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22/05/2015 | FRANCE | N°387152

France | France, Conseil d'État, 1ère sous-section jugeant seule, 22 mai 2015, 387152


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, sur le fondement de l'article L. 52-15 du code électoral, a saisi le tribunal administratif de Versailles de la décision du 18 septembre 2014 par laquelle elle a rejeté le compte de campagne de Mme D...F..., candidate tête de liste, lors des opérations électorales qui se sont déroulées les 23 et 30 mars 2014 en vue de l'élection des conseillers municipaux et des conseillers communautaires de la commune de Palaiseau (Essonne).>
Par un jugement n° 1407313 du 16 décembre 2014, le tribunal administrati...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, sur le fondement de l'article L. 52-15 du code électoral, a saisi le tribunal administratif de Versailles de la décision du 18 septembre 2014 par laquelle elle a rejeté le compte de campagne de Mme D...F..., candidate tête de liste, lors des opérations électorales qui se sont déroulées les 23 et 30 mars 2014 en vue de l'élection des conseillers municipaux et des conseillers communautaires de la commune de Palaiseau (Essonne).

Par un jugement n° 1407313 du 16 décembre 2014, le tribunal administratif de Versailles a dit que le compte de campagne de Mme F...était rejeté à bon droit, déclaré cette dernière inéligible pour une durée d'un an et démissionnaire d'office de ses mandats de conseillère municipale et de conseillère communautaire et proclamé M. A...E...élu conseiller municipal et M. C...B...élu conseiller communautaire.

Procédure devant le Conseil d'Etat

Par une requête et par un mémoire en réplique, enregistrés les 15 janvier et 21 avril 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme F...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Versailles du 16 décembre 2014 ;

2°) de rejeter la saisine de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques ou, à titre subsidiaire, de ne pas la déclarer inéligible ou de la déclarer inéligible pour une durée plus courte.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code électoral ;

- la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Philippe Combettes, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Alexandre Lallet, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. Par une décision du 18 septembre 2014, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a rejeté le compte de campagne de Mme F..., candidate tête de liste aux élections municipale et communautaire organisées les 23 et 30 mars 2014 dans la commune de Palaiseau, au motif que Mme Tiefenbach était membre de l'association de financement de la candidate tout en faisant partie de sa liste. Saisi par la Commission, le tribunal administratif de Versailles a estimé que son compte de campagne avait été rejeté à bon droit, l'a déclarée inéligible pour une durée d'un an et démissionnaire d'office de ses mandats de conseillère municipale et de conseillère communautaire, et a proclamé élus au conseil municipal et au conseil communautaire les premiers candidats non élus de la liste qu'elle avait conduite.

Sur le rejet du compte de campagne :

2. Le premier alinéa de l'article L. 52-5 du code électoral prévoit que : " L'association de financement électorale doit être déclarée selon les modalités prévues par l'article 5 de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association. La déclaration doit être accompagnée de l'accord écrit du candidat. Le candidat ne peut être membre de l'association de financement qui le soutient ; dans le cas d'un scrutin de liste, aucun membre de la liste ne peut être membre de l'association de financement qui soutient le candidat tête de la liste sur laquelle il figure (...) ". En vertu de l'article 5 de la loi du 1er juillet 1901, l'association fait connaître par une déclaration préalable " le titre et l'objet de l'association, le siège de ses établissements et les noms, professions et domiciles et nationalités de ceux qui, à un titre quelconque, sont chargés de son administration ". Pour l'application des dispositions de l'article L. 52-5 du code électoral, doit être regardé comme membre d'une association de financement électorale tout membre de ses organes d'administration et de direction au sens de l'article 5 de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association.

