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06/05/2015 | FRANCE | N°378534

France | France, Conseil d'État, 8ème et 3ème sous-sections réunies, 06 mai 2015, 378534


Vu la procédure suivante :

M. et Mme B...A...ont demandé au tribunal administratif de Nice de prononcer la décharge, en droits et pénalités, de la taxe sur les bijoux, les objets d'art, de collection et d'antiquité à laquelle ils ont été assujettis au titre des années 2003 et 2004.

Par un jugement n° 0803516 du 25 mars 2011, le tribunal administratif de Nice a fait droit à cette demande.

Par un arrêt n° 11MA02403 du 25 février 2014, la cour administrative d'appel de Marseille, sur le recours du ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'E

tat, a annulé ce jugement et a remis à la charge de M. et Mme A...la somme corres...

Vu la procédure suivante :

M. et Mme B...A...ont demandé au tribunal administratif de Nice de prononcer la décharge, en droits et pénalités, de la taxe sur les bijoux, les objets d'art, de collection et d'antiquité à laquelle ils ont été assujettis au titre des années 2003 et 2004.

Par un jugement n° 0803516 du 25 mars 2011, le tribunal administratif de Nice a fait droit à cette demande.

Par un arrêt n° 11MA02403 du 25 février 2014, la cour administrative d'appel de Marseille, sur le recours du ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat, a annulé ce jugement et a remis à la charge de M. et Mme A...la somme correspondante, en droits et pénalités, à cette taxe.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 24 avril et 24 juillet 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. et Mme A...demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel du ministre ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention fiscale conclue le 18 mai 1963 entre la République française et la Principauté de Monaco ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Maryline Saleix, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme Nathalie Escaut, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Célice, Blancpain, Soltner, Texidor, avocat de M. et Mme A...;

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que l'administration fiscale a assujetti M. et Mme A...à la taxe forfaitaire sur les ventes de bijoux, d'objets d'art, de collection et d'antiquité alors prévue à l'article 150 V bis du code général des impôts, à raison de la vente de plusieurs véhicules de collection au cours des années 2003 et 2004 ; que M. et MmeA..., qui résidaient à Monaco durant ces années, ont contesté être redevables de cette taxe ; qu'ils se pourvoient en cassation contre l'arrêt du 25 février 2014 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille, statuant sur l'appel du ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat, a annulé le jugement du 25 mars 2011 du tribunal administratif de Nice ayant prononcé la décharge des rappels de taxe et les a remis à leur charge ;

2. Considérant, d'une part, qu'en vertu de l'article 4 A du code général des impôts, seules les personnes qui ont en France leur domicile fiscal au sens de l'article 4 B de ce code sont passibles de l'impôt sur le revenu sur l'ensemble de leurs revenus, alors que les autres ne sont passibles de cet impôt qu'à raison de leurs seuls revenus de source française ; que, par dérogation à cette disposition, l'article 7 de la convention fiscale conclue le 18 mai 1963 entre la République française et la Principauté de Monaco stipule que : " I - Les personnes physiques de nationalité française qui transporteront à Monaco leur domicile ou leur résidence - ou qui ne peuvent pas justifier de cinq ans de résidence habituelle à Monaco à la date du 13 octobre 1962 - seront assujetties en France à l'impôt sur le revenu des personnes physiques et à la taxe complémentaire dans les mêmes conditions que si elles avaient leur domicile ou leur résidence en France " ; qu'après la suppression de la taxe complémentaire par l'article 5 de la loi du 24 décembre 1969, l'article 2-I de la loi du 21 décembre 1970 a prévu que l'impôt sur le revenu des personnes physiques prendrait le nom d'impôt sur le revenu ; que c'est donc pour ce seul impôt que la France trouve dans l'article 7 de la convention le droit d'imposer ceux de ses nationaux qui ont transporté à Monaco leur domicile ou leur résidence ;

3. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 150 V bis du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige : " I. Sous réserve des dispositions particulières qui sont propres aux bénéfices professionnels, (...) les ventes de bijoux, d'objets d'art, de collection et d'antiquité sont soumises à une taxe de 4,5 % lorsque leur montant excède 3 050 euros ; dans le cas où ce montant est compris entre 3 050 euros et 4 600 euros, la base d'imposition est réduite d'un montant égal à la différence entre 4 600 euros et ledit montant.(...) " ; qu'aux termes de l'article 150 V ter, alors applicable, de ce code : " La taxe prévue à l'article 150 V est supportée par le vendeur. Elle est versée par l'intermédiaire participant à la transaction ou, à défaut, par l'acheteur, dans les trente jours et sous les mêmes garanties qu'en matière de taxes sur le chiffre d'affaires (...) " ; qu'aux termes de l'article 150 V quater, alors applicable, du code : " L'exportation, autre que temporaire, hors du territoire des Etats membres de la Communauté européenne est assimilée de plein droit à une vente ; la taxe est versée par l'exportateur, comme en matière de droits de douane, lors de l'accomplissement des formalités douanières (...) " ; qu'enfin, l'article 150 V sexies du même code disposait que : " Le vendeur des bijoux et objets mentionnés au deuxième alinéa du I de l'article 150 V bis peut opter, par une déclaration faite au moment de la vente, pour le régime défini aux articles 150 A à 150 T sous réserve qu'il puisse justifier de la date et du prix d'acquisition. Les conditions de l'option sont fixées par décret en Conseil d'Etat " ;

