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29/04/2015 | FRANCE | N°382322

France | France, Conseil d'État, 8ème ssjs, 29 avril 2015, 382322


Vu la procédure suivante :

Mme B...A...a demandé au tribunal administratif de Versailles de la décharger des cotisations de taxe foncière sur les propriétés bâties et de taxe d'enlèvement des ordures ménagères auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2007 à 2010, à raison d'un ensemble immobilier dont elle est propriétaire rue Barbès à Vanves, ainsi que des frais, majorations et pénalités correspondants. Par un jugement n°s 0910251, 1100900 du 27 mars 2014, le tribunal administratif de Versailles n'a fait droit à ces demandes qu'au titre des années 200

7 et 2008 et à l'exception des taxes se rapportant au propre logement de Mme...

Vu la procédure suivante :

Mme B...A...a demandé au tribunal administratif de Versailles de la décharger des cotisations de taxe foncière sur les propriétés bâties et de taxe d'enlèvement des ordures ménagères auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2007 à 2010, à raison d'un ensemble immobilier dont elle est propriétaire rue Barbès à Vanves, ainsi que des frais, majorations et pénalités correspondants. Par un jugement n°s 0910251, 1100900 du 27 mars 2014, le tribunal administratif de Versailles n'a fait droit à ces demandes qu'au titre des années 2007 et 2008 et à l'exception des taxes se rapportant au propre logement de Mme A....

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et deux nouveaux mémoires, enregistrés les 7 juillet, 7 octobre et 30 décembre 2014 et le 27 mars 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme A...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'article 3 de ce jugement, en tant qu'il rejette ses conclusions tendant à la décharge des taxes en litige au titre des années 2009 et 2010, à l'exception des taxes se rapportant à son propre logement ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à l'intégralité de sa demande ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Karin Ciavaldini, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Benoît Bohnert, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de Mme A...;

1. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article R. 611-7 du code de justice administrative : " Lorsque la décision lui paraît susceptible d'être fondée sur un moyen relevé d'office, le président de la formation de jugement ou, au Conseil d'Etat, la sous-section chargée de l'instruction en informe les parties avant la séance de jugement et fixe le délai dans lequel elles peuvent, sans qu'y fasse obstacle la clôture éventuelle de l'instruction, présenter leurs observations sur le moyen communiqué (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions que le document informant les parties du moyen relevé d'office sur lequel la décision est susceptible d'être fondée doit mentionner, à peine d'irrégularité de la procédure dès lors que cette décision retient ce moyen, le délai dans lequel les parties peuvent présenter leurs observations sur ce moyen ; qu'il est néanmoins satisfait à cette obligation dans le cas où, sans fixer de délai, ce document mentionne la date de l'audience où l'affaire sera appelée dès lors que la clôture de l'instruction ne fait pas obstacle à la présentation jusqu'à cette date de telles observations ; qu'en outre, la décision ne peut être regardée comme intervenue suivant une procédure irrégulière si les parties ont présenté des observations écrites alors même que le document qui leur a été adressé ne fixait aucun délai et ne mentionnait pas la date de l'audience ;

2. Considérant que, par courrier du 14 février 2014, la présidente du tribunal administratif de Versailles a informé les parties que le tribunal administratif était susceptible de fonder sa décision sur le moyen relevé d'office tiré de l'irrecevabilité des conclusions tendant à la décharge des cotisations de taxe foncière sur les propriétés bâties au titre des années 2009 et 2010, au motif que la réclamation préalable ne visait que la taxe d'enlèvement des ordures ménagères ; que ces courriers n'ont pas fixé le délai dans lequel les parties pouvaient présenter leurs observations sur ce moyen et n'ont pas rappelé la date de l'audience, fixée au 13 mars 2014, dont les parties avaient été avisées par un pli adressé antérieurement ; que, pour écarter les conclusions de Mme A...tendant à la décharge des cotisations de taxe foncière au titre des années 2009 et 2010, le tribunal a fondé sa décision sur ce moyen sur lequel les parties n'ont présenté aucune observation écrite ; que, si ces lettres rappellent les termes de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, cette mention est, à elle seule, insuffisante pour assurer que la procédure a été régulièrement suivie ; que la circonstance, à la supposer avérée, que Mme A...aurait présenté des observations orales durant l'audience est sans influence sur une telle méconnaissance ; que dès lors, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi relatifs aux cotisations de taxe foncière en litige, Mme A...est fondée à demander l'annulation de l'article 3 du jugement qu'elle attaque en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à la décharge des cotisations de taxe foncière sur les propriétés bâties auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2009 et 2010, à l'exception des taxes se rapportant à son propre logement ;

