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10/06/2015 | FRANCE | N°357610

France | France, Conseil d'État, 10ème ssjs, 10 juin 2015, 357610


Vu la procédure suivante :

La société de droit italien Tod's SpA a demandé au tribunal administratif de Paris le remboursement, déduction faite d'une retenue à la source de 5 %, de la moitié de l'avoir fiscal correspondant aux dividendes qui lui ont été distribués au mois de novembre 2004 par la société de droit français Tod's France SAS. Par un jugement n° 0711224 du 1er juillet 2010, le tribunal a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 10PA04657 du 7 février 2012, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par la société tendant, en premier

lieu, à l'annulation de ce jugement, en deuxième lieu, à ce qu'il soit fait droi...

Vu la procédure suivante :

La société de droit italien Tod's SpA a demandé au tribunal administratif de Paris le remboursement, déduction faite d'une retenue à la source de 5 %, de la moitié de l'avoir fiscal correspondant aux dividendes qui lui ont été distribués au mois de novembre 2004 par la société de droit français Tod's France SAS. Par un jugement n° 0711224 du 1er juillet 2010, le tribunal a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 10PA04657 du 7 février 2012, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par la société tendant, en premier lieu, à l'annulation de ce jugement, en deuxième lieu, à ce qu'il soit fait droit à sa demande de remboursement, en troisième lieu, à ce que lui soient versés sur la somme ainsi remboursée les intérêts moratoires prévus par l'article L. 208 du livre des procédures fiscales.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en production, enregistrés les 14 mars, 13 juin et 15 octobre 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Tod's SpA demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt du 7 février 2012 de la cour administrative d'appel de Paris ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- la convention conclue entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République italienne en vue d'éviter les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales, signée le 5 octobre 1989, ainsi que le protocole et l'échange de lettres qui y sont associés ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- la loi n° 2003-1311 du 30 décembre 2003 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jacques Reiller, conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Edouard Crépey, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Célice, Blancpain, Soltner, Texidor, avocat de la société Tod's SpA ;

1. Considérant qu'aux termes de l'article 10 de la convention fiscale franco-italienne du 5 octobre 1989 : " 1. Les dividendes payés par une société qui est résident d'un État à un résident de l'autre État sont imposables dans cet autre État. 2. Toutefois, ces dividendes sont aussi imposables dans l'État dont la société qui paie les dividendes est un résident, et selon la législation de cet État, mais si la personne qui reçoit les dividendes en est le bénéficiaire effectif, l'impôt ainsi établi ne peut excéder : / a. 5 % du montant brut des dividendes si le bénéficiaire effectif est une société passible de l'impôt sur les sociétés qui a détenu directement ou indirectement, pendant une période d'au moins douze mois précédant la date de la décision de distribution des dividendes, au moins 10 % du capital de la société qui paie les dividendes (...). Les dispositions du présent paragraphe n'affectent pas l'imposition de la société au titre des bénéfices qui servent au paiement des dividendes. / 3. (...) b. Une société résidente d'Italie, visée au paragraphe 2-a), ou relevant de la législation italienne applicable aux sociétés mères, qui reçoit d'une société résidente de France des dividendes qui donneraient droit à un 'avoir fiscal' s'ils étaient reçus par un résident de France, a droit à un paiement du Trésor français d'un montant égal à la moitié de cet 'avoir fiscal' diminuée de la retenue à la source prévue au paragraphe 2. (...) " ; que les sociétés mères italiennes qui perçoivent des dividendes distribués par une société française tiraient directement de ces stipulations un droit au paiement par le Trésor français d'une somme égale à la moitié, diminuée d'une retenue à la source fixée à 5% par le a) paragraphe 2 de l'article 10, de l'avoir fiscal que la loi fiscale française aurait attaché à la perception des mêmes dividendes par un résident de France ;

2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'au cours de l'année 2004, la société de droit français dénommée Tod's France SAS a versé à la société de droit italien Sogefi SpA, qui contrôlait l'intégralité de son capital, la somme de 1 701 797 euros, à titre de dividendes ; que le 17 mai 2005, la société italienne a demandé à l'administration fiscale française, à titre principal et sur le fondement des stipulations citées ci-dessus du b) du 3 de l'article 10 de la convention fiscale franco-italienne, le remboursement de la moitié de l'avoir fiscal correspondant à cette somme, diminuée de la retenue à la source de 5 % prévue au a) du 2 du même article ; que l'administration fiscale n'a fait droit qu'à la demande subsidiaire de la société, tendant au remboursement de la somme acquittée par la société distributrice française au titre de cette retenue à la source ; que la société italienne a saisi le juge de l'impôt de conclusions tendant, notamment, à ce qu'il soit fait droit à sa demande de remboursement principale ; qu'il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que, pour rejeter ces conclusions, la cour administrative d'appel de Paris s'est notamment fondée sur ce qu'en mettant fin, pour les sociétés mères françaises, au mécanisme d'avoir fiscal, les dispositions de la loi du 30 décembre 2003 portant loi de finances pour 2004 auraient éteint le droit à remboursement conféré par la convention à la société mère italienne à raison des dividendes versés par sa filiale française ;