4. Considérant qu'il résulte de ces dispositions, issues de la loi du 19 juillet 1976 portant imposition des plus-values et création d'une taxe forfaitaire sur les métaux précieux, les bijoux, les objets d'art, de collection et d'antiquité, désormais codifiées aux articles 150 VI à 150 VM du code général des impôts, que les ventes, autres que celles effectuées dans l'exercice d'une activité professionnelle, de métaux précieux, de bijoux, d'objets d'art, de collection et d'antiquité sont soumises à une taxe forfaitaire, sauf pour le vendeur à exercer une option pour le régime d'imposition des plus-values de cession défini aux articles 150 A à 150 T du code général des impôts, dont les dispositions sont désormais reprises aux articles 150 V à 150 VH de ce code ;

5. Considérant que les stipulations précitées de l'article 7 de la convention fiscale franco-monégasque doivent être interprétées conformément au sens ordinaire à attribuer à leurs termes, dans leur contexte et à la lumière de leur objet et de leur but ; que la mention du seul impôt sur le revenu qu'elles visent, auquel sont assujettis en France dans les mêmes conditions que si elles avaient leur domicile ou leur résidence en France, les personnes de nationalité française qui soit ont transféré à Monaco leur domicile ou leur résidence après le 13 octobre 1962, soit l'ont fait auparavant mais sans pouvoir justifier, à cette même date, de cinq ans de résidence habituelle à Monaco, exclut du champ de cette convention toute autre imposition distincte de cet impôt ; que tel est le cas de la taxe sur les métaux précieux, les bijoux, les objets d'art, de collection et d'antiquité, qui a la nature d'une imposition distincte de l'impôt sur le revenu, au sens de l'article 7 de la convention, en raison de son assiette, de son taux et de ses modalités de recouvrement, alors même que le contribuable peut choisir de ne pas supporter cette taxe et d'exercer l'option pour le régime de droit commun d'imposition des plus-values ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'en jugeant que M. et Mme A... pouvaient être soumis à la taxe forfaitaire sur les ventes de bijoux, d'objets d'art, de collection et d'antiquité à raison des ventes de véhicules de collection réalisées par M.A... au cours des années 2003 et 2004 au motif que cette taxe ne pouvait être regardée comme une imposition distincte de l'impôt sur le revenu visé à l'article 7 de la convention fiscale franco-monégasque, la cour a commis une erreur de droit ; que, dès lors, les requérants sont fondés à demander l'annulation de l'arrêt qu'ils attaquent ;

7. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

8. Considérant qu'à l'appui de son recours contre le jugement du 25 mars 2011 du tribunal administratif de Nice, le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat se bornait à soutenir que la taxe sur les bijoux, les objets d'art, de collection et d'antiquité à laquelle M. et Mme A...ont été assujettis au titre des années 2003 et 2004 était due sur le fondement des stipulations de l'article 7 de la convention fiscale franco-monégasque du 18 avril 1963 ; que, toutefois, comme il vient d'être dit, ces stipulations ne permettent pas de justifier l'imposition des requérants à cette taxe ; que, par suite, le ministre n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Nice a fait droit à la demande de M. et MmeA... en les déchargeant de la taxe à laquelle ils avaient été assujettis ;

9. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros à verser à M. et Mme A...sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, au titre des frais exposés tant devant le Conseil d'Etat que devant la cour administrative d'appel de Marseille ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt du 25 février 2014 de la cour administrative d'appel de Marseille est annulé.

Article 2 : Le recours du ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat devant la cour administrative d'appel de Marseille est rejeté.

Article 3 : L'Etat versera à M. et Mme A...la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. et Mme B... A...et au ministre des finances et des comptes publics.


Synthèse
Formation : 8ème et 3ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 378534
Date de la décision : 06/05/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 06 mai. 2015, n° 378534
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Maryline Saleix
Rapporteur public ?: Mme Nathalie Escaut
Avocat(s) : SCP CELICE, BLANCPAIN, SOLTNER, TEXIDOR

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2015:378534.20150506
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