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26/06/2015 | FRANCE | N°388867

France | France, Conseil d'État, 7ème / 2ème ssr, 26 juin 2015, 388867


Vu la procédure suivante :

La société Azur Chaudronnerie Tuyauterie Industrielle et la société International Marine Management ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Fort-de-France, sur le fondement des articles L. 551-1 et L. 551-13 du code de justice administrative, d'annuler la procédure d'appel à projets lancée par le grand port maritime de la Martinique en vue de l'exploitation du bassin de radoub du port de Fort-de-France ainsi que la convention conclue par celui-ci avec la société Entreprise Nouvelle Antillaise (ENA).

Par une ordonnance

n° 1500098 du 6 mars 2015, le juge des référés du tribunal administratif ...

Vu la procédure suivante :

La société Azur Chaudronnerie Tuyauterie Industrielle et la société International Marine Management ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Fort-de-France, sur le fondement des articles L. 551-1 et L. 551-13 du code de justice administrative, d'annuler la procédure d'appel à projets lancée par le grand port maritime de la Martinique en vue de l'exploitation du bassin de radoub du port de Fort-de-France ainsi que la convention conclue par celui-ci avec la société Entreprise Nouvelle Antillaise (ENA).

Par une ordonnance n° 1500098 du 6 mars 2015, le juge des référés du tribunal administratif de Fort-de-France a, en premier lieu, jugé qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions de la demande des sociétés Azur Chaudronnerie Tuyauterie Industrielle et International Marine Management tendant à l'annulation de la procédure et à la suspension de la signature du contrat, en second lieu, annulé la convention passée le 30 décembre 2014 entre le grand port maritime de la Martinique et la société ENA, cette annulation prenant effet à l'expiration d'un délai de six mois à compter de la date de l'ordonnance.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et deux mémoires en réplique, enregistrés les 23 mars, 7 avril, 5 juin et 8 juin 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le grand port maritime de la Martinique demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance en tant qu'elle annule la convention du 30 décembre 2014 ;

2°) statuant en référé, de rejeter la demande des sociétés Azur Chaudronnerie Tuyauterie Industrielle et International Marine Management ;

3°) de mettre à la charge de celles-ci le versement de la somme de 7 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code des ports maritimes ;

- le code des transports ;

- le décret n° 93-471 du 24 mars 1993 ;

-le décret n° 2010- 406 du 26 avril 2010 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Vincent Montrieux, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Bertrand Dacosta, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard, Poupot, avocat du grand port maritime de la Martinique et à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de la société Azur Chaudronnerie Tuyauterie Industrielle ;

1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 551-13 du code de justice administrative : " Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu'il délègue, peut être saisi, une fois conclu l'un des contrats mentionnés aux articles L. 551-1 et L. 551-5, d'un recours régi par la présente section " ; qu'en vertu des dispositions de l'article L. 551-18 du même code, le juge du référé contractuel " prononce la nullité du contrat lorsqu'aucune des mesures de publicité requises pour sa passation n'a été prise, ou lorsque a été omise une publication au Journal officiel de l'Union européenne dans le cas où une telle publication est prescrite. / La même annulation est prononcée lorsqu'ont été méconnues les modalités de remise en concurrence prévues pour la passation des contrats fondés sur un accord-cadre ou un système d'acquisition dynamique. / Le juge prononce également la nullité du contrat lorsque celui-ci a été signé avant l'expiration du délai exigé après l'envoi de la décision d'attribution aux opérateurs économiques ayant présenté une candidature ou une offre ou pendant la suspension prévue à l'article L. 551-4 ou à l'article L. 551-9 si, en outre, deux conditions sont remplies : la méconnaissance de ces obligations a privé le demandeur de son droit d'exercer le recours prévu par les articles L. 551-1 et L. 551-5, et les obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles sa passation est soumise ont été méconnues d'une manière affectant les chances de l'auteur du recours d'obtenir le contrat. " ; qu'enfin, aux termes de l'article L. 551-20 du même code : " Dans le cas où le contrat a été signé avant l'expiration du délai exigé après l'envoi de la décision d'attribution aux opérateurs économiques ayant présenté une candidature ou une offre ou pendant la suspension prévue à l'article L. 551-4 ou à l'article L. 551-9, le juge peut prononcer la nullité du contrat, le résilier, en réduire la durée ou imposer une pénalité financière. " ;

2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés du tribunal administratif de Fort-de-France que, par un avis d'appel à projets publié le 18 juin 2014, le grand port maritime de la Martinique a lancé une procédure en vue de la conclusion d'un contrat ayant pour objet l'exploitation du bassin de radoub du port de Fort-de-France et des équipements associés ; que les sociétés Azur Chaudronnerie Tuyauterie Industrielle et International Marine Management ont déposé une offre ; que, par un courrier du 12 décembre 2014, le grand port maritime les a informées de ce que leur offre n'avait pas été retenue et de ce que le contrat avait été attribué à la société Entreprise Nouvelle Antillaise ; que les sociétés Azur Chaudronnerie Tuyauterie Industrielle et International Marine Management ont saisi le juge du référé précontractuel du tribunal administratif de Fort-de-France sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 551-1 du code de justice administrative d'une demande tendant à l'annulation de la procédure de passation du contrat ; qu'ayant appris au cours de l'instance que le contrat avait été signé par le grand port maritime avec la société Entreprise Nouvelle Antillaise le 30 décembre 2014, elles ont demandé au juge du référé contractuel du même tribunal, sur le fondement de l'article L. 551-13 du code de justice administrative, de l'annuler ; que, par l'ordonnance attaquée, ce dernier a fait droit à cette seconde demande ;