3. Considérant que, par le 1° du A du I de l'article 93 de la loi de finances pour 2004, le législateur a notamment abrogé, en premier lieu, l'article 158 bis du code général des impôts selon lequel les personnes percevant des dividendes distribués par des sociétés françaises disposaient à ce titre d'un revenu constitué par les sommes reçues de ces sociétés et par un avoir fiscal représenté par un crédit ouvert sur le Trésor, en deuxième lieu, l'article 209 bis qui rendait applicables aux personnes morales ayant leur siège social en France les dispositions des articles 158 bis et 158 ter, dans la mesure où le revenu distribué était compris dans la base de l'impôt sur les sociétés, et disposait que le crédit d'impôt était reçu en paiement de cet impôt, en troisième lieu, l'article 209 quater prévoyant que le bénéfice de l'avoir fiscal pouvait être étendu, selon des modalités fixées par accord diplomatique, aux personnes domiciliées sur le territoire des Etats ayant conclu avec la France des conventions tendant à éviter les doubles impositions ; que, toutefois, en vertu des dispositions du deuxième alinéa du D du I de l'article 93 de la même loi, cette abrogation n'était applicable, pour les personnes autres que physiques, qu'aux crédits d'impôt " utilisables à compter du 1er janvier 2005 " ; qu'en outre, le VI de l'article 95 de cette loi prévoyait notamment la possibilité d'imputer, sous certaines conditions, les avoirs fiscaux attachés aux produits des participations donnant droit à l'application du régime des sociétés mères alors prévu aux articles 145 et suivants du code général des impôts, sur le prélèvement de 25 % que le I et le IX du même article instituaient, à titre exceptionnel, sur le montant net des distributions mises en paiement au cours de l'année 2005 et portant sur des bénéfices qui n'avaient pas été soumis à l'impôt sur les sociétés au taux normal ou résultaient d'exercice clos depuis plus de cinq ans ;

4. Considérant qu'il résulte de la combinaison des dispositions législatives mentionnées au point précédent, éclairées par les travaux préparatoires à leur adoption, qu'en adoptant le deuxième alinéa du D du I de l'article 93 de la loi de finances pour 2004, le législateur n'a pas entendu prévoir qu'aucun avoir fiscal ne serait plus attaché à la perception, par des personnes morales établies en France, de revenus régulièrement distribués par des sociétés françaises au cours de l'année 2004, mais décider qu'à compter du 1er janvier 2005, les actionnaires français autres que les personnes physiques ne pourraient plus utiliser, en paiement de l'impôt sur les sociétés, les crédits d'impôt résultant de l'avoir fiscal attaché aux dividendes qui leur auraient été distribués par des sociétés françaises en 2004 ;

5. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède qu'il incombait seulement aux juges d'appel, pour établir l'étendue du droit à remboursement que la société Tod's SpA tirait des stipulations du b) du 3 de l'article 10 de la convention bilatérale, de rechercher si un avoir fiscal aurait été attaché aux dividendes mentionnés au point 2, dans l'hypothèse où ils auraient été régulièrement distribués aux mêmes dates à un résident de France, et non de rechercher si ce résident aurait été en droit d'utiliser, pour le paiement d'un impôt, l'avoir fiscal attaché, le cas échéant, à ces dividendes ; que, dès lors, en jugeant qu'un tel droit avait été nécessairement éteint du seul fait de l'intervention de la loi de finances pour 2004, la cour administrative d'appel de Paris a commis une erreur de droit ;

6. Considérant que, par suite et sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen du pourvoi, que la société Tod's SpA est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 500 euros à verser à cette société, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 7 février 2012 est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Paris.

Article 3 : L'Etat versera à la société Tod's SpA une somme de 3 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société Tod's SpA et au ministre des finances et des comptes publics.


Synthèse
Formation : 10ème ssjs
Numéro d'arrêt : 357610
Date de la décision : 10/06/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 10 jui. 2015, n° 357610
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Jacques Reiller
Rapporteur public ?: M. Edouard Crépey
Avocat(s) : SCP CELICE, BLANCPAIN, SOLTNER, TEXIDOR

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2015:357610.20150610
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