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22/07/2015 | FRANCE | N°388442

France | France, Conseil d'État, 4ème / 5ème ssr, 22 juillet 2015, 388442


Vu la procédure suivante :

Par une décision du 6 novembre 2014, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a rejeté le compte de campagne de M. B... A..., tête de la liste " Ensemble, portons une nouvelle ambition pour Villiers " candidate aux élections municipales de mars 2014 dans la commune de Villiers-sur-Marne (Val-de-Marne), saisi le juge de l'élection en application de l'article L. 52-15 du code électoral et dit que le candidat n'avait pas droit au remboursement forfaitaire de l'Etat. Par un jugement n° 1409882 du 30 janvier 2015, le tr

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Vu la procédure suivante :

Par une décision du 6 novembre 2014, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a rejeté le compte de campagne de M. B... A..., tête de la liste " Ensemble, portons une nouvelle ambition pour Villiers " candidate aux élections municipales de mars 2014 dans la commune de Villiers-sur-Marne (Val-de-Marne), saisi le juge de l'élection en application de l'article L. 52-15 du code électoral et dit que le candidat n'avait pas droit au remboursement forfaitaire de l'Etat. Par un jugement n° 1409882 du 30 janvier 2015, le tribunal administratif de Melun a jugé que le compte avait été rejeté à bon droit et qu'il n'y avait pas lieu de déclarer M. A... inéligible.

Par une requête, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 3 mars, le 5 mai 2015 et le 24 juin 2015, M. A... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il statue sur le rejet de son compte de campagne par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques ;

2°) de juger que son compte doit être approuvé et de fixer à 18 300 euros le montant du remboursement dû par l'Etat ; subsidiairement, de juger que l'irrégularité qui lui est reprochée n'est pas de nature à justifier le rejet du compte et de fixer le montant du remboursement à 15 802 euros ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code électoral ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative ;

Vu la note en délibéré, enregistré le 30 juin 2015, présentée par M.A... ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-François de Montgolfier, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Maud Vialettes, rapporteur public ;

1. Considérant qu'ayant rejeté, par une décision du 6 novembre 2014, le compte de campagne de M. A..., qui conduisait la liste " Ensemble, portons une nouvelle ambition pour Villiers " lors des élections municipales dans la commune de Villiers-sur-Marne, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a, en application de l'article L. 52-15 du code électoral, saisi le juge de l'élection ; que, par un jugement du 30 janvier 2015, le tribunal administratif de Melun a jugé que le compte de campagne de M. A...avait été rejeté à bon droit et qu'il n'y avait pas lieu de déclarer celui-ci inéligible ; que M. A... interjette appel de ce jugement en tant qu'il juge que son compte de campagne a été rejeté à bon droit ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant que si le tribunal administratif de Melun n'a pas, ainsi qu'il l'aurait dû, déclaré dans son dispositif que le compte de campagne de M. A... avait été rejeté à bon droit avant de statuer sur son inéligibilité, cette omission n'entache pas le jugement attaqué d'irrégularité ;

3. Considérant que le deuxième alinéa de l'article L. 52-11-1 du code électoral dispose que le remboursement forfaitaire des dépenses électorales des candidats par l'Etat " (...) n'est pas versé aux candidats (...) qui ne se sont pas conformés aux prescriptions de l'article L. 52-11, n'ont pas déposé leur compte de campagne dans le délai prévu au deuxième alinéa de l'article L. 52-12 ou dont le compte de campagne est rejeté pour d'autres motifs (...) " ; que si le troisième alinéa du même article dispose que le montant du remboursement forfaitaire peut être réduit en fonction du nombre et de la gravité des irrégularités qui affectent un compte de campagne, ces dernières dispositions ne sont applicables que lorsque ces irrégularités ne conduisent pas au rejet du compte ; que le tribunal ayant jugé, par un jugement qui est suffisamment motivé, que la méconnaissance de l'article L. 52-8-1 du code électoral justifiait le rejet du compte de campagne de M. A..., le requérant ne saurait soutenir qu'il a omis de répondre au moyen tiré de ce que le remboursement forfaitaire aurait dû faire l'objet d'une simple minoration ;

Sur le rejet du compte de campagne de M.A... :