3. Considérant, d'autre part, qu'aux termes du I de l'article 1389 du code général des impôts : " Les contribuables peuvent obtenir le dégrèvement de la taxe foncière en cas de vacance d'une maison normalement destinée à la location ou d'inexploitation d'un immeuble utilisé par le contribuable lui-même à usage commercial ou industriel, à partir du premier jour du mois suivant celui du début de la vacance ou de l'inexploitation jusqu'au dernier jour du mois au cours duquel la vacance ou l'inexploitation a pris fin. / Le dégrèvement est subordonné à la triple condition que la vacance ou l'inexploitation soit indépendante de la volonté du contribuable, qu'elle ait une durée de trois mois au moins et qu'elle affecte soit la totalité de l'immeuble, soit une partie susceptible de location ou d'exploitation séparée " ; qu'aux termes de l'article 1524 du même code, relatif à la taxe d'enlèvement des ordures ménagères : " En cas de vacance d'une durée supérieure à trois mois, il peut être accordé décharge ou réduction de la taxe sur réclamation présentée dans les conditions prévues en pareil cas, en matière de taxe foncière " ;

4. Considérant que ces dispositions subordonnent le dégrèvement de la taxe foncière sur les propriétés bâties à la condition, notamment, que la vacance de l'immeuble normalement destiné à la location ou l'inexploitation de l'immeuble utilisé par le contribuable lui-même à usage commercial ou industriel soit indépendante de la volonté du propriétaire ; que le caractère contraignant de la vacance s'apprécie eu égard aux circonstances dans lesquelles cette vacance est intervenue et aux démarches accomplies par le propriétaire, selon les possibilités qui lui étaient offertes, en fait comme en droit, pour la prévenir ou y mettre fin ;

5. Considérant qu'en ne recherchant pas si MmeA..., qui n'en avait pas fait état devant lui, avait accompli des démarches auprès des banques et des administrations ou organismes de prêts en vue d'obtenir le financement de travaux de réhabilitation de l'immeuble en litige, le tribunal, qui a suffisamment motivé son jugement, n'a ni méconnu son office ni commis d'erreur de droit ; que, dès lors, le pourvoi doit être rejeté en tant qu'il porte sur les cotisations de taxe d'enlèvement des ordures ménagères auxquelles Mme A...a été assujettie au titre des années 2009 et 2010 ;

6. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Mme A...d'une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'article 3 du jugement du 27 mars 2014 du tribunal administratif de Versailles est annulé en tant qu'il rejette les conclusions de Mme A...tendant à la décharge des cotisations de taxe foncière sur les propriétés bâties auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2009 et 2010, à l'exception de la taxe se rapportant à son propre logement.

Article 2 : L'affaire est renvoyée, dans la limite de la cassation ainsi prononcée, au tribunal administratif de Versailles.

Article 3 : L'Etat versera à Mme A...la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions du pourvoi de Mme A...est rejeté.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à Mme B... A...et au ministre des finances et des comptes publics.


Synthèse
Formation : 8ème ssjs
Numéro d'arrêt : 382322
Date de la décision : 29/04/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

54-04-03-02 PROCÉDURE. INSTRUCTION. CARACTÈRE CONTRADICTOIRE DE LA PROCÉDURE. COMMUNICATION DES MOYENS D'ORDRE PUBLIC. - MENTION DU DÉLAI DANS LEQUEL LES PARTIES PEUVENT PRÉSENTER LEURS OBSERVATIONS SUR UN MOYEN RELEVÉ D'OFFICE (ART. R. 611-7 DU CJA) - OBLIGATION À PEINE D'IRRÉGULARITÉ DE LA PROCÉDURE, DÈS LORS QUE LA DÉCISION RETIENT CE MOYEN - EXCEPTIONS - 1) MENTION DE LA DATE DE L'AUDIENCE OÙ L'AFFAIRE SERA APPELÉE - 2) PARTIES AYANT, MÊME EN L'ABSENCE D'INDICATION DU DÉLAI ET DE LA DATE DE L'AUDIENCE, PRÉSENTÉ LEURS OBSERVATIONS ÉCRITES.

54-04-03-02 Il résulte des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative (CJA) que le document informant les parties du moyen relevé d'office sur lequel la décision est susceptible d'être fondée doit mentionner, à peine d'irrégularité de la procédure, dès lors que cette décision retient ce moyen, le délai dans lequel les parties peuvent présenter leurs observations sur ce moyen.... ,,Il est néanmoins satisfait à cette obligation dans le cas où, sans fixer de délai, ce document mentionne la date de l'audience où l'affaire sera appelée dès lors que la clôture de l'instruction ne fait pas obstacle à la présentation jusqu'à cette date de telles observations.... ,,En outre, la décision ne peut être regardée comme intervenue suivant une procédure irrégulière si les parties ont présenté leurs observations écrites [RJ1] alors même que le document qui leur a été adressé ne fixait aucun délai et ne mentionnait pas la date de l'audience.


Références :

[RJ1]

Cf., pour l'explicitation de ces règles, sans la précision, ajoutée par la présente décision, du caractère écrit des observations susceptibles de faire obstacle à ce que la décision soit regardée comme irrégulière, CE, 4 juillet 2012, Département de Saône-et-Loire, n° 356168, T. p. 920.


Publications
Proposition de citation : CE, 29 avr. 2015, n° 382322
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Karin Ciavaldini
Rapporteur public ?: M. Benoît Bohnert
Avocat(s) : SCP PIWNICA, MOLINIE

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2015:382322.20150429
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