3. Considérant qu'après avoir jugé que le contrat litigieux était un contrat de délégation de service public, le juge des référés l'a annulé, sur le fondement des dispositions précitées du premier alinéa de l'article L. 551-18 du code de justice administrative, au motif que le grand port maritime de Martinique n'avait pas procédé aux mesures de publicité exigées par l'article 1er du décret du 24 mars 1993 portant application de l'article 38 de la loi du 29 janvier 1993 relatif à la publicité des délégations de service public, c'est-à-dire n'avait pas procédé à toutes les publications requises pour la passation de ces contrats ; que, toutefois, l'annulation d'un contrat n'est susceptible d'être prononcée par le juge du référé contractuel en application de ces dispositions que lorsqu'aucune des mesures de publicité requises pour sa passation n'a été prise ; qu'ainsi, le juge des référés du tribunal administratif de Fort-de-France a commis une erreur de droit ; que, par suite et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, le grand port maritime de la Martinique est fondé à demander l'annulation de l'ordonnance attaquée ;

4. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée par les sociétés Azur Chaudronnerie Tuyauterie Industrielle et International Marine Management ;

5. Considérant que les sociétés Azur Chaudronnerie Tuyauterie Industrielle et International Marine Management soutiennent, pour demander l'annulation du contrat sur le fondement de l'article L. 551-18 du code de justice administrative, que les mesures de publicité requises n'ont pas été prises par le grand port maritime de la Martinique ; qu'elles invoquent à ce titre la méconnaissance, d'une part, des règles de publicité prévues par le décret du 26 avril 2010 relatif aux contrats de concession de travaux et portant diverses dispositions en matière de commande publique, d'autre part, celles qui régissent la passation des délégations de service public ;

6. Considérant, en premier lieu, que, ainsi que le précise l'article 3 du décret du 26 avril 2010, lorsqu'un contrat de concession porte à la fois sur des services et des travaux, les règles de passation prévues par le titre Ier du décret ne sont applicables que si l'objet principal du contrat est de réaliser des travaux ; qu'il résulte de l'instruction que l'objet principal du contrat litigieux est l'exploitation des outillages publics mis à disposition et non la réalisation de travaux ; que, dès lors, les requérantes ne peuvent en tout état de cause utilement soutenir que les règles de publicité prévues par le décret du 26 avril 2010 auraient été méconnues ;

7. Considérant, en second lieu, que l'article 1er du décret du 24 mars 1993 prévoit, pour la passation des délégations de service public, une insertion dans une publication habilitée à recevoir des annonces légales et une insertion dans une publication spécialisée correspondant au secteur économique concerné ; qu'il résulte de l'instruction que, s'il n'a pas fait l'objet d'une insertion dans une publication spécialisée correspondant au secteur économique concerné, l'avis d'appel à projets lancé par le grand port maritime de la Martinique a fait l'objet d'une insertion dans une publication habilitée à recevoir des annonces légales ; que, par suite, à supposer même que le contrat litigieux doive être qualifié de délégation de service public, l'une des mesures de publicité requises ayant été prise, les sociétés Azur Chaudronnerie Tuyauterie Industrielle et International Marine Management ne sont pas fondées à en demander l'annulation sur le fondement du premier alinéa de l'article L. 551-18 du code de justice administrative ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur sa recevabilité, la demande des sociétés Azur Chaudronnerie Tuyauterie Industrielle et International Marine Management ne peut qu'être rejetée ;

9. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que le versement d'une somme soit mis à la charge du grand port maritime de la Martinique qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ; qu'il y a lieu, en revanche, au titre des mêmes dispositions, de mettre à la charge des sociétés Azur Chaudronnerie Tuyauterie Industrielle et International Marine Management le versement au grand port maritime de la Martinique de la somme globale de 4 500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens pour la procédure suivie devant le Conseil d'Etat et le tribunal administratif de Fort-de-France ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Fort-de-France du 6 mars 2015 est annulée en tant qu'elle annule le contrat signé par le grand port maritime de la Martinique avec la société Entreprise Nouvelle Antillaise le 30 décembre 2014.

Article 2 : La demande présentée par les sociétés Azur Chaudronnerie Tuyauterie Industrielle et International Marine Management devant le juge du référé contractuel du tribunal administratif de Fort-de-France est rejetée.

Article 3 : Les sociétés Azur Chaudronnerie Tuyauterie Industrielle et International Marine Management verseront une somme globale de 4 500 euros au grand port maritime de la Martinique au titre des dispositions de l'article L. 551-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions présentées par les sociétés Azur Chaudronnerie Tuyauterie Industrielle et International Marine Management au titre des dispositions de l'article L. 551-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée au grand port maritime de la Martinique, aux sociétés Azur Chaudronnerie Tuyauterie Industrielle, International Marine Management et Entreprise Nouvelle Antillaise.


Synthèse
Formation : 7ème / 2ème ssr
Numéro d'arrêt : 388867
Date de la décision : 26/06/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 26 jui. 2015, n° 388867
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Vincent Montrieux
Rapporteur public ?: M. Bertrand Dacosta
Avocat(s) : SCP BARTHELEMY, MATUCHANSKY, VEXLIARD, POUPOT ; SCP LYON-CAEN, THIRIEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2015:388867.20150626
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