4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 52-12 du code électoral : " Chaque candidat ou candidat tête de liste soumis au plafonnement prévu à l'article L. 52-11 et qui a obtenu au moins 1 % des suffrages exprimés est tenu d'établir un compte de campagne retraçant, selon leur origine, l'ensemble des recettes perçues et, selon leur nature, l'ensemble des dépenses engagées ou effectuées en vue de l'élection, hors celles de la campagne officielle par lui-même ou pour son compte, au cours de la période mentionnée à l'article L. 52-4. (...) Sont réputées faites pour son compte les dépenses exposées directement au profit du candidat et avec l'accord de celui-ci, par les personnes physiques qui lui apportent leur soutien, ainsi que par les partis et groupements politiques qui ont été créés en vue de lui apporter leur soutien ou qui lui apportent leur soutien. Le candidat estime et inclut, en recettes et en dépenses, les avantages directs ou indirects, les prestations de services et dons en nature dont il a bénéficié. Le compte de campagne doit être en équilibre ou excédentaire et ne peut présenter un déficit. (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 52-8-1 de ce code : " Aucun candidat ne peut utiliser, directement ou indirectement, les indemnités et les avantages en nature mis à disposition de leurs membres par les assemblées parlementaires pour couvrir les frais liés à l'exercice de leur mandat " ; que, ni ces dispositions ni aucune autre disposition législative n'obligent la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques à rejeter le compte d'un candidat faisant apparaître une méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 52-8-1 du code électoral ; qu'il lui appartient, sous le contrôle du juge de l'élection, d'apprécier, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, notamment de la nature de l'avantage dont a bénéficié l'intéressé et de son montant, si l'utilisation de cet avantage doit entraîner le rejet du compte ;

5. Considérant que " l'indemnité représentative de frais de mandat ", versée, selon l'article L. 136-2 du code de la sécurité sociale, " à titre d'allocation spéciale pour frais par les assemblées à tous leurs membres ", est destinée à couvrir des dépenses liées à l'exercice du mandat parlementaire ; qu'en conséquence, cette indemnité est au nombre de celles qui sont mentionnées à l'article L. 52-8-1 du code électoral et ne saurait, sans que soient méconnues les dispositions de cet article, être affectée, directement ou indirectement, au financement d'une campagne électorale de son bénéficiaire ;

6. Considérant qu'il résulte de l'instruction et n'est d'ailleurs pas contesté que M. A..., député de la 4ème circonscription du Val-de-Marne, a utilisé pour les besoins de sa campagne en vue des élections municipales de mars 2014 dans la commune de Villiers-sur-Marne, le local de sa permanence parlementaire, dont le loyer et les frais annexes étaient acquittés au moyen de l'indemnité représentative des frais de mandat qui lui était versée par l'Assemblée nationale ; qu'il a fait figurer l'avantage correspondant dans son compte de campagne, au titre des concours en nature, pour un montant de 2 498,45 euros ;

7. Considérant qu'en utilisant ainsi gratuitement, pour les besoins d'une campagne électorale, un local dont les coûts de fonctionnement étaient couverts par l'indemnité représentative de frais de mandat qui lui était versée en sa qualité de député, M. A... a méconnu les dispositions de l'article L. 52-8-1 du code électoral ;

8. Considérant que, eu égard au montant de l'avantage dont a bénéficié l'intéressé et alors que, contrairement à ce qu'il soutient, la règle énoncée à l'article L. 52-8-1, destinée à garantir l'égalité entre les candidats, est claire et avait d'ailleurs été explicitée par des documents émanant notamment de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Melun a jugé que son compte de campagne avait été rejeté à bon droit ;

9. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande M. A...à ce titre ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la requête de M. A... doit être rejetée ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. B... A...et à la Commission nationale des comptes de campagnes et des financements politiques.

Copie en sera adressée pour information au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Formation : 4ème / 5ème ssr
Numéro d'arrêt : 388442
Date de la décision : 22/07/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

28-005-04-02-03 ÉLECTIONS ET RÉFÉRENDUM. DISPOSITIONS GÉNÉRALES APPLICABLES AUX ÉLECTIONS. FINANCEMENT ET PLAFONNEMENT DES DÉPENSES ÉLECTORALES. COMPTE DE CAMPAGNE. RECETTES. - INTERDICTION D'UTILISER LES INDEMNITÉS DE MANDAT POUR FINANCER UNE CAMPAGNE ÉLECTORALE - MÉCONNAISSANCE - APPRÉCIATION AU CAS PAR CAS DE L'INCIDENCE SUR LE COMPTE DE CAMPAGNE - APPLICATION À L'INDEMNITÉ REPRÉSENTATIVE DE FRAIS DE MANDAT D'UN PARLEMENTAIRE.

28-005-04-02-03 Interdiction d'utiliser les indemnités et avantages en nature octroyés par les assemblées parlementaires à leur membre pour couvrir des frais de campagne (art. L. 52-8-1 du code électoral). Ces dispositions n'obligent pas la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) à rejeter le compte d'un candidat faisant apparaître une méconnaissance de cette règle. Il lui appartient, sous le contrôle du juge de l'élection, d'apprécier, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, notamment de la nature de l'avantage dont a bénéficié l'intéressé et de son montant, si l'utilisation de cet avantage doit entraîner le rejet du compte. En l'espèce, utilisation dans le cadre de la campagne aux élections municipales d'un local payé par l'indemnité représentative de frais de mandat d'un parlementaire. Irrégularité. Rejet du compte.


Publications
Proposition de citation : CE, 22 jui. 2015, n° 388442
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Jean-François de Montgolfier
Rapporteur public ?: Mme Maud Vialettes

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2015:388442.20150722
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