La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

10/06/2015 | FRANCE | N°363551

France | France, Conseil d'État, 10ème ssjs, 10 juin 2015, 363551


Vu la procédure suivante :

La société de droit italien Italcementi SpA a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise le remboursement, déduction faite d'une retenue à la source de 5 %, de la moitié de l'avoir fiscal correspondant aux dividendes qui lui ont été distribués aux mois de mai et juillet 2004 par la société de droit français Internationale Italcementi France. Par un jugement n° 0704311-5 du 20 janvier 2011, le tribunal a fait droit à sa demande.

Par un arrêt n° 11VE01804 du 16 juillet 2012, la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté

l'appel formé contre ce jugement par le ministre délégué, chargé du budget.

...

Vu la procédure suivante :

La société de droit italien Italcementi SpA a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise le remboursement, déduction faite d'une retenue à la source de 5 %, de la moitié de l'avoir fiscal correspondant aux dividendes qui lui ont été distribués aux mois de mai et juillet 2004 par la société de droit français Internationale Italcementi France. Par un jugement n° 0704311-5 du 20 janvier 2011, le tribunal a fait droit à sa demande.

Par un arrêt n° 11VE01804 du 16 juillet 2012, la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel formé contre ce jugement par le ministre délégué, chargé du budget.

Par un pourvoi et un mémoire en réplique, enregistrés les 25 octobre 2012 et 5 décembre 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre délégué, chargé du budget demande au Conseil d'Etat d'annuler cet arrêt du 16 juillet 2012 de la cour administrative d'appel de Versailles.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention conclue entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République italienne en vue d'éviter les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales, signée le 5 octobre 1989, ainsi que le protocole et l'échange de lettres qui y sont associés ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- la loi n° 2003-1311 du 30 décembre 2003 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jacques Reiller, conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Edouard Crépey, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Célice, Blancpain, Soltner, Texidor, avocat de la société Italcementi SpA ;

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'au cours de l'année 2004, la société de droit français dénommée Internationale Italcementi France a versé à la société de droit italien Italcementi SpA, qui détenait l'intégralité de son capital, la somme totale de 40 396 995 euros, à titre de dividendes ; que les 24 mai et 26 juillet 2004, la société italienne a demandé à l'administration fiscale française, à titre principal et sur le fondement des stipulations du b) du 3 de l'article 10 de la convention fiscale franco-italienne du 5 octobre 1989, le remboursement de la moitié de l'avoir fiscal correspondant à cette somme, diminuée de la retenue à la source de 5 % prévue au a) du 2 du même article ; que l'administration fiscale n'a fait droit qu'à la demande subsidiaire de la société, tendant au remboursement de la somme acquittée par la société distributrice française au titre de cette retenue à la source ; que, saisi par la société italienne, le juge de l'impôt de première instance a fait droit à la demande de remboursement principale ; que le ministre délégué, chargé du budget, se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 16 juillet 2012 par lequel la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté son appel dirigé contre ce jugement ;

2. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 10 de la convention fiscale franco-italienne du 5 octobre 1989 : " 1. Les dividendes payés par une société qui est résident d'un État à un résident de l'autre État sont imposables dans cet autre État. 2. Toutefois, ces dividendes sont aussi imposables dans l'État dont la société qui paie les dividendes est un résident, et selon la législation de cet État, mais si la personne qui reçoit les dividendes en est le bénéficiaire effectif, l'impôt ainsi établi ne peut excéder : / a. 5 % du montant brut des dividendes si le bénéficiaire effectif est une société passible de l'impôt sur les sociétés qui a détenu directement ou indirectement, pendant une période d'au moins douze mois précédant la date de la décision de distribution des dividendes, au moins 10 % du capital de la société qui paie les dividendes (...). Les dispositions du présent paragraphe n'affectent pas l'imposition de la société au titre des bénéfices qui servent au paiement des dividendes. / 3. (...) b. Une société résidente d'Italie, visée au paragraphe 2-a), ou relevant de la législation italienne applicable aux sociétés mères, qui reçoit d'une société résidente de France des dividendes qui donneraient droit à un 'avoir fiscal' s'ils étaient reçus par un résident de France, a droit à un paiement du Trésor français d'un montant égal à la moitié de cet 'avoir fiscal' diminuée de la retenue à la source prévue au paragraphe 2. (...) " ; qu'en jugeant que les sociétés mères italiennes qui percevaient des dividendes distribués par une société française tiraient directement de ces stipulations un droit au paiement par le Trésor français d'une somme égale à la moitié, diminuée d'une retenue à la source de 5 %, de l'avoir fiscal que la loi fiscale française aurait attaché à la distribution régulière des mêmes dividendes à un résident de France, sans qu'il y ait lieu de rechercher si ce résident aurait été en droit d'utiliser, pour le paiement d'un impôt, l'avoir fiscal éventuellement attaché à ces dividendes, la cour administrative d'appel de Versailles n'a pas méconnu la portée de ces stipulations ; qu'en jugeant sans incidence sur ce point l'interprétation contraire donnée de ces stipulations par l'administration fiscale dans une instruction n° 4 J-2-05 du 28 avril 2005 dont la publication était, au demeurant, postérieure aux distributions et demandes de remboursement litigieuses, la cour n'a pas commis d'erreur de droit ;