3. Il résulte de l'instruction que l'article 6 des statuts de l'association de financement électorale soutenant la liste conduite par Mme F... précisait que le bureau de cette association était composé d'un président, d'un secrétaire et d'un trésorier. Mme Tiefenbach, signataire de ces statuts en qualité de secrétaire, était ainsi membre des organes d'administration et de direction de cette association au sens de l'article 5 de la loi du 1er juillet 1901, alors qu'elle était en même temps candidate sur la liste conduite par la requérante, en méconnaissance des dispositions citées ci-dessus de l'article L. 52-5 du code électoral. Les circonstances que l'intéressée n'ait pas été signataire de la déclaration de l'association à la préfecture et qu'elle n'ait pas eu qualité pour recevoir des fonds et régler des dépenses sont sans incidence sur la méconnaissance de ces dispositions.

4. Par suite, Mme F...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a jugé que la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques avait rejeté à bon droit son compte de campagne.

Sur l'inéligibilité :

5. Il résulte des dispositions de l'article L. 118-3 du code électoral que, saisi par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, le juge de l'élection prononce " l'inéligibilité du candidat dont le compte de campagne a été rejeté à bon droit en cas de volonté de fraude ou de manquement d'une particulière gravité aux règles relatives au financement des campagnes électorales ". En dehors des hypothèses de fraude, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, ces dispositions prévoient que le juge de l'élection ne prononce l'inéligibilité d'un candidat que s'il constate un manquement d'une particulière gravité aux règles de financement des campagnes électorales. Pour déterminer si un manquement est d'une particulière gravité au sens de ces dispositions, il appartient au juge de l'élection de tenir compte de la nature de la règle méconnue, du caractère délibéré ou non du manquement, de l'existence éventuelle d'autres motifs d'irrégularité du compte, du montant des sommes en cause, ainsi que de l'ensemble des circonstances de l'espèce.

6. En raison de la finalité poursuivie par les dispositions de l'article L. 52-5 du code électoral, l'incompatibilité qu'elles posent constitue une règle substantielle à laquelle il ne peut être dérogé. Ainsi, la présence de Mme Tiefenbach, secrétaire de l'association de financement électorale correspondante, sur la liste conduite par Mme F...au premier tour a méconnu une obligation substantielle. Toutefois, il résulte de l'instruction que, d'une part, Mme Tiefenbach, qui était en 35e position parmi les 39 candidats de la liste conduite par Mme F... au premier tour des élections, s'est retirée de la liste déposée en vue du second tour des élections. D'autre part, en qualité de secrétaire de l'association, Mme Tiefenbach n'était pas habilitée à effectuer des opérations sur le compte bancaire unique de l'association, ni à établir des reçus de dons. Enfin, le compte de campagne de Mme F...ne fait pas apparaître d'autres irrégularités de nature à justifier une déclaration d'inéligibilité. Ainsi, il ne résulte pas de l'instruction que le manquement commis par la requérante ait revêtu, dans les circonstances de l'espèce, le caractère d'un manquement d'une particulière gravité au sens de l'article L. 118-3 du code électoral et soit, par suite, de nature à justifier son inéligibilité.

7. Dès lors, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen tendant à l'annulation du jugement dans cette mesure, Mme F...est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles l'a déclarée inéligible pour une durée d'un an et démissionnaire d'office de ses mandats de conseillère municipale et de conseillère communautaire et a proclamé M. E...élu conseiller municipal et M. B...élu conseiller communautaire.

D E C I D E :

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Article 1er : Il n'y a pas lieu de déclarer Mme F...inéligible en application de l'article L. 118-3 du code électoral et démissionnaire d'office de ses mandats de conseillère municipale et de conseillère communautaire et de proclamer M. E... élu conseiller municipal et M. B...élu conseiller communautaire.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Versailles du 16 décembre 2014 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme F...est rejeté.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme D...F..., à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques et au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Formation : 1ère sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 387152
Date de la décision : 22/05/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 22 mai. 2015, n° 387152
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Philippe Combettes
Rapporteur public ?: M. Alexandre Lallet

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2015:387152.20150522
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