l'intéressée de ce que l'instruction de sa demande exigeait un délai supplémentaire ; que, par l'ordonnance du 7 août 2015 dont le ministre de l'intérieur relève appel, le juge des référés du tribunal administratif de Montreuil a enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis, sur le fondement des dispositions citées ci-dessus de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, de renouveler le passeport du jeune A...C...avant le 14 août 2015 à 17 heures ;
Sur le non-lieu à statuer opposé par MmeE... :
3. Considérant que ni la circonstance que, en exécution de l'ordonnance attaquée, l'administration a délivré au jeune A...C...le passeport demandé en son nom, ni celle qu'il a depuis, grâce à ce document, quitté le territoire français, ne sont de nature à priver d'objet l'appel formé par le ministre de l'intérieur ;
Sur l'appel du ministre de l'intérieur :
4. Considérant que si le refus de délivrance ou de renouvellement d'un passeport à un citoyen français porte atteinte à sa liberté d'aller et venir, qui constitue une liberté fondamentale au sens des dispositions citées ci-dessus de l'article L.521-2 du code de justice administrative, aucune disposition législative ou réglementaire ne fixe, à peine d'illégalité de l'éventuelle décision implicite de rejet, de délai pour une telle délivrance ou un tel renouvellement ; que, toutefois, l'administration saisie d'une telle demande doit se prononcer dans un délai raisonnable, qu'il appartient le cas échéant au juge d'apprécier en tenant compte de l'ensemble des circonstances de l'espèce ;
5. Considérant qu'il résulte de l'instruction, et en particulier des éléments produits en appel par le ministre de l'intérieur, que M. D...C...a déclaré être le père d'au moins sept enfants nés hors mariage de sept mères différentes, toutes de nationalité étrangère, et qu'il ne réside qu'avec un seul des enfants qu'il a reconnus, lequel n'est pas le jeune A...C... ; que dans de telles circonstances, et dès lors notamment que ces recherches doivent s'effectuer dans le délai de quelques mois mentionné à l'audience, le préfet de la Seine-Saint-Denis pouvait, sans porter d'atteinte grave et manifestement illégale à la liberté d'aller et venir du jeune A...C..., procéder, pour l'instruction de sa demande de renouvellement de passeport, aux investigations visant à déterminer si la reconnaissance de paternité le concernant n'avait pas pour seul but de lui permettre l'acquisition de la nationalité française ;
6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre de l'intérieur est fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Montreuil a fait droit à la demande de Mme E...agissant au nom de son enfant mineur A...C... ;
O R D O N N E :
------------------
Article 1er : L'ordonnance du 7 août 2015 du juge des référés du tribunal administratif de Montreuil est annulée.
Article 2 : la demande présentée par Mme E...agissant au nom de son enfant mineur A...C...devant le juge des référés du tribunal administratif de Montreuil est rejetée.
Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée au ministre de l'intérieur et à Mme B...E...en qualité de représente légale de M. A...C....