3. Considérant, d'autre part, que, par le 1° du A du I de l'article 93 de la loi de finances pour 2004, le législateur a notamment abrogé, en premier lieu, l'article 158 bis du code général des impôts selon lequel les personnes percevant des dividendes distribués par des sociétés françaises disposaient à ce titre d'un revenu constitué par les sommes reçues de ces sociétés et par un avoir fiscal représenté par un crédit ouvert sur le Trésor, en deuxième lieu, l'article 209 bis qui rendait applicables aux personnes morales ayant leur siège social en France les dispositions des articles 158 bis et 158 ter, dans la mesure où le revenu distribué était compris dans la base de l'impôt sur les sociétés, et disposait que le crédit d'impôt était reçu en paiement de cet impôt, en troisième lieu, l'article 209 quater prévoyant que le bénéfice de l'avoir fiscal pouvait être étendu, selon des modalités fixées par accord diplomatique, aux personnes domiciliées sur le territoire des Etats ayant conclu avec la France des conventions tendant à éviter les doubles impositions ; que, toutefois, en vertu des dispositions du deuxième alinéa du D du I de l'article 93 de la même loi, cette abrogation n'était applicable, pour les personnes autres que physiques, qu'aux crédits d'impôt " utilisables à compter du 1er janvier 2005 " ; qu'en outre, le VI de l'article 95 de cette loi prévoyait notamment la possibilité d'imputer, sous certaines conditions, les avoirs fiscaux attachés aux produits des participations donnant droit à l'application du régime des sociétés mères alors prévu aux articles 145 et suivants du code général des impôts, sur le prélèvement de 25 % que le I et le IX du même article instituaient, à titre exceptionnel, sur le montant net des distributions mises en paiement au cours de l'année 2005 et portant sur des bénéfices qui n'avaient pas été soumis à l'impôt sur les sociétés au taux normal ou résultaient d'exercice clos depuis plus de cinq ans ;

4. Considérant qu'en jugeant qu'il résultait de la combinaison des dispositions législatives mentionnées au point précédent que, par l'adoption du deuxième alinéa du D du I de l'article 93 de la loi de finances pour 2004, le législateur n'avait pas entendu prévoir qu'aucun avoir fiscal ne serait plus attaché à la perception, par des personnes morales établies en France, de revenus régulièrement distribués par des sociétés françaises au cours de l'année 2004, mais seulement décider qu'à compter du 1er janvier 2005, les actionnaires français autres que les personnes physiques ne pourraient plus utiliser, en paiement de l'impôt sur les sociétés, les crédits d'impôt résultant de l'avoir fiscal attaché aux dividendes qui leur auraient été distribués par des sociétés françaises en 2004, la cour administrative d'appel de Versailles n'a pas commis d'erreur de droit ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'en jugeant que l'intervention de la loi de finances pour 2004 n'avait pas privé la société Italcementi SpA du droit au remboursement de l'avoir fiscal attaché aux dividendes régulièrement versés à l'intéressée par sa filiale française au cours de l'année 2004, la cour administrative d'appel de Versailles n'a pas entaché son arrêt d'erreur de droit ; qu'il suit de là que le pourvoi du ministre délégué, chargé du budget ne peut qu'être rejeté ;

6. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros à verser à la société Italcementi SpA, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi du ministre délégué, chargé du budget est rejeté.

Article 2 : L'Etat versera à la société Italcementi SpA une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société Italcementi SpA et au ministre des finances et des comptes publics.


Synthèse
Formation : 10ème ssjs
Numéro d'arrêt : 363551
Date de la décision : 10/06/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 10 jui. 2015, n° 363551
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Jacques Reiller
Rapporteur public ?: M. Edouard Crépey
Avocat(s) : SCP CELICE, BLANCPAIN, SOLTNER, TEXIDOR

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2015:363551.20150610
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award