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22/07/2015 | FRANCE | N°387320

France | France, Conseil d'État, 3ème / 8ème ssr, 22 juillet 2015, 387320


Vu la procédure suivante :

La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a, le 22 janvier 2015, saisi le Conseil d'Etat, en application de l'article L. 52-15 du code électoral, sur le fondement de sa décision du 15 décembre 2014 rejetant le compte de campagne de M. A....

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 mars 2015, M. A...déclare s'en remettre à la sagesse du Conseil d'Etat. Il soutient :

- que le versement de 18 000 euros du parti politique européen ECPM a été utilisé pour le financement de la campagne officielle et n

'avait pas à figurer sur son compte de campagne ;

- qu'il a agi de bonne foi....

Vu la procédure suivante :

La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a, le 22 janvier 2015, saisi le Conseil d'Etat, en application de l'article L. 52-15 du code électoral, sur le fondement de sa décision du 15 décembre 2014 rejetant le compte de campagne de M. A....

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 mars 2015, M. A...déclare s'en remettre à la sagesse du Conseil d'Etat. Il soutient :

- que le versement de 18 000 euros du parti politique européen ECPM a été utilisé pour le financement de la campagne officielle et n'avait pas à figurer sur son compte de campagne ;

- qu'il a agi de bonne foi.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code électoral ;

- la loi n° 77-729 du 7 juillet 1977 ;

- la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 ;

- le décret n° 79-160 du 28 février 1979 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Romain Victor, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Emmanuelle Cortot-Boucher, rapporteur public ;

1. Considérant que l'article 2 de la loi du 7 juillet 1977 relative à l'élection des représentants au Parlement européen rend applicables à cette élection les dispositions du titre Ier du livre Ier du code électoral ; que l'article L. 52-15 de ce code dispose : " La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques approuve et, après procédure contradictoire, rejette ou réforme les comptes de campagne. (...) / (...) / Lorsque la commission a constaté que le compte de campagne n'a pas été déposé dans le délai prescrit, si le compte a été rejeté ou si, le cas échéant après réformation, il fait apparaître un dépassement du plafond des dépenses électorales, la commission saisit le juge de l'élection. / (...) " ;

2. Considérant que, statuant sur le compte de campagne de M.A..., tête de la liste " Force vie " dans la circonscription Est lors des opérations électorales du 25 mai 2014 en vue de l'élection des représentants au Parlement européen, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a, par une décision du 15 décembre 2014, rejeté ce compte et saisi le juge de l'élection ;

3. Considérant qu'aux termes du second alinéa de l'article L. 118-2 du code électoral : " Sans préjudice de l'article L. 52-15, lorsqu'il constate que la commission instituée par l'article L. 52-14 n'a pas statué à bon droit, le juge de l'élection fixe le montant du remboursement dû au candidat en application de l'article L. 52-11-1 " ; que les premier et troisième alinéas de l'article L. 118-3 du même code disposent : " Saisi par la commission instituée par l'article L. 52-14, le juge de l'élection peut prononcer l'inéligibilité du candidat dont le compte de campagne, le cas échéant après réformation, fait apparaître un dépassement du plafond des dépenses électorales. (...) / (...) / Il prononce également l'inéligibilité du candidat (...) dont le compte de campagne a été rejeté à bon droit en cas de volonté de fraude ou de manquement d'une particulière gravité aux règles relatives au financement des campagnes électorales " ;

Sur le bien-fondé du rejet du compte de campagne :

4. Considérant, d'une part, qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 52-8 du code électoral : " Les personnes morales, à l'exception des partis ou groupements politiques, ne peuvent participer au financement de la campagne électorale d'un candidat, ni en lui consentant des dons sous quelque forme que ce soit, ni en lui fournissant des biens, services ou autres avantages directs ou indirects à des prix inférieurs à ceux qui sont habituellement pratiqués " ; qu'aux termes du cinquième alinéa du même article : " Aucun candidat ne peut recevoir, directement ou indirectement, pour quelque dépense que ce soit, des contributions ou aides matérielles d'un Etat étranger ou d'une personne morale de droit étranger " ;

5. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 52-12 du code électoral, dans sa version applicable en l'espèce : " Chaque candidat ou candidat tête de liste soumis au plafonnement prévu à l'article L. 52-11 et qui a obtenu au moins 1 % des suffrages exprimés est tenu d'établir un compte de campagne retraçant, selon leur origine, l'ensemble des recettes perçues et, selon leur nature, l'ensemble des dépenses engagées ou effectuées en vue de l'élection, hors celles de la campagne officielle par lui-même ou pour son compte, au cours de la période mentionnée à l'article L. 52-4. La même obligation incombe au candidat ou au candidat tête de liste dès lors qu'il a bénéficié de dons de personnes physiques conformément à l'article L. 52-8 du présent code selon les modalités prévues à l'article 200 du code général des impôts " ;

6. Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. A...a fait figurer dans son compte de campagne un don de 18 000 euros du parti ECPM ; qu'il est constant que ce parti, ne relevant pas des articles 8 à 9-1 de la loi du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique et ne s'étant pas soumis, à la date des opérations électorales en cause, aux règles fixées aux articles 11 à 11-7 de cette loi, ne constituait pas un " parti ou groupement électoral " au sens des dispositions précitées du deuxième alinéa de l'article L. 52-8 du code électoral ; qu'il est également constant que ce parti était de droit néerlandais ;

7. Considérant que, d'une part, M. A...a inscrit la somme litigieuse en tant que recette de son compte de campagne ; que, d'autre part, eu égard au caractère fongible des recettes perçues par un candidat et mentionnées dans son compte de campagne et à la circonstance que ces recettes assurent indistinctement le financement de l'ensemble des dépenses retracées dans ce même compte, M. A...ne peut utilement soutenir que cette somme aurait été employée pour les seules dépenses correspondant aux frais de la campagne officielle prévus par les dispositions de l'article R. 39 du code électoral ; qu'enfin, il résulte des dispositions précitées de l'article L. 52-8 du même code qu'une telle recette ne pouvait légalement financer aucune dépense électorale, fût-ce une dépense correspondant aux frais de la campagne officielle ; que, dès lors, M. A...n'est pas fondé à soutenir que l'irrégularité affectant la recette litigieuse serait sans incidence sur la régularité de son compte de campagne, alors même que l'inscription de cette recette sur le compte de campagne n'était pas nécessaire à l'équilibre de ce dernier ;

8. Considérant que, si les dispositions de l'article L. 52-8 du code électoral interdisent à toute personne morale autre qu'un parti politique de consentir des dons ou des avantages divers à un candidat, ni ces dispositions ni aucune autre disposition législative n'impliquent le rejet du compte de campagne au seul motif que le candidat a bénéficié d'un avantage au sens de ces dispositions ; qu'il y a lieu d'apprécier, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, notamment de la nature de l'avantage, de son montant et des conditions dans lesquelles il a été consenti, si le bénéfice de cet avantage justifiait le rejet du compte ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A...a bénéficié d'un avantage prohibé par les deuxième et cinquième alinéas de l'article L. 52-8 du code électoral ; qu'eu égard à la nature et au montant de cet avantage, c'est à bon droit que la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a rejeté son compte de campagne ; que, par suite, M. A...n'a pas droit au remboursement forfaitaire de l'Etat en vertu de l'article L. 52-11-1 du code électoral ;

Sur l'inéligibilité :

10. Considérant qu'en dehors des cas de fraude, les dispositions précitées du troisième alinéa de l'article L. 118-3 du code électoral prévoient que le juge de l'élection ne prononce l'inéligibilité d'un candidat que s'il constate un manquement d'une particulière gravité aux règles de financement des campagnes électorales ; que, pour déterminer si un manquement est d'une particulière gravité au sens de ces dispositions, il incombe au juge de l'élection d'apprécier, d'une part, s'il s'agit d'un manquement caractérisé à une règle substantielle relative au financement des campagnes électorales, d'autre part, s'il présente un caractère délibéré ; qu'en cas de manquement aux dispositions de l'article L. 52-8 du code électoral, il incombe, en outre, au juge de tenir compte de l'importance de l'avantage ou du don irrégulièrement consenti et de rechercher si, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, il a été susceptible de porter atteinte, de manière sensible, à l'égalité entre les candidats ;

11. Considérant qu'eu égard notamment à la circonstance que l'avantage en cause, malgré son montant, n'a pas été de nature à porter atteinte à l'égalité entre les candidats, le compte de campagne de M. A...présentant un excédent de 58 906 euros pour un montant total de dépenses de 6 234 euros, il ne résulte pas de l'instruction que ce manquement ait revêtu, dans les circonstances de l'espèce, le caractère d'une particulière gravité requis par l'article L. 118-3 du code électoral ; que, par suite, il n'y a pas lieu de déclarer M. A...inéligible ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le compte de campagne de M. A...a été rejeté à bon droit par la Commission nationale des comptes de campagnes et des financements politiques.

Article 2 : M. A...n'a pas droit au remboursement forfaitaire de l'Etat en application de l'article L. 52-11-1 du code électoral.

Article 3 : Il n'y a pas lieu de déclarer M. A...inéligible en application de l'article L. 118-3 du code électoral.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques et à M. B...A....


Synthèse
Formation : 3ème / 8ème ssr
Numéro d'arrêt : 387320
Date de la décision : 22/07/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 22 jui. 2015, n° 387320
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Romain Victor
Rapporteur public ?: Mme Emmanuelle Cortot-Boucher

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2015:387320.20150